Monition
Nous entamons aujourd’hui la lecture de la première lettre de saint Paul aux Thessaloniciens. On s’accorde généralement à la considérer comme le premier écrit chrétien, le plus ancien. Et dès le troisième verset, Paul se réjouit de la foi, de l’espérance et de la charité. Elles sont déjà là, sur le seuil du Nouveau Testament, celles qu’on appellera plus tard les vertus théologales, les trois vierges qui ont laissé leur nom à une localité du Luxembourg. Elles sont le trésor de la vie chrétienne, ce trésor que nous voudrions partager avec toute l’humanité. Le quatrième dimanche d’octobre est justement le dimanche de la mission universelle. Puissions-nous être pour le monde qui en a tant besoin les témoins de la foi qui est active, de la charité qui se donne de la peine et de l’espérance qui tient bon
Homélie
» Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César ? » Par bonheur, la question ne se pose plus dans ces termes. Les Romains sont partis, les irréductibles Gaulois ont eu gain de cause. Depuis lors, nous avons été occupés par d’autres, mais il y a déjà longtemps que nous avons retrouvé notre autonomie et que nous ne devons plus choisir entre la collaboration et la résistance. Il est donc clair pour tout le monde qu’il est désormais permis de payer ses impôts, pour le plus grand plaisir de chacun de nous.
Cela dit, supposons tout de même que Jésus vienne nous dire : » Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Nous serions bien obligés de lui répondre : » Seigneur, d’où sors-tu ? Il y a belle lurette qu’il n’est plus possible de payer l’impôt en monnaie. On le paie par virement bancaire. » Il nous répondrait : » Soit ! Et je sais même que vous circulez de plus en plus sans argent et que vous effectuez la plupart de vos paiements par carte. Mais il vous reste tout de même un peu d’argent, ne serait-ce que pour en déposer, à la sortie, dans le panier de la collecte. »
Tiens, à propos, j’ouvre une parenthèse : c’est aujourd’hui le dimanche de la mission universelle. Votre offrande sera destinée à soutenir l’effort missionnaire à travers le monde. Merci déjà. Je ferme la parenthèse et je reviens à notre conversation avec Jésus à propos de notre argent de poche.
– Montrez-moi un peu de votre monnaie. Que représentent ces images ? (Oui, je l’ai déjà dit plusieurs fois : les traductions parlent d’effigie, parce qu’elles utilisent le terme spécifique quand il est question de monnaie, mais le mot grec de l’évangile est simplement icône, image.)
– Ah ! Seigneur, depuis qu’on est passé à l’euro, des images sur nos pièces, on en a de toutes les sortes. Il y a encore quelques effigies de rois et de reines, mais tout le monde n’en a plus. Alors, il y a un peu de tout sur nos pièces de monnaie. Tiens ! Avez-vous remarqué que l’arbre de la république française a, depuis l’an dernier, renoncé à son hexagone ?
– François, cesse un peu de détourner l’attention. Montre-moi un billet de banque !
– Ah ! Seigneur, il y en a de plusieurs teintes et les uns sont plus grands que les autres.
– Oui, je sais. Mais je t’ai demandé ce que représentent les images. Je te vois venir, tu vas me répondre qu’elles sont différentes aussi, qu’elles évoquent diverses périodes. D’accord. Mais que représentent-elles toutes ?
– Une fenêtre et un pont.
– Très bien, tu as tout compris. Si l’argent est le nerf de la guerre, il devrait pouvoir être aussi le nerf de la paix. Celui de l’impôt ne devrait pas servir à dresser de nouveaux murs, mais plutôt à ouvrir des fenêtres et à construire des ponts. Si l’Europe s’est donné ces deux symboles quand elle a créé sa monnaie commune, je suppose que ce n’est pas pour rien. Elle se bâtit en acceptant deux mouvements de confiance : la foi qui accueille l’autre, comme la fenêtre laisse entrer la lumière, et l’espérance qui part à sa rencontre, en jetant un pont vers lui. Et ce qui est vrai de mon frère, de ma sœur, est vrai aussi de mon Dieu.
L’argent n’est pas une fin en soi, c’est un moyen. Reste à savoir de quoi il est le moyen, à quoi il sert. Comme d’autres l’ont dit, si vous croyez que l’argent n’a pas d’odeur, c’est que vous avez le nez bouché. Quand nous l’utilisons, ne devrions-nous pas toujours nous demander quelle fenêtre nous ouvrons, quel pont nous jetons ? Quelle est notre foi et quelle est notre espérance ? Et où est alors la charité ? Regardez bien vos euros. S’il y a une fenêtre et pas de pont, ou à l’inverse un pont et pas de fenêtre, méfiez-vous. C’est un faux billet.
Fr. François Dehotte
Lectures de la messe :
Is 45, 1.4-6
Ps 95 (96), 1.3, 4-5, 7-8, 9-10ac
1 Th 1, 1-5b
Mt 22, 15-21