C’est une question qui monte dans notre cœur spécialement dans le temps d’automne, en ce moment où les feuilles tombent et se ramassent à la pelle : mais qu’est-ce qui tient dans la vie ? Qu’est-ce qui ne passe pas ?
Les choses passent. Et nous aussi. Cela pince parfois le cœur… Et, plus largement, nous sommes dans un monde sujet à bien des changements : changements climatiques (on nous le redit), transformation des mœurs, une Église en synodalité. Le ciel et la terre passent et passeront : les scientifiques nous le disent. Ils sont précaires et provisoires.
A partir de tous ces signes de fragilité, on peut ressentir de l’angoisse, de l’impuissance. Se dire : par- où aller ? Mais alors qu’est-ce qui peut sauver ?
Et ce n’est sans doute pas une question réservée aux croyants. Car chacun, n’est-il pas vrai, cherche, d’une façon ou d’une autre, à sauver sa vie.
Mais le vrai danger n’est peut-être pas tant du côté d’un monde qui passe, le danger serait de se tromper sur ce qui peut sauver.
C’est pourquoi on peut regarder les mots de Jésus : « mes paroles ne passeront pas » comme le centre de l’évangile écouté ce matin. « Mes paroles ne passeront pas »…Qu’est-ce à dire ?
Il s’agit de passer à une autre scène que celle que nous avons sous les yeux. Ou plutôt de comprendre que l’ordre du monde n’est pas ce qui peut nous tirer d’affaire. Les crises, les bouleversements, les désordres de tous genres révèlent finalement qu’il faut placer sa confiance ailleurs. Inutile de se fier aux horoscopes et aux grands buildings financiers. Il s’agit de voir venir Jésus comme Fils de l’homme dévoilant ce qu’il en est de la vie humaine, dévoilant par sa vie ce qui vaut et donc ce qui est sauvé, ce qui survit.
Il s’agit de voir au milieu des divisions et déchirements chaotiques entre les humains ce qui rassemble et réunit des quatre coins du monde (il y a en effet ce contraste mis dans notre texte entre les chaos du monde, le big bang à l’envers, la genèse à l’envers et, d’un autre côté, le rassemblement, la réunion des élus).
Ainsi, tout compte fait, il y a voir et voir. Il y a un voir qui ne compte que sur ses propres sécurités, son avoir, son savoir, ses certitudes : c’est vouloir contrôler et maîtriser sa vie. Et il y a un voir qui se fie et se risque sur les paroles de Jésus, qui laisse ces paroles monter en croissance comme un figuier qui peut donner du fruit.
Cette petite parabole du figuier est une manière de dire qu’il s’agit de regarder les signes qui annoncent la proximité et la croissance du règne de Dieu dans le monde. Pour inviter à s’ouvrir à une croissance, à un été, à un avenir. Ce n’est pas sans signification que Jésus donne à regarder un arbre. Ce qui importe en effet n’est pas d’abord la conformité à un système de croyances, à un Credo mais bien la fécondité. Ce qui importe, c’est de porter du fruit.
Mais, encore une fois, celui qui voudrait détenir des garanties sur le comment et le quand est à côté de la plaque. Même Jésus se fie à un Autre ; il ne sait pas.
Les paroles de Jésus permettent de faire face, de se maintenir en état de veille, de vigilance. Elles donnent de ne pas être submergés définitivement et emportés dans les crises du monde et les crises personnelles.
Les paroles de Jésus nous tournent vers ce qui vaut. Mais qu’est-ce qui vaut ?
Le texte que nous avons écouté aujourd’hui se trouve enchâssé entre deux épisodes où il est question d’une femme. Il y a la pauvre veuve qui prend sur son nécessaire. Il y a la femme au parfum de grand prix. L’une et l’autre ne calculent pas. Elles risquent, elles entrent dans l’excès, dans le gratuit. A la manière de Jésus. Pourquoi en parler en effet dans les évangiles ? Ces deux femmes apparaissent dans le récit évangélique comme des paroles qui ne passent pas puisqu’elles sont arrivées jusqu’à nous et sont encore proposées à notre attention.
Fr.Hubert
(hubthomaswav@live.be)
Lectures: Dn 12, 1-3 ; He 10, 11-14.18 ; Mc 13, 24-32