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Christ Roi

Nous célébrons le Christ comme notre roi. Mais l’évangile nous montre que ce titre est d’abord le fruit d’une méprise, d’une incompréhension. C’est peut-être là-dessus que Jésus a voulu attirer l’attention de Pilate, quand celui-ci a demandé s’il était le roi des Juifs : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Donnes-tu au mot « roi » le sens qu’il a dans ta culture romaine ou bien répètes-tu ce que des Juifs t’ont dit de moi, probablement sans bien les comprendre ? Ou en te laissant piéger par eux, qui te parlent un double langage ?

Jésus est pleinement tout ce qu’il est. Vrai homme, il est plus homme que n’importe quel homme. Lui seul est tout à fait humain, sans la moindre trace d’inhumanité. Juif, il est le plus Juif de tous, le Juifissime. Dans une langue qui ne connaît pas le superlatif, il n’y a pas moyen de dire « le plus Juif », on dit « le roi des Juifs ». J’ai connu un restaurant qui s’appelait « Le roi des moules ». Personne n’a jamais cru que le patron exerçait la royauté sur les moules. Ceux qui ont raconté à Pilate que Jésus était le roi des Juifs ont sans doute tablé là-dessus, ils ont deviné que Pilate comprendrait de travers, croirait que Jésus prétendait à la royauté, et transformerait son interrogatoire en procès politique.

L’évangéliste profite de ce malentendu pour glisser vers une autre royauté de Jésus, celle qui n’est pas de ce monde. Il est venu dans le monde, mais il n’en était pas. Il commence par dire qu’il est né : comme tout homme, il est venu au monde. Mais il ajoute qu’il est venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, qu’il est venu d’ailleurs avec une intention, un projet. Et cela le distingue des autres hommes. Cela tourne notre attention vers sa divinité. C’est parce qu’il est le Dieu créateur qu’il est le roi de l’univers.

Mais que nous dit-il lui-même de sa royauté ? Essentiellement trois choses, me semble-t-il.

« Si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus. » Jésus a renoncé aux moyens ordinaires pour faire passer son message, pour faire triompher son point de vue, pour s’imposer. Né au sein d’un peuple qui avait perdu son indépendance, dans une famille modeste, émigré à Nazareth d’où il ne sort rien de bon, pris pour un Galiléen alors qu’il est Juif au carré, il n’a vraiment mis aucune chance de son côté.

« En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Jésus n’est pas roi comme Pilate l’imagine, mais il est bel et bien roi. C’est donc à lui et à lui seul que nous voulons obéir, en sachant qu’il veut notre bonheur. Cela suppose une certaine humilité. Car Jésus n’a pas le téléphone. Pour lui obéir, nous devons discerner sa volonté. Et nous avons pour cela besoin de l’aide de nos frères et de nos sœurs.

« Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » L’évangile de ce jour s’arrête là, avant la question de Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? » Jésus n’a pas répondu, Pilate n’aurait pas pu comprendre la réponse, celle que Jésus venait de donner à ses apôtres : la vérité, c’est moi. Je suis la vérité.

Frère François

Lectures: Dn 7, 13-14 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33b-37

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