Dimanche dernier, le récit de la Passion s’achevait sur cet enfermement dans le tombeau, dont certains voulaient s’assurer qu’il serait bien le point final de l’histoire de Jésus.
» Ils allèrent donc s’assurer du sépulcre en scellant la pierre et en y postant une garde. »
Etre débarrassé de celui qui nous dérange, c’est souvent ce que nous faisons dans nos sociétés jalouses de leurs richesses, de leur bien-être et de leur pouvoir: prisons de haute sécurité, centres fermés pour les étrangers, murs de séparation…
Pourtant l’Évangile de cette nuit, nous présente ces femmes stupéfaites devant cette pierre roulée comme par une force surnaturelle et ce tremblement de terre qui signifie surtout un renversement des valeurs, un bouleversement de la logique des choses. En effet, les gardes semblent plus morts que celui qu’ils doivent surveiller, et le défunt, n’étant plus à sa place, se révèle donc plus vivant qu’il n’y paraît. Ce tombeau ouvert est le point d’un nouveau départ qui mène à la rencontre et à des rencontres: celle du Christ et celles des frères.
» Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples… Et voici que Jésus vient à leur rencontre… Allez annoncer à mes frères… »
Il s’agit de sortir d’un bâtiment vide qui n’est pas fait pour la vie. Or, au chapitre 24, « Jésus était sorti du Temple et s’en allait… ». Mettons en parallèle ces deux sorties. D’une part du Temple qui s’est figé en un système enfermant et corrompu, un lieu pour la Vie qui devient mortifère; et d’autre part, sortie d’un lieu de mort qui devient source de communion entre humains irriguant encore la terre aujourd’hui.
La foi en la résurrection est que la vie se trouve dans l’amour que nous nous portons les uns aux autres, plus que dans les rites ou les constructions religieuses autant intellectuelles que matérielles.
Même dans un monastère, l’église n’est pas au centre. C’est le cloître qui est au centre, c’est-à-dire le vide qui permet la relation, le trajet de nos rencontres, le lien entre les différents aspects de nos vies: prière, travail, vie en commun, hospitalité.
Dieu est dans le trajet de nos déplacements les uns vers les autres. De même pour vous qui venez à l’eucharistie. L’église qui vous accueille n’est pas faite pour que vous y demeuriez, mais pour que vous en sortiez pour rejoindre les autres avec une parole, une annonce, une capacité de discerner les événements.
Entre le Temple et le tombeau, quelque chose s’est produit à la mort de Jésus: le voile du sanctuaire s’est déchiré de haut en bas pour nous montrer ce vide. Le voile est déchiré et Dieu révèle sa présence dans un crucifié; et ce crucifié est le Fils de Dieu. Voilà de quoi relever un mort: que Dieu se révèle dans la pure fragilité pour faire de nos faiblesses des sources de vie.
Dieu le Transcendant qui porte le Nom imprononçable se reconnait parfaitement en cet homme crucifié et lui donne son Nom; « le Nom qui est au-dessus de tout nom » dit saint Paul. De cette reconnaissance et de ce Nom donné surgit une force de Résurrection qui nous illumine encore en cette nuit et fait frémir la création entière.
Frère Renaud Thon
Lectures de la vigile :
Gn 1, 1 à 2, 2
Gn 22, 1-18
Ex 14, 15 à 15, 1
Ez 26, 16-17a.18-28
Rm 6, 3b-11
Mt 28, 1-10