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Les textes d’aujourd’hui mettent en scène des situations de crise. Que nous disent-ils ? A quoi nous invitent-ils ?

Nous connaissons bien la page de l’Ancien Testament lue ce matin. Elle s’inscrit dans une histoire dramatique. Élie fuit la vengeance de la reine Jézabel après le massacre des prêtres de Baal et s’en va dans le désert. Il est à bout de souffle, déprimé à l’extrême, jusqu’à désirer la mort. Il se couche sous un genêt, mais avant de s’endormir, il crie vers le Seigneur : « Ça suffit, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères. ». Crier vers Dieu du creux de sa détresse, des profondeurs, comme dit le psaume 129, n’est-ce pas encore un éclat de vie, un ultime sursaut, une dernière bouteille lancée à la mer ? Dieu y est sensible. Par deux fois, l’ange de Dieu réveille Élie : Lève-toi et mange ! Retourne à la vie !

Et l’ange de Dieu en vient à parler de chemin, de marche. Élie consent et se met en route, 40 jours et 40 nuits, pour arriver à l’Horeb, la montagne de la révélation, là où Moïse s’est caché lorsque Dieu est passé, la caverne où tout a commencé. Élie retourne à la source.

C’est alors que surgit cette question de Dieu, sublime, occultée pourtant par la traduction liturgique : « Que fais-tu ici ? » ou « Pourquoi es-tu ici ? », en écho à la question de Dieu à Adam dans la Genèse : « Où es-tu ? » Cette question que Dieu ne cesse de poser à l’homme, de nous poser parce qu’il nous cherche, Il la pose à Élie : « Que fais-tu ici, Élie ? 

Élie répond, se justifie, accuse Israël pour son infidélité. Dieu lui dit alors : « Sors et tiens-toi devant Adonaï ». Sors, de la caverne, mais aussi de toi, des pensées et des images qui t’enferment, et tiens-toi devant moi … Il remet Élie debout. Le Dieu de la Bible fait alliance avec des hommes debout dans leur dignité, leur recherche, leur liberté. Et il promet de passer pour lui, Élie, comme autrefois pour Moïse.

Mais Dieu se fait attendre, il n’est pas dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Où est-il donc s’il n’est dans la manifestation des forces cosmiques ? Dans la voix d’un fin silence… Si Élie Le reconnaît, n’est-ce pas qu’il est lui-même descendu en son être profond pour pouvoir accueillir cette voix nouvelle pour lui, discrète, pudique qui le rejoint dans sa fragilité ? Son long passage par le désert l’y avait préparé.

Dieu le relance, le convoquant à nouveau dans la vérité de son être : « Que fais-tu ici ?» Il répond en bougonnant la même chose que la première fois, mais qu’à cela ne tienne, le Seigneur sait qu’il est prêt à entendre ce qu’Il va lui dire : « Va, retourne par le même chemin… » et à consentir à une nouvelle mission.

Venons-en à l’Évangile et à une autre situation de crise. Voilà qu’en fin de nuit, par mer agitée, Jésus « vient vers ses disciples en marchant sur la mer », comme si de rien n’était. On comprend le trouble des disciples. Alors qu’ils essaient de contenir les vagues, naît en eux une autre tempête : qui est-il celui-là qui marche sur les eaux ? Un fantôme ?

On a déjà entendu Dieu fendre les eaux au bénéfice des Hébreux ou marcher sur les hauteurs de la mer (Job), Matthieu connaît la Bible et la victoire de Dieu sur les eaux de la mort et les forces du mal. En mettant dans la bouche de Jésus, les mots mêmes par lesquels Dieu se nomme lorsque Moïse l’interroge sur son identité, l’évangéliste signe sa confession de foi : en grec, « c’est moi », littéralement « JE SUIS », est la traduction du nom divin.

C’est moi, n’ayez pas peur ! Transcendance et proximité, appel à la confiance. Jésus connaît les peurs et les angoisses humaines, peur de mourir ou de perdre un être cher, peur de souffrances trop lourdes, peur de l’avenir, le monde est tellement incertain… Jésus invite à les traverser dans la confiance, les yeux rivés sur lui. Mais ce n’est pas évident, le doute est tellement humain. Heureusement les amis veillent et, quand l’un doute ou sombre, les autres sont là pour le porter.

Voyons Pierre, il fait confiance puis il doute, mais il ne lâche pas sa foi quand il se met à douter et à s’enfoncer puisqu’il crie : Seigneur sauve-moi ! Comme pour Elie, son cri est prière. Le Christ lui tend la main, ne condamne pas son doute, mais le questionne, comme Dieu avec Elie.

Enfin, serions-nous invités comme Pierre, à marcher sur les eaux, à pourfendre les forces du mal et de mort ? Devant elles, nous ne pouvons rester les yeux béants et les bras croisés, mais nous sentons bien notre impuissance comme Pierre face à la force du vent. Il faut la solidarité d’une barque : famille, amis, communauté. Dans ce récit, la barque est souvent vue comme le symbole de l’Église, malmenée par la tempête, hier à ses débuts, aujourd’hui en crise. Mais, quand le Christ la rejoint, le vent se calme, l’harmonie revient.

Puissent ces deux récits, qui racontent une traversée de crise, nous inspirer lorsque, comme Élie, nous sommes à bout de souffle ou, comme Pierre, assiégés par la peur.

Marie-Pierre Polis

Lectures de la messe :
1 R 19, 9a.11-13a
Ps 84 (85), 9ab-10, 11-12, 13-14
Rm 9, 1-5
Mt 14, 22-33

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