6

Aujourd’hui avec moi dans le paradis…Dans le troisième évangile, ce sont les dernières paroles de Jésus avant qu’il remette sa vie entre les mains du Père. C’est comme la conclusion du questionnement qui habitait les destinataires de la Bonne Nouvelle au premier siècle de notre ère. Et ce questionnement rejoint celui de beaucoup de nos contemporains dans l’Europe sécularisée de ce 21e siècle. Car la vie et la mort de Jésus continuent d’interpeller le monde, celui que St Luc fait en quelque sorte défiler au pied de la croix.

Le peuple restait là à observer. Une certaine passivité, parce qu’on ne sait comment réagir, Pourquoi cet homme est-il condamné ? En ce temps-là, on attendait autre chose de lui, sans doute un roi à la manière de David, capable de rétablir l’indépendance et l’unité des tribus d’Israël. Aujourd’hui, le monde est devenu un village et l’on se demande comment réagir face à toutes les menaces et face à la souffrance et à la mort de tant d’innocents.

Les chefs tournaient Jésus en dérision : qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu. La religion instituée n’aime pas d’être remise en question, et ses responsables préfèrent souvent faire comme on a toujours fait. Dans l’histoire même du christianisme, il ne manque pas de réformateurs qui ont été cloués au pilori…

Les soldats aussi se moquaient de lui : si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même, et l’un des malfaiteurs ajoute : n’es-tu pas le Christ ? sauve-toi toi-même et nous avec… Méprise totale, qui rejoint ce que nous avons entendu dimanche dernier : ‘le Royaume est ici, il est là…quand cela se fera-t-il ?’ On voudrait que le Royaume de Dieu soit déjà réalisé ici-bas dans sa totalité, mais il ne l’est pas encore… On voudrait avoir prise sur Dieu, le mettre à notre portée et surtout à notre service. Que le Christ résolve les problèmes à notre place, ou qu’il nous donne les moyens pour le faire. Au contraire, Jésus venait de dire lors de son dernier repas : ‘Les rois des nations païennes leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous rien de tel ! Au contraire, le plus grand d’entre vous doit prendre la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert’.

Enfin, prend la parole celui que la tradition appelle ‘le bon larron’. Il reconnaît qu’il a fait le mal et il se tourne vers Jésus : souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Il n’a pas saisi, et nous non plus, que le Royaume est déjà là : Aujourd’hui avec moi, tu seras dans le paradis. Le dernier devient le premier : logique du Royaume que le Christ inaugure sur la croix. Renversement total des perspectives habituelles. « Tu es le roi du pardon », avait dit un jeune lors de sa profession de foi. Le premier bénéficiaire du Royaume de Dieu est un malfaiteur. Tel est le point de départ de l’accomplissement total de toute chose, selon la formule de St Paul. Si David avait réussi la réconciliation des tribus d’Israël par son astuce militaire et politique, le Christ a fait la paix par le sang de sa croix. Un événement à peine perceptible aux yeux de l’historien, mais un pas décisif qui fait avancer la personne vers plus d’ humanité, et l’humanité entière vers son accomplissement.

Aujourd’hui, avec Jésus, les petits pas des petits pardons et des petites réconciliations sont les plus sûrs chemins vers la paix et vers la plénitude du règne de Dieu, le paradis. Quels pas pouvons-nous faire aujourd’hui avec Lui ?

Abbé René Rouschop

Lectures de la messe :
2 S 5, 1-3
Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6
Col 1, 12-20
Lc 23, 35-43

© 2024 - Monastère Saint-Remacle de Wavreumont

Nous suivre :  -