Si on nous demandait ce que nous avons retenu de la parabole de la vigne, je suppose que nous répondrions, pour la plupart, assez spontanément, que si nous voulons porter du fruit, nous devons rester branchés sur Jésus, comme un sarment ne peut pas porter de fruit sans être branché sur la vigne.
Soit dit en passant, figurez-vous que, tout récemment encore, je n’avais jamais pensé que les verbes brancher et débrancher viennent du mot branche. J’y ai songé en lisant, il y a peu, une méditation de Monseigneur Joseph, le supérieur orthodoxe de notre frère Pacôme. Comme quoi, on peut devenir malin à tout âge, ce qui est rassurant. Je ferme la parenthèse et je reviens à mon sujet.
Jésus nous dit qu’il est la vigne et que nous sommes les sarments. Et il semble aller de soi que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne. Restons branchés.
Mais l’image de la vigne peut aussi vouloir dire autre chose, qui n’est pas noir sur blanc dans l’évangile. Dans ses écrits spirituels, Mère Teresa affirme : « Christ est la vigne et nous en sommes les branches. Sans nous, il n’y aurait pas de fruits » (Tu m’apportes l’amour, Paris, 1975, p. 25). L’évangile dit le contraire : nous ne pouvons pas porter de fruit si nous ne demeurons pas en Jésus. Mère Teresa ne le conteste pas, mais elle souligne que l’image fonctionne dans les deux sens : en disant qu’il est la vigne et que nous sommes les sarments, Jésus laisse entendre que sa fécondité dépend aussi de nous.
Il y a quelques jours, j’ai envoyé à une amie religieuse ce petit message à l’occasion du vingtième anniversaire de son engagement : « Pour ces vingt ans de fidélité, merci à vous deux. L’un sans l’autre, vous n’auriez rien pu. » Et aussitôt, en pensant à vous, j’ai ajouté : « Tiens, ça me donne une idée pour l’homélie de dimanche… Heureusement que tu es là. »
Sans nous, il n’y aurait pas de fruits. Jésus nous dit que nous ne pouvons rien faire en dehors de lui, mais il ne fait rien sans nous. Cela nous renvoie une fois encore à l’image de Simon de Cyrène. Sans lui, la croix de Jésus n’arriverait pas au sommet du Calvaire. Et là, au Golgotha, c’est Jésus qui sauve Simon et non l’inverse, cela va sans dire. Mais l’un sans l’autre, ils ne peuvent rien.
L’humanité ne serait-elle pas différente si toutes les personnes qui se réclament du Christ prenaient conscience de leur dignité et du rôle irremplaçable qu’elles ont à jouer dans le monde ? Malheureusement, dans l’évangile de ce jour, il y a trois catégories de sarments. Nous avons retenu ceux qui, débranchés, ne portent pas de fruit et ceux qui en portent. Mais il y a aussi – et c’est même par ceux-là que la parabole commence – les sarments qui, bien que sur la vigne, ne portent pas de fruit. Le vigneron les enlève et ils vont grossir le tas de ceux qu’il jette au feu. Il ne suffit pas de connaître le Christ pour porter du fruit. Sans nous, il ne peut rien.
Il y a encore une quatrième sorte de sarments. Mais pour la découvrir, il faut attendre la suite de l’évangile, qui ne sera lue que dans huit jours. Je n’en dis rien, de peur de couper l’herbe sous les pieds de celui qui fera l’homélie ce jour-là. Donc, à dimanche !
Fr. François Dehotte
Lectures de la messe :
Ac 9, 26-31
Ps 21 (22), 26b-27, 28-29, 31-32
1 Jn 3, 18-24
Jn 15, 1-8