Il est beaucoup question de naissance dans les paroles bibliques écoutées ce matin. C’est clair dans la première lecture tirée du livre de l’Apocalypse : une femme enceinte s’apprête à accoucher. Dans l’évangile, ce sont deux femmes enceintes qui se visitent. La deuxième lecture où il est question de résurrection est là pour nous conduire vers l’Assomption de la Vierge Marie entraînée dans la résurrection de son Fils. C’est une naissance nouvelle.
La naissance. Nous en parlons comme d’un « heureux événement », d’une bonne nouvelle. En tout cas le plus souvent, c’est bien cela. Nous sommes habités par ce sentiment qu’une naissance, c’est du commencement, c’est de l’avenir qui s’ouvrent. Une nouvelle vie commence et que sera cet enfant qui vient au monde, qui vient sur terre ? Il est une promesse qui ne dit pas son nom, qui reste enveloppée de secret mais qui apporte de l’espoir et peut-être de l’espérance. De l’avenir s’ouvre, comme s’il était relancé alors qu’il était peut-être en train de piétiner, de faire du sur-place. On manquait d’avenir et cet enfant nous en redonne. C’est bien cela qui résonne dans le texte de l’Apocalypse : cette femme qui va donner naissance, nous l’interprétons comme la Vierge Marie. Ne va-t-elle pas mettre au monde celui qui deviendra le Christ, le Messie attendu, celui qui vient envoyé par le Père pour reconduire l’humanité dans les chemins de la vie ?
Ce qui frappe dans ce texte fort, c’est le contraste entre cette femme qui donne la vie, qui va enfanter et la figure du dragon rouge feu qui s’apprête à dévorer l’enfant dès sa naissance. D’un côté la vie qui se donne, de l’autre la dévoration. Avec cela, nous comprenons que toute guerre est toujours finalement une opposition à la naissance, qu’elle est toujours d’une façon ou d’une autre une dévoration de la vie. C’est bien cela que la guerre en Ukraine nous donne encore à voir. Mais manger le monde et introduire des dérèglements dans le climat, dans la biodiversité, n’est pas mieux, même si c’est plus poli ? Je suis aussi étonné que deux pays qui ont une économie forte, la Corée du Sud et le Japon ont un taux de natalité des plus bas. Et la France et la Belgique ?
Pourquoi cette opposition, ce combat contre la vie. Y aurait-il en nous une pulsion du mal, une pulsion de mort ? La théologie chrétienne parle de péché originel. Freud de son côté dit: « L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être au contraire qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité ».
Mais nous comprenons mieux aussi où se place l’enjeu de l’Évangile : il n’est pas d’abord de nous rendre plus pieux, plus religieux, maintenir de la transcendance… Son enjeu est, pourrait-on dire, oui, disons-le, c’est la naissance : choisir la vie, donner vie, la relancer, veiller sur l’avenir, et aussi résister à ce qui détruit. Allant par là et appelant à aller par-là, est-ce étonnant que Jésus ait été rejeté et qu’il ait été crucifié ? Ne fallait-il pas le faire taire ?
Mais, avec la fête de l’Assomption… nous entendons une voix forte qui proclame dans le bruit et la fureur du monde : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ». C’est cette voix-là que nous écoutons. Et nous l’entendons dans le quotidien de ces deux femmes qui se visitent et qui se viennent en aide. Notre quotidien avec ses courses à faire, ses repas à préparer, les autres à rencontrer, les mots à dire, les silences à accepter. C’est là que la vie se relance, rebondit, reprend courage…
Fr. Hubert Thomas
Lectures de la messe :
Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)
Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16
1 Co 15, 20-27a
Lc 1, 39-56