Ce jour, plutôt qu’un photo, je vous propose un enregistrement musical : un office de complies, chanté en anglais, par les moines trappistes de St. Joseph’s Abbey, aux États-Unis
Ça suffit, c’est sans fin, je n’en peux plus. Vous connaissez sans doute, ces moments de détresse, vous les vivez ou les avez peut-être aussi vécus à un instant ou à un autre de votre vie, une accumulation de pertes, perte d’emploi, perte d’un être cher, perte d’un rêve, la maladie et l’accident … une succession de malheurs apparemment sans fin. Nous nous trouvons alors à bout de souffle, écrasés par les événements de la vie (quotidienne) et une seule chose nous importe : trouver un peu de paix. Mais nos cris exacerbés restent (souvent et trop longtemps) sans réponse. Même Dieu ne semble plus présent à notre prière, il ne dit rien, que du silence, notre prière semble tomber dans l’oubli. Dieu, existe-t-il vraiment?
A ce moment, Jésus insiste : il ne faut jamais se décourager dans la prière même lorsque notre prière ne semble pas exaucée sur-le-champ. Elle doit durer ! Le temps de la prière n’est pas le nôtre. Le priant est appelé à persévérer dans sa demande. Il doit crier, dit Jésus, « jour et nuit », inlassablement. Telle est la tâche particulière des moines.
Des 24 paraboles chez Luc nous sommes déjà à la 21ème (Lc 18, 1-8). Il nous reste trois paraboles avant que Jésus n’arrive à Jérusalem. Dans ces moments difficiles qui nous sont annoncés, nous avons besoin d’une grande foi. Dans le chapitre précédent, nous avons appris ce qu’est la foi. Au début du chapitre 17, Jésus nous met en garde contre les tentations du péché (Lc 17, 1-4). Les apôtres demandent comment augmenter la foi (Lc 17, 5-6) car c’est en cette foi sans relâche que leur élection se vérifie. Une foi croissante n’implique-t-elle pas trois choses :
- une reconnaissance que nous ne sommes pas dignes
- la louange et la gratitude envers le Seigneur
- saisir la bonne nouvelle et la proclamer (parmi les nations).
Toutefois, une foi sans relâche est plutôt rare et souvent on désespère. Jésus craint même de ne pas la trouver à l’heure de son retour. « Le Fils de l’homme, lorsqu’il reviendra, trouvera-t-il pareille foi sur la terre ? » Il exprimera le même doute, en décrivant les signes avant-coureurs de son retour : « La foi de beaucoup se refroidira » (Mt 24, 12).
Lorsque l’attente se prolonge, lorsque Dieu semble s’être retiré (dans un avenir incertain et sans issue), notre foi est exposée à faiblir. Et le constat répété que nos prières restent sans réponse est une épreuve supplémentaire. Et le constat répété que nos prières restent sans réponse est une épreuve supplémentaire.
A cette attente contrainte, y a-t-il une raison ? Tout comme le retour de Jésus à la fin des temps, n’est pas pour demain, de même nos prières ne seront pas exaucées immédiatement. Et comme un temps d’attente est nécessaire pour qu’un fruit puisse mûrir ainsi un laps de temps est toujours requis avant que nos prières soient exaucées, un temps dont on peut dire qu’il est saint, parce qu’il fait corps avec le priant comme il fait corps avec sa prière. En effet, la prière a besoin de durer non pas seulement à cause de celui qui prie, mais, aussi à cause de Dieu qui doit un jour l’exaucer.
Que Dieu ait besoin de temps avant de nous exaucer peut paraître étonnant. Dieu n’est-il pas au-dessus du temps ? A partir de son éternité, ne pourrait-il pas instantanément pénétrer dans le temps pour exaucer en un clin d’œil la demande à peine montée à nos lèvres ? Sans doute le pourrait-il, mais il devrait alors faire fi de l’homme tel qu’il l’a imaginé. Car cet homme est inscrit dans le temps, un temps que Dieu a créé exprès pour lui. Or, chaque fois que Dieu traite avec l’homme, il s’inscrit lui-même avec l’homme dans ce temps. N’a-t-il pas attendu plusieurs siècles avant d’envoyer son Fils ? Et n’attend-il pas depuis des siècles avant de le laisser revenir ? Et pour combien de siècles encore, Lui seul le sait. Il n’en reste pas moins qu’une prière ainsi prolongée, apparemment non exaucée, hâte ce RETOUR comme le dit saint Pierre dans sa seconde lettre (2 P 3, 12). Et cette prière apparemment sans résultat, est consubstantielle à la vie contemplative.
Pour nous aider à comprendre, Jésus utilise des images humaines : un juge partisan, vaincu par l’insistance importante d’une femme vulnérable; des parents incapable de donner de mauvaises choses à leurs enfants ; un ami dérangé de nuit par son ami, qui finit par céder. C’est vraiment, à ce point, je pense que Dieu s’inscrit dans notre temps. Nous ne sommes pas sans faute, nos imperfections font aussi injustice à nos voisins. Nous avons besoin du pardon autant que nous devons l’offrir.
Enfin, qu’est-ce qui nous dérange ce matin, à quelles injustices faisons-nous face ? Contre quoi luttons-nous aujourd’hui? Nous avons compris que la parabole nous enseigne de nous adresser au Seigneur en toutes circonstances avec la demande aussi petite soit-elle, et de persévérer dans la prière.
Finalement, pour un cœur patient, aucun retard ne déçoit, car nous croyons qu’un jour, lorsque nos prières auront suffisamment mûri, elles nous mèneront sur des chemins d’espérance vers une vie nouvelle.
Birte Marianne Day
Lectures de la messe :
Ex 17, 8-13 ;
Ps 120 (121), 1-2,3-4,5-6,7-8 ;
2 Tm 3, 14-4,2 ;
Lc 18, 1-8