Benoît

En cette fête de saint Benoît, les textes de la liturgie nous proposent un itinéraire spirituel à vivre dans l’esprit de notre fondateur.

Par les Proverbes nous sommes invités à nous pencher, à nous incliner en un mouvement de recueillement pour nous mettre en quête du trésor de la vérité et afin de comprendre ce qu’est la justice.

Cela veut dire que la vérité n’est pas à la portée d’un clic de souris, qu’un long cheminement est nécessaire pour la trouver. Nous ne comprenons pas non plus d’emblée ce qui est juste. Par exemple, selon le triangle de Karpman, je peux être plein de bonne volonté, vouloir sauver mon prochain et me retrouver, contre mon gré, dans une position de bourreau ou de victime par rapport à lui. Pour éviter cela, la Bible nous apprend que la Vérité n’est pas une doctrine mais une personne : le Christ. Lui seul est sauveur, Lui seul est véritablement juste et peut nous apprendre à l’être.

Après nous être penché sur ce mystère, c’est un saut invraisemblable qui va être à la source de notre émerveillement, car dans cette dynamique, nous faisons l’expérience que le Christ a tout lâché pour venir nous chercher. Autrement dit, il a fait le plongeon de l’amour. Il a préféré perdre sa place, le rang qui l’égalait à Dieu pour rejoindre le plus petit, le plus égaré, le plus abîmé. Il s’est perdu pour qu’aucun ne se perde. Benoît avait bien compris que la vraie force est dans cette humilité qui renouvelle l’être.

Et par là, c’est le renouvellement du monde qui est en jeu. Il ne pourra advenir que par une vie fraternelle régénérée dans la vérité et la justice.

Un penseur écossais Mac Intyre a écrit, il y a quelques années, contre toutes les idoles des idéologies destructrices et des tyrannies des pensées uniques qui nivellent l’humain :  » Nous devons nous consacrer à la construction de formes locales de communautés où la civilité et la vie intellectuelle et morale pourront être soutenues à travers les ténèbres qui nous entourent déjà. Si la tradition des vertus a pu survivre aux horreurs des ténèbres passées, tout espoir n’est pas perdu. Cette fois, pourtant, les barbares ne nous menacent pas aux frontières; ils nous gouvernent depuis quelques temps. C’est notre inconscience de ce fait qui explique en partie notre situation. Nous n’attendons pas Godot, mais un nouveau saint Benoît. »

L’état du monde et les défis à relever nous suggèrent que ce que nous avons à entendre ce matin n’est pas de l’ordre d’une piété inoffensive, mais plutôt un appel à édifier ces communautés salutaires, ces lieux où les personnes peuvent s’enraciner dans une tradition avec des récits et des pratiques pour réintroduire une verticalité, de l’éthique, du transcendant.

Le matériau principal à utiliser sur ce chantier de construction est une fraternité renouvelée, c.à.d, débarrassée de la peur d’autrui et du besoin de contrôler les autres, les deux étant liés.

Qui sera ce nouveau saint Benoît ? Je ne le sais pas. Il ou elle est peut-être dans cette assemblée. Pour l’heure, commençons par ouvrir le chemin en menant une vie de disciples au sein d’une communauté pacifiée et pacifiante, fragile sans doute, mais point insignifiante.

Bonne fête à tous.

Fr. Renaud Thon

347557385_10230441310121694_672392884671858902_n

© 2024 - Monastère Saint-Remacle de Wavreumont

Nous suivre :  -