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Dans un livre de psychologie, j’ai lu récemment « chaque seconde compte dans ta vie ». C’est vrai que notre vie est précieuse, notre temps est compté et nous avons à nous préparer pour rencontrer notre Seigneur, et cela, à tout moment.  Est-ce que l’Église n’attend pas depuis vingt siècles,  de la venue du Christ, un renouvellement et une force qui nous porteraient au-delà de nous-mêmes ?

J’ai alors ressenti un grand malaise en sachant que si chaque seconde compte dans ma vie, comment vais-je m’en sortir pour me préparer pour le Seigneur surtout quand je vais le rencontrer lors de mon passage de la vie à la mort, c’est-à-dire la grande Vie. Qu’est-ce qu’on va se rappeler de moi après ma mort ?  Quelle inscription sera écrite sur ma pierre tombale ? Ai-je vraiment aimé Dieu? Et pour quelle raison ?

Il ne faut pas se préoccuper des choses mondaines ni de demain quand nous sommes encore ici-bas. Toutefois ces questions peuvent vivre en nous et surtout au moment de la mort : que ma vie fasse sens par ce chemin de préparation à la rencontre du Christ.

Un chemin de préparation, c’est aussi ce temps de l’Avent, quatre semaines vers Noël, la fête de la naissance du bébé dans la crèche, mais pas seulement. C’est aussi la célébration de la seconde rencontre avec le Christ dont parle l’Évangile. Une rencontre tellement attendue qu’il soit bon d’avoir le temps encore de s’y préparer. Et quels sont les signes que saint Luc nous envoie ? Car il serait trop inconfortable de vivre dans cette inconnue, tout au long des années, si le Seigneur ne nous avait pas laissé quelques signes. L’évangéliste Luc parle d’abord des signes extérieurs de l’Église, des signes de peurs et de guerres ainsi que des astres de lumière. Il y a aussi des signes à l’intérieur du corps des croyants, une force qui se développe pour inciter des changements, de l’amour envers notre prochain et les plus vulnérables. Enfin, il y a des signes à l’intérieur de nous-mêmes, de la mystérieuse proximité du Seigneur et de l’imminence de sa venue ; c’est la veillée intérieure, la vigilance du cœur et tout ce qu’on appelle la prière de Jésus. C’est de ce chemin intérieur dont parle aussi Maître Eckhart.

Certains d’entre nous ont passé un weekend de découverte autour du Maître thuringien. Ce théologien dominicain de la fin du Moyen-Âge nous interpelle encore aujourd’hui par son message de l’intime. Une naissance de Dieu et de nous-mêmes où la rencontre avec le Seigneur est inévitablement « métanoïa ». En faisant silence pour approfondir une Présence, on rencontre le Dieu de l’Incarnation et de l’Amour, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement d’un événement historique, mais d’une réalité qui nous concerne au premier chef. Que la naissance du Verbe en nous, se réalise si nous l’accueillons. Inspiré par les Pères de l’Eglise, Irénée et Athanase, Maître Eckhart propose : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » et selon Maxime le Confesseur que Eckhart cite : « Devenir par grâce ce que Dieu est par nature. » Ainsi, Maître Eckhart tend à la fois vers la mystique de l’Un et vers une nouvelle existence en Christ. Il veut que nous nous unifiions à Dieu et que nous l’acceptions comme nouveau chemin de vie.

Théologiquement, le Seigneur est proche, dit Maître Eckhart, par cette naissance éternelle qui se produit en chacun de nous. Lors de cette naissance, Dieu se répand dans l’âme sous la forme d’une lumière. Cette lumière remplit l’être et le fond de l’âme, puis déborde ensuite dans les facultés de l’âme, et se répand enfin sur les personnes qui nous entourent. C’est ce qui se produit avec saint Paul lorsque Dieu le touche de sa lumière sur le chemin de Damas et qu’il lui parle. Une manifestation physique de cette lumière enveloppe Saul et fut même perçue par ses compagnons, nous rapportent les Actes des Apôtres. (Ac  9,1)

Pratiquement, la réalité de nos vies demande-t-elle pas toujours de savoir où nous avons nos pieds pour pouvoir avancer… Où sommes-nous vraiment, nous qui entendons l’annonce de Sa venue ? L’éveil n’est-il pas lorsque nous percevons des signes extérieurs qui font sens, qui nous sortent de nous-mêmes, de notre torpeur ou de notre rêve : j’entends le chant des oiseaux, je vois la lumière du soleil derrière les arbres, … signes qui nous ramènent au temps actuel en son devenir.

Enfin, la prière, nous rappelle aussi cette relation… Si nous la poursuivons en tout temps, c’est une attitude à rechercher plus qu’une action. Et pour cela, nous pouvons y entrer dès aujourd’hui. Elle s’offre toujours à nous sans conditions … peut-être s’agit-il pour nous, dans ces jours hivernales de l’année, de faire silence, de se taire, d’éteindre le bruit, de répandre l’Evangile par l’écoute, sans vouloir répondre tout de suite … L’Avent, ne consiste-il pas à regarder dans le silence et l’obscurité de ma chambre un cierge brûler, la voûte étoilée … laisser le temps s’écouler.

Amen.

Sœur Julian

Lectures : Jr 33, 14-16 ; 1 Th 3, 12 – 4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36

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