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L’épisode des tentations de Jésus par le diable nous revient chaque année le premier dimanche de Carême, selon des versions différentes. Pourquoi cette insistance ? Que veut-on nous redire ?

Ce passage d’évangile est insolite : il n’y a pas eu de témoins à cette scène, pas de reporter avec un carnet de notes. On peut donc dire que ce texte est un montage, une mise en scène qui confronte deux personnages, Jésus et Satan. C’est, pourrait-on dire une confrontation de deux mentalités, l’évangélique et le diabolique. Une scène qui se passe dans le désert et dans la faim, un moment où l’on est dépouillé, sans garanties, sans protections, sans sécurités.

Ce qu’on peut remarquer c’est qu’il y a une bonne nouvelle diabolique : les pierres sont transformées en pain, la renommée ou la gloire est assurée et Dieu vole à votre secours. N’est-ce pas séduisant ? Mais il y a un « si » : si tu es de Dieu, si tu te prosternes. C’est une bonne nouvelle qui met des conditions, qui exige une contrepartie. On voit aussi que le diable connaît bien les Écritures, il cite la Bible : « il est écrit ».

Que pouvons-nous tirer comme enseignement de cette mise en scène ? Elle est tellement dense et profonde qu’on doit se contenter de seulement pointer l’un ou l’autre trait.

Ce qui apparaît en premier lieu dans cette scène, c’est une confrontation avec deux personnages qui sont en dialogue, Jésus et le Satan. Ne faut-il pas entendre là que toute vie, chacune de nos vies donc, est une intrigue qui nous interroge et qui appelle à choisir, à faire un choix ? Vivre, c’est choisir, c’est se décider pour un trajet mais aussi bien un choix entre des personnages intérieurs, entre des valeurs.

Ce qui est mis aussi en lumière c’est que le choix doit se porter finalement sur ce qui humanise. Les propositions du diable sont diaboliques parce qu’elles sont inhumaines, déshumanisantes : faire que les pierres deviennent des pains, construire sa vie sur l’appropriation, mettre Dieu à l’épreuve, ce sont des propositions étouffantes, qui ne laissent pas d’ouverture, d’appel dans une existence. Ne veut-on pas prendre la maîtrise du réel (que les pierres deviennent du pain), le contrôle d’autrui (« si tu te prosternes »), le contrôle de Dieu (puisqu’il a donné l’ordre à ses anges de te porter).

Arrêtons-nous encore sur le « c’est écrit ». Il ne suffit pas de citer la Bible pour être dans la Révélation. Le Satan cite l’Écriture mais il la plie à son usage, il ne la laisse pas être la Parole autre en face de nous qui nous appelle, nous conteste, nous met en route pour devenir humain. Qu’est-ce que c’est une Écriture qui nous met dans un pli ? Le « c’est écrit » ne peut pas être un pli dans lequel une vie devrait entrer.

Le diable pousse où ça fait mal, où ça manque : là où l’on a faim, là où l’on veut être reconnu, là où Dieu manque alors qu’on attend qu’il intervienne. En fin de compte là où se joue notre humanité puisque « l’humain ne vit pas seulement de pain ».

Fr. Hubert

Lectures: Dt 26, 4-10 ; Rm 10, 8-13 ; Lc 4, 1-13

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