“Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Ces paroles de Marthe, chacun d’entre nous, au moins une fois dans sa vie, les a murmurées en soi-même lors de la mort d’un proche, surtout s’il s’agit d’une personne jeune pour laquelle nous avons espéré et prié beaucoup. Devant la mort, surtout quand elle nous parait injuste, spontanément nous interpellons le Seigneur : pourquoi n’as-tu pas guéri et sauvé celui pour qui nous t’avons tant supplié ? Quiconque perd un être cher peut faire sien ce reproche de Marthe à Jésus : Tu n’étais pas là, pourquoi ?
Et lorsque Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera », Marthe répond : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection du dernier jour », comme pour dire : mais c’est bien trop loin le dernier jour et trop abstrait. Ce n’est pas cela qui peut me consoler de la perte de mon frère.
Et c’est alors que Jésus prononce une parole tout à fait surprenante : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » C’est une révélation inouïe : « Je suis la résurrection et la vie ». La résurrection du dernier jour ne serait plus un jour lointain à la fin des temps mais elle est là, déjà offerte en la personne de Jésus, lui qui ressent avec tant d’émotion la détresse de Marthe et qui pleure Lazare.
« Crois-tu cela ? » Crois-tu que je suis la résurrection et la vie ? Tel est le véritable défi de la foi. Et Marthe exprime la bonne réponse en disant non pas : je crois en la résurrection, mais en disant : « Je crois en toi, tu es le Messie, le Fils de Dieu. »
Jésus nous dit que tout dépend de la foi, que notre vie est sauvée par la foi en Lui. Finalement, qu’est-ce qui justifie la foi de Marthe et Marie en la résurrection, sinon la conviction profonde de l’amour du Seigneur, de sa compassion et de sa tendresse pour elles-mêmes et pour chacun et chacune d’entre nous. En ce sens le début de l’évangile nous donne la clef qui explique tout quand il est écrit : « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. » Si Marthe a pu répondre avec tant de conviction : « Seigneur, je crois… », ce n’est pas parce qu’elle avait tout compris de ce que lui disait Jésus, mais parce qu’elle se sentait aimée par lui, parce qu’elle croyait à la fidélité de l’amour de Jésus pour elle, pour son frère et sa sœur.
Nous le savons bien : l’amour a une capacité merveilleuse de transfiguration et de résurrection. Par l’amour nous pouvons rendre la vie, l’espérance, la joie à des personnes désespérées, qui se sentent abandonnées et perdues. Alors, combien plus l’amour divin peut-il rendre la vie et ressusciter, même les morts. « Je suis la résurrection et la vie », cela veut dire que rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ, même pas la mort.
En réveillant Lazare et en le faisant sortir du tombeau, Jésus nous révèle que la mort ne peut rompre notre relation filiale avec Dieu notre Père ; il nous invite à croire que Celui qui nous a donné la vie, ne peut nous abandonner aux forces de la mort. Et le meilleur moyen de nous ancrer dans cette conviction, c’est d’accueillir chaque matin notre vie, comme un cadeau donné gratuitement. C’est cette attitude qui nous permet de croire en la grâce future de notre résurrection. Si Dieu nous a donné la vie, et nous la redonne chaque matin, pourquoi ne serait-il pas capable de nous la donner, même au-delà de la mort ? Recevoir cette journée avec action de grâce et l’accueillir comme un don gratuit, c’est la meilleure façon de fortifier notre foi en notre propre résurrection. Bien plus, en communiant avec foi au pain eucharistique, nous recevons déjà en nous le germe de la vie en plénitude qui nous est promise.
Fr. Bernard de Briey
Lectures de la messe :
Ez 37, 12-14
Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8
Rm 8, 8-11
Jn 11, 1-45