Les récits bibliques sont parfois difficiles à comprendre. Le défi est encore plus grand quand il s’agit de les mettre en œuvre au quotidien.
« Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » (Mt 10, 26-28).
Jésus a montré par sa propre vie à tous ceux qui veulent le suivre qu’ils sont invités à porter leur croix (notre expérience de vie). Mais qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi faut-il porter notre croix ? Nous savons bien que si le Christ a porté sa croix il est passé par les souffrances et la mort et puis a été glorifié dans sa résurrection. Est-ce que cela voudrait dire que nous devons aussi souffrir ? Le Christ a souffert en ce sens qu’il a accepté la souffrance qu’on lui a infligée. Donc pas de dolorisme, et en un sens Il a souffert pour que nous ne souffrions plus, c’est-à-dire, qu’il nous aide à porter notre croix.
L’évangile de ce jour s’inscrit dans le cadre d’une conversation plus large que Jésus a eue avec ses disciples. Dimanche dernier, on nous a rappelé la responsabilité des disciples de manifester inlassablement l’amour de Dieu dans le monde, pour tous, sans oublier les pauvres et les humiliés !
Jusqu’ici, tout est clair et positif mais pourquoi risquer sa vie pour témoigner du message du Christ. La société romaine à l’époque des premiers chrétiens était très structurée. Seuls les hommes, citoyens de Rome, avait des droits et une dignité. Les femmes, veuves, enfants, esclaves étaient de simples sujets sans droits et en conséquence sans statut. On pouvait disposer d’eux comme des objets et on ne changeait pas son rang dans la société. Pour être reconnu dans ce type de société, il fallait être citoyen. Au contraire, les disciples de Jésus étaient plutôt des personnes sans droits, des pauvres, pécheurs, charpentiers, esclaves…. Au premier siècle, les personnes qui suivaient Jésus risquaient d’être arrêtées, condamnées et jetées aux fauves, exécutées, comme lui l’a été sur la croix. Mais Jésus dit 4 fois « ne craignez pas ». Cette parole nous invite à dépasser nos peurs et à vivre dans la confiance : « Confiance, n’ayez pas peur ! »
« Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. » (Mt 10, 30-33)
Dans notre première lecture, le prophète Jérémie parle avec véhémence de tous ceux, y compris ses amis qui le mettent en accusation. Jérémie est cloué au pilori dans une situation de martyre. Il se plaint devant Dieu de ceux qui le persécutent ; mais sa confiance en son Seigneur est plus forte que sa peur. Jérémie a dit « chanter et louer le Seigneur, car il a délivré le malheureux de la main des méchants. » (Jr, 20, 10-13) Jérémie ne perd pas confiance, au contraire il s’attache au Seigneur, attend sa grâce et le loue.
Le psaume 68 parle de l’heure de la grâce, ce moment de grâce où cette force divine nous est donnée pour affronter le monde et le mondain. Cette grâce nous l’avons reçue au baptême. A nous de la saisir au moment choisi par Dieu afin de témoigner ! C’est ici notre vocation de témoin de la parole divine.
Cet appel à la confiance, Paul le répète aux Romains : quels que soient vos péchés, ils sont pardonnés par la « grâce et l’amour de Dieu » (communiqués en Jésus Christ). Jadis, je m’étonnais que, parmi les fruits de l’Esprit, l’apôtre Paul ait inscrit la confiance. Maintenant, j’associe la confiance à l’amour divin. On dirait que ce fruit de l’Esprit a plus de difficultés que les autres à croître et à murir en nous. Aussi, combien d’hommes et de femmes, maltraités dans leur foyer, leur milieu professionnel ou social, épiés, calomniés, cherchent force et sérénité. Le chemin qui nous est proposé c’est le Christ, ce que prêchait déjà le théologien dominicain Maître Eckhart. Lui-même a été accusé d’hérésie par ses propres frères prêcheurs.
Notre monde a tendance à se séculariser et parfois à se « paganiser »! Nos communautés n’ont-elles pas besoin de s’éveiller afin de témoigner de la vérité du Christ et des traditions chrétiennes qui datent du début de la première Église ? Si nous voulons être crédibles, ne faut-il pas être véridiques mais aussi être à l’écoute de l’autre et vivre un véritable face à face ? Si la foi est parfois présentée comme une assurance, un roc dans notre vie, ne serait-elle pas plutôt un risque, une inconnue ?
Dans les faits, l’association intitulée « Open doors » (« Portes Ouvertes ») fait chaque année des recensements des chrétiens les plus persécutés dans le monde, en Inde, en Afrique etc. et essaie de les joindre pour leur venir en aide.
A Bruxelles, dans notre paroisse anglicane, nous accueillons régulièrement des réfugiés politiques et religieux. Des chrétiens des quatre coins du monde qui recherchent un lieu en sécurité pour leurs familles et pour vivre leur foi.
Plus près de chez nous, dans nos familles, nos enfants sont parfois gênés de dire qu’ils sont chrétiens de peur des moqueries de leurs camarades.
Au milieu de toutes ces grandes peines, l’Eucharistie, qui en grec veut dire « rendre grâce », nous est offerte pour célébrer notre foi et notre confiance en un Dieu d’amour. Trouvons en elle la force de témoigner du message du Christ malgré les oppositions ; trouvons en elle le repos de notre cœur et la paix pour notre âme, en nous référant au regard de Dieu et à cette connaissance intime qu’il a de notre vérité. Comme baptisés, n’ayons pas peur de témoigner de notre foi car la grâce pourrait nous surprendre et nous toucher. La grâce, ne nous a-t-elle pas déjà surprise et touchée ?
Sœur Julian Day
Lectures de la messe :
Jr 20, 10-13
Ps 68 (69), 8-10, 14.17, 33-35
Rm 5, 12-15
Mt 10, 26-33