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Il y a quelques années, j’avais pour tâche d’introduire les enfants à la catéchèse du dimanche. Je me souviens d’une phrase de l’un d’entre eux. Elle est restée gravée en ma mémoire :  » La vie, c’est du sérieux puisqu’on sait qu’on va mourir.  »

La prise de conscience de notre propre fin éclaire notre durée, notre temps d’un poids, d’une valeur, en termes bibliques on pourrait dire d’une gloire, d’une fécondité ; en termes bénédictin, le mot gravitas viendrait à propos. Ma vie, même si elle a un terme, n’est pas une plume emportée par le vent. Elle est comme une terre lourde à travailler pour qu’elle porte du fruit; et quand la bonne saison s’éveille, il ne faut plus attendre, il faut s’y mettre.

Les cendres nous rappellent que notre présence sur terre n’est pas éternelle. Il y a urgence : nous sommes aujourd’hui appelés à vivre en vérité et en plénitude. Pour cela, il faut travailler notre terre en commençant par la retourner, l’aérer, lui ouvrir un espace nouveau, lui apprendre à respirer.

Quelles pièces de mon être sentent le renfermé, ont besoin de lumière et d’air frais ?

Faire de la place, ouvrir, éclairer et rafraîchir, c’est ce que nous propose et symbolise le jeûne qui peut prendre différentes formes.

Si nous faisons de la place dans notre cœur, c’est pour y faire entrer une autre réalité bien plus précieuse et bien plus joyeuse !

Un vieux moine raconte qu’à une période de sa vie, il était envahi par une énorme tristesse et un sentiment de culpabilité. Il se morfondait ainsi à la table de sa cellule, jusqu’à ce que l’Esprit Saint souffle dans les voiles de son imagination : subitement un rayon de lumière transforma la page blanche déposée devant lui en un lac étincelant de mille feux, ses crayons et calames devinrent une forêt de bouleaux argentés et il se sentit transporté jusqu’au sommet de la montagne voisine de son monastère. La beauté de la création devenait source de louanges qui le libéraient de son obscur isolement.

Pour arriver à cette délivrance, il convient de suivre l’itinéraire que nous trace le prophète Joël en cette série de verbes qu’il utilise : sonner, offrir, prescrire, annoncer et rassembler. Ils résument bien l’enjeu du carême. Quand les mots ne nous atteignent plus, la sonnerie symbolise l’émotion, le tressaillement, l’événement qui va faire une brèche en notre cœur et le remettre en éveil, afin qu’il sorte de son enfermement et s’ouvre à autrui. Prescrire nous apprend que nous ne sommes pas les maîtres du bien et du mal. Nous avons à écouter une parole qui nous précède et la mettre en pratique. Entrer dans une pratique qui va commencer à nous transformer.

Et cette transformation ne peut que nous conduire à rendre grâce, à annoncer ce que le Seigneur a fait pour nous et à partager cette vie de l’Esprit avec d’autres.

Que ce carême nous redonne le goût des autres sous la guidance de l’Esprit.

Fr. Renaud Thon

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