Évangile, Bonne Nouvelle … Nous en avons bien besoin en ces temps de crises multiples. Des sondages récents semblent indiquer qu’un grand nombre de Belges attendraient un sauveur. Mais pas Celui que nous célébrons dans nos églises devenues trop grandes : un « chef », paraît-il, un patron du pays qui assurerait la sécurité et le confort. Si l’on s’en tient à ce ‘noir-jaune-blues’, le royaume de Belgique est bien éloigné du royaume des Cieux que Jésus annonçait …
En effet, le Christ proclame la proximité de Dieu. Son message se situe dans le prolongement des prophètes et des psaumes. L’évangile de Matthieu, surtout, issu de communautés du monde juif, est construit sur 5 grands discours qui font écho aux 5 livres de base de la Bible, la Torah. Nous venons d’entendre le début du premier de ces grands enseignements, celui qu’on appelle communément ‘sermon sur la montagne’. Cette montagne est sans doute une colline légèrement abrupte, comme on en voit autour de Capharnaüm et de son lac, et si l’évangéliste en exagère l’ampleur, c’est en référence au mont Sinaï où Moïse a reçu la Loi du Seigneur : le jeune rabbi Jésus s’y assied dans la position du maître pour annoncer la nouvelle Alliance. Celle-ci reprend les lignes de force du prophétisme ancien : cherchez le Seigneur, vous les humbles du pays, cherchez la justice, cherchez l’humilité. Et nous avons chanté avec le psaume : le Seigneur fait justice aux opprimés, il redresse les accablés, il protège l’étranger…
En fait, ce qui est en jeu, c’est la conception que l’on se fait du bonheur. Se trouve-t-il dans la renommée et la possession de biens qui assurent la sécurité ? Non, répond le Christ, il est dans la relation et l’intimité avec Dieu, ce qu’il nomme le Royaume des Cieux ou le règne de Dieu. Et cela est donné dès maintenant aux pauvres qui mettent en lui leur confiance. Heureux les pauvres, car le Royaume des Cieux est à eux. Ce qui peut surprendre, c’est que pour les autres catégories de personnes énumérées, la solution de leurs problèmes est annoncée au futur : ceux qui pleurent seront consolés, les cœurs purs verront Dieu, les artisans de paix seront appelés fils de Dieu – mais pour les persécutés et ceux qu’on insulte, la récompense est grande dans les cieux. Cette sorte de télescopage entre le présent et l’avenir ne serait-il pas le signe que nous n’avons pas à remettre à plus tard la miséricorde, la pureté de cœur, l’action pour la justice et la paix – mais que c’est aujourd’hui que se joue notre participation au règne de Dieu ?
Dans ce discours-programme de la prédication de Jésus, les béatitudes dessinent en filigrane son portrait. Et par là même le portrait de ses disciples. Elles sont des balises sur le chemin que nous avons à suivre dans la foi, et c’est le chemin du bonheur : un bonheur qui n’est pas dans la possession, comme trop de gens l’imaginent, mais dans l’ouverture à l’autre et la confiance en Dieu et en l’avenir qui lui appartient. C’est la liberté à l’égard des richesses, la douceur et la simplicité, l’action pour la justice et la paix, la miséricorde et la compassion avec les souffrants, l’espérance dans les épreuves et les persécutions – celles-ci étant le lot quotidien des chrétiens de la fin du premier siècle qui recevaient l’évangile, et les persécutions touchent encore aujourd’hui beaucoup de chrétiens dans plusieurs régions du monde. Parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes ni de gens puissants, dit St Paul aux chrétiens de Corinthe qui étaient notamment des ouvriers du port ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi.
Ce qui était vrai en ce temps-là est toujours vrai aujourd’hui, même si les circonstances ont changé. « Notre foi, écrivent Christine Pedotti et Anne Soupa dans leur beau petit livre « Espérez », n’épargne rien des rudesses de l’existence. Elle n’éteint pas les questionnements ni même les doutes, mais elle est la source de la joie intime et profonde qui est la nôtre. Et cette joie est celle de l’espérance, cette étrange lumière souvent fragile qui transforme la vie parce qu’elle fait accueillir avec confiance ce qui vient ». Accueillir avec confiance ce qui vient : voilà une bonne nouvelle ! Qui rejoint ce qu’écrivait au début du deuxième siècle Hermas, un ‘Père de l’Église’ : ‘revêts-toi de gaieté, elle plaît toujours à Dieu’. Ou encore au vingtième siècle Mère Teresa de Calcutta : ’Notre gaieté est le meilleur moyen de prêcher le christianisme’. Que notre participation à l’eucharistie nous revête de gaieté, et qu’ainsi elle plaise à Dieu !
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
So 2, 3 ; 3, 12-13
Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10b
1 Co 1, 26-31
Mt 5, 1-12a