Chers amis,
Je me souviendrai toujours d’une parole que m’adressa un jésuite au cours d’un camp sur la première lettre de saint Jean dans la beauté des alpes maritimes et de la haute Provence. J’avais alors 17 ans et les 50 adolescents qui vivaient cette aventure avaient le cœur disponible aux premières expériences spirituelles. Cet homme me dit en me montrant le fascicule des complies que nous chantions chaque soir : « Si tu chantes cette prière tous les jours de ta vie, tu deviendras un saint. » Cette phrase me bouleversa : la sainteté était donc accessible ? Une pratique aussi simple (apparemment) pouvait-elle produire un état de sainteté ? Et petit à petit, je compris ce qu’il voulait dire : la rencontre vécue avec le Seigneur, ne la laisse pas s’éteindre, entretiens la chaque jour par l’écoute de la Parole, le chant des psaumes, le silence et la louange. Alors lentement tu te laisseras habiter et transformer par le Seigneur et sa vie se déploiera dans la tienne pour ne plus faire qu’une seule Vie.
Le rôle qu’a joué cet homme dans mon histoire personnelle, saint Remacle l’a joué au niveau de la communauté des disciples de Jésus dans la région de Stavelot et Malmedy. Et c’est à ce titre que nous le fêtons et l’honorons aujourd’hui. L’expérience risque toujours de s’évaporer ou de s’égarer si elle ne s’inscrit pas dans une tradition.
La première lecture nous propose une écoute du Seigneur qui va faire son chemin à travers tradition, pratique, commandement, coutumes, décrets, ordonnances,… Tous ces cadeaux de Dieu vont permettre à la foi, l’expérience de la présence, de se maintenir dans la constance en échappant au piège de la convoitise pour donner du fruit en acte.
Mais si la pratique devient superficielle, si elle remplit la vie en occultant le lien avec l’étonnement joyeux de la Présence, elle perd alors son effet salutaire et devient perverse. Si un moine, par exemple, se sert du précepte du silence pour nourrir sa misanthropie, de l’orgueil ou de l’indifférence par rapport au frère ou à la sœur, il transforme un chemin vers Dieu en occasion de chutes. Pour éviter cela, il convient de rester attacher à la Parole et de repousser la convoitise qui nous détourne des valeurs essentielles. Ne cherchons pas à acquérir plus que ce dont nous avons besoin et ne sous-estimons pas la générosité du Seigneur : Ni ajouter, ni retrancher pour ne pas donner prise à ce qui assujetti et mène à la mort. Ce qui nous dira si nous sommes sur le bon chemin sera toujours le critère d’un amour vivant et vivifiant. Nous ne devons pas accepter que la vie communautaire ne s’endurcisse ou devienne un mécanisme sans âme. La règle, les préceptes, les habitudes, les manières de nous organiser ne sont là que pour protéger des biens plus précieux : la Vie en Dieu, le progrès spirituel et la joie de l’Esprit Saint. Bonne fête de saint Remacle.
Frère Renaud