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 » Vos pensées ne sont pas mes pensées et mes voies ne sont pas vos voies, oracle du Seigneur. » Cela nous est révélé dans le livre du prophète Isaïe, et fait écho à ce que nous avons entendu ce matin.

En effet, il y a du chemin entre la façon de penser de Dieu et la nôtre. Et pour le comprendre, les textes de ce dimanche nous proposent une plongée en grande profondeur, car l’écart en question se trouve bien entre la surface et la profondeur, les vues extérieures et le cœur profond. La façon de penser en surface est celle qui nous dirige tous dans un premier temps et de manière spontanée. La tradition bénédictine l’appelle notre volonté propre. La tradition orientale parlera plus volontiers d’ego. Son principe est de repérer dans toutes les choses qui l’entourent ce qui peut nourrir son propre intérêt. Saint Jean de la Croix l’appelle d’ailleurs « appétit » : ramener à soi ce qui peut nous profiter, aller vers ce qui est agréable et éviter ce qui est douloureux. En soi, cette réalité est plutôt utile et m’aide grandement à survivre. Le problème est qu’elle devient vite dictatoriale, et s’impose non seulement au niveau des instincts vitaux, mais aussi au niveau des relations humaines, des activités, des projets, du sens de la vie et même au niveau spirituel.

L’ego, en fait, tombe dans la plupart des pièges qui se présentent à lui et nous enferme en nous-mêmes. C’est ce qu’on appelle l’égoïsme. Et vous connaissez la définition de l’égoïste : Qu’est-ce qu’un égoïste ? C’est quelqu’un qui ne pense pas à moi !

Cette différence entre pensée de surface et cœur profond est bien illustrée dans la lecture de Jérémie : Sa volonté propre lui dit qu’il est bien désagréable d’être la risée de tout le monde, d’annoncer des choses que les gens n’ont pas envie d’entendre. Elle est presque parvenue à envoyer Dieu promener :  » Je ne penserai plus à lui, et je ne parlerai plus en son nom. » De même Pierre, dans l’évangile, se laisse diriger par son ego qui ne peut concevoir pour son maître, et donc pour lui par la même occasion, une perspective d’échec, de souffrance et de mort. Il cherche donc à détourner le chemin du Seigneur : « Cela ne t’arrivera pas. » Il se fait ainsi traité de Satan par Jésus, autrement dit, croyant bien faire, il est devenu un obstacle à la vie de Dieu.

Pourtant Jérémie entend au fond de lui un appel irrésistible à quitter l’influence de sa volonté propre:  » Il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. », et Pierre saura abandonner ses réactions impulsives pour descendre jusqu’au seul à seul dépouillé avec Jésus :  » Seigneur, tu sais bien que je t’aime. »

Mais quelle est la clef d’une telle transformation ? Qu’est-ce qui nous donne la force de dire non à nos désirs illusoires, de choisir l’essentiel même si le chemin pour y arriver semble pénible ?

La réponse nous la trouvons dans la deuxième lecture : « Je vous exhorte par la tendresse de Dieu à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint. » Cela veut dire quitter la surface des calculs d’intérêts, les hésitations entre deux pôles : bien être et douleur, pauvreté et richesse, échec et succès… pour rejoindre la seule réalité essentielle qui nous libère de tout attachement trompeur : s’offrir à Dieu sans rien se réserver. C’est un déclic intérieur qui nous libère et nous donne le seul véritable bien : la Présence et la Puissance du Seigneur en nous.

N’est-ce pas là affaire de moine ou même de mystique ? Si nous faisons encore mémoire de saint Remacle aujourd’hui, c’est qu’il a pu allier cette option spirituelle radicale et un rôle de fondateur confronté aux défis politique, économique et organisationnels de son temps. Alors demandons- lui la grâce de nous donner sans réserve au Seigneur et de prendre notre place responsable pour le monde de demain.

Fr. Renaud Thon

Lectures de la messe :
Jr 20, 7-9
Ps 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 8-9
Rm 12, 1-2
Mt 16, 21-27

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