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Dans l’Evangile entendu, il y a comme une tension entre deux mots, qui peut nous révéler un chemin pour traverser ces 40 jours de carême : d’une part, on trouve le mot hypocrite, et d’autre part, à 3 reprises, le mot secret ou caché, de la racine kruptô.

Les deux termes se ressemblent et pourraient bien vouloir dire la même chose : caché, mais avec des nuances importantes. Pour nous, le mot hypocrite résonne d’emblée de façon négative, il s’agit de dissimuler, cacher en dessous, mais aussi chercher ce qui est caché en dessous, d’où le mot interprète : dans ce sens les pharisiens sont positivement des hypocrites, parce qu’ils interprètent l’Ecriture et cherchent le sens caché en dessous des mots.

Mais le dictionnaire nous entraîne vite vers le terme comédien. Un bon comédien n’est pas loin de l’expérience spirituelle, parce qu’en puisant dans son être propre et la richesse de son expérience, il fait apparaître, ressentir le cœur d’un drame, un sentiment humain ou l’action qu’il représente.

Par contre, un mauvais acteur va réciter mécaniquement un rôle coupé de sa source intérieure et personnelle. En vous disant cela je pense à l’esclave aux dons divinatoires dans les Actes des apôtres. Cette femme est utilisée par des maîtres qui l’exploitent. Elle suit Paul et ses collaborateurs en répétant sans cesse : « Ces gens-là sont des serviteurs du Dieu très haut ; ils vous annoncent la voie du salut. » Paul devrait être content d’une telle publicité, mais pas du tout, excédé, au bout d’un moment il s’écrie : « Je t’ordonne au nom de Jésus-Christ de sortir de cette femme. » Cette femme annonce la bonne nouvelle, mais n’y prend pas part, comme si elle était exclue du salut qu’elle annonce. Un perroquet ne peut devenir chrétien.

Ce qui intéresse le Seigneur, ce n’est pas que nous répétions sa Parole, mais que nous en vivions et que nous éprouvions ce que veut dire être sauvé en lui. Les textes de ce début de carême nous mettent en garde contre l’aliénation quand nous sommes persuadés que, pour nous sentir exister, il faut se valoriser aux yeux des autres, prouver qu’on sait, qu’on est capable, cacher nos faiblesses pour paraître forts et sûr de soi, ou au contraire nous croire nul en enterrant notre espérance de faire quelque chose de notre vie, ou encore nous lancer des défis à relever les uns après les autres pour se sentir enfin estimé ou aimé, justifier notre place ou notre existence par un travail sans répit…

En nous tournant vers l’extérieur et l’inquiétude du paraître, nous oublions le feu de la présence sacrée de Dieu en nous et le don de l’être qu’il nous fait à chaque instant. Le paraître n’est pas l’être, il doit se renverser en être par Lui. C’est le retour à Dieu, la conversion, la réconciliation qu’Il nous adresse en ce temps privilégié.

Nous souvenir de Lui, c’est aller vers le caché, le secret, le second mot évoqué tout à l’heure : couvrir pour protéger, mettre à l’abri sous un bouclier. Le trésor est trouvé au fond de nous dans la simplicité d’une rencontre, voilà la petite flamme qui nous aidera à traverser ce temps de ténèbres épaisses.

Mais c’est maintenant, quand l’obscurité semble recouvrir la terre que les spirituels sont appelés à décupler leur étude des Ecritures, leur ardeur à faire le bien et leur concentration dans la prière, pour que les trois colonnes qui soutiennent le monde ne s’effondrent pas.

Frère Renaud

Lectures: Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20 – 6, 2 ;  Mt 6, 1-6.16-18

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