Vous le savez, frères et sœurs, saint Benoît dans sa règle a consacré un chapitre à l’observance du carême.
Il présente ce temps privilégié comme un modèle, un paradigme pour toute l’année; on pourrait même dire une méthode, c’est-à-dire une route accompagnée d’un guide… Le carême nous invite d’abord à remettre notre vie en mouvement avec le Christ: avec une succession de dimanches, une gradation de lectures et de rites qui vont nous amener à vivre de l’intérieur la vie même de Jésus jusque dans sa mort et sa résurrection. On appelle cela une initiation. Et d’où partons-nous: des cendres de nos rêves brûlés, de nos étoiles éteintes, mais aussi de la terre qui nous constitue et aspire à être une nouvelle fois retournée, travaillée, convertie…. Pour la rejoindre, il convient de débroussailler, d’élaguer ce qui nous empêche d’y avoir accès… effacer toutes les négligences qui ont pris le voile de l’habitude, abandonner les sources polluées et les atmosphères irrespirables.
Vivre une certaine désappropriation de soi pour entendre la force de l’aujourd’hui: c’est dans le présent que Dieu nous appelle. Rousseau, pour échapper aux angoisses existentielles et aux inquiétudes attachées au passé et à l’avenir, trouva dans la botanique, plus exactement l’herborisation, une façon de se concentrer sur le présent, de se décentrer de lui-même et de s’émerveiller du plus proche qui nous renvoie à l’infini parce que les fleurs ressemblent aux constellations. Le carême est loin d’être triste, il nous invite à redécouvrir ce genre d’activités qui nous redonnent le goût de vivre. De quoi ai-je besoin pour m’ouvrir à la lumière du jour nouveau ?
N’hésitons pas alors à dépasser les limites de la prestation et du prescrit, pour ouvrir les volets de la gratuité et de l’inédit: » offrir quelque chose de son propre mouvement dans la joie de l’Esprit Saint ». Mais tâchons aussi d’échapper aux pièges de l’illusion sur nous-même et du besoin de se faire remarquer en jouant de plus en plus la transparence pour quitter l’auto-référentiel et l’esprit de supériorité.
Tout commence ce matin avec un signe sur le front et un grand désir dans le cœur …
Fr. Renaud Thon
Lectures de la messe :
Jl 2, 12-18
Ps 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17
2 Co 5, 20 – 6, 2
Mt 6, 1-6.16-18