Jésus vient de dire : “Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour ». Pour les auditeurs de Jésus ces paroles sont incompréhensibles et scandaleuses. Aussi, beaucoup l’abandonnèrent. Pourtant Pierre et les autres apôtres sont restés avec Jésus. Pourquoi ?
Ils sont restés parce que le fondement de leur foi c’est la personne de Jésus, davantage que ce qu’il dit. Bien qu’ils ne comprennent pas, ils croient ce que dit Jésus parce qu’ils percevaient dans son visage et ses paroles une telle autorité, une telle confiance et un amour si évident pour eux qu’ils ne pouvaient douter de la vérité de ses paroles. « Nul n’a parlé comme cet homme ! » s’exclamait la foule. Les disciples restent avec lui, non parce qu’ils ont compris son discours sur le pain de vie, mais parce qu’ils aiment Jésus et ont confiance en lui, bien que ses paroles leurs restent mystérieuses. A la question : « allez-vous, vous aussi, me quitter ? », Simon Pierre, au nom des douze, répond : « Seigneur, à qui irions-nous ? tu as les paroles de la vie éternelle. » Simon Pierre ne se laisse pas troubler ni scandaliser par des discours et des affirmations dont la portée lui échappe parce que son regard est constamment fixé sur la personne de Jésus.
Jésus nous invite à le suivre mais il nous laisse totalement libre, sans faire pression. Il demande aux douze : “Vous aussi vous voulez me quitter ? » Cette question est un exemple bien clair qui montre que Jésus, tout au long de sa mission, ne cherche pas à mettre la main sur les personnes, à faire pression, à imposer un pouvoir. Jésus est tout le contraire d’un séducteur ou d’un manipulateur. Il désire que pour le suivre l’adhésion des douze apôtres, comme la nôtre, soit totalement libre. Voulez-vous me quitter ou voulez-vous poursuivre la route avec moi, malgré les risques et l’inconnu ? C’est une question qui nous est posée à nous aussi, à chaque tournant de notre vie.
“Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ». Nous pouvons remercier Pierre d’avoir répondu de cette manière. C’est une exclamation avec laquelle nous pouvons nous identifier. C’est un cri qui peut jaillir aussi de notre cœur, surtout quand nous traversons des moments d’obscurité et de doute, quand nous ne pouvons justifier et expliquer notre engagement chrétien. Dans les moments d’anxiété, quand nous regardons l’actualité, quand nous sommes désemparés devant ce monde de violence et de corruption, dans ces moments-là, il ne nous reste qu’une parole d’abandon comme celle-là : Seigneur, à qui irions-nous ?
Pour nous aussi, le fondement de notre foi c’est la personne de Jésus, la relation avec lui, sa présence aimante et fidèle dans notre histoire. C’est dans la mesure où nous le suivons avec persévérance qu’il peut nous faire naître à la vie véritable, la vie éternelle dont il est porteur. Il s’agit de maintenir le cap avec comme guide l’évangile. C’est l’avertissement de la première lecture qui nous prévient : il s’agit de choisir d’une manière claire et décidée et se mettre à la suite de Jésus sans regarder en arrière, avec fidélité : nous ne pouvons servir deux maîtres. C’est la condition pour qu’il puisse nous donner la vie éternelle et que nous puissions découvrir le grand mystère de la résurrection.
La seconde lecture nous parle aussi de mystère mais cette fois à propos du sacrement du mariage. C’est un grand mystère parce qu’il se réfère au Christ et à l’Église. Le mariage chrétien est la figure la plus belle pour comprendre l’amour du Christ pour son Église et pour toute l’humanité ; c’est l’image qui nous permet le mieux de nous approcher de ce mystère.
Enfin, c’est surtout l’eucharistie qui est le grand mystère de notre foi. Jésus Christ se donne à nous dans l’eucharistie pour que nous l’assimilions, de telle manière que par la communion à son corps eucharistique, nous devenions son humanité dans le monde. Le geste le plus parlant de la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, c’est la fraction du pain, c’est le pain rompu. La présence du Christ est une présence qui se donne pour fortifier notre relation avec lui, pour que nous vivions de sa vie, pour que nous soyons animés par le même Esprit et pour que nous soyons ses témoins dans le monde.
« Il est grand le mystère de la foi ». Nous sommes appelés à suivre le Christ sans que nous puissions nécessairement tout comprendre intellectuellement ; Il nous demande une attitude d’accueil inconditionnel, sans faire le tri entre ce qui est compréhensible et ce qui nous reste encore insaisissable, mais en nous exposant à la lumière toute entière de la Parole de Celui qui nous fera peu à peu entrer dans le mystère de l’eucharistie si nous lui donnons notre confiance, sans condition.
Frère Bernard, o.s.b
Lectures: Jos 24, 1-2a.15-17.18b ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69