01112024Heureux !

Ce mot que l’on entend invariablement répéter dans les Béatitudes de Matthieu (Matth 5,1-12) et que nous lisons le jour de la Toussaint, vous le savez bien, signifie dans la langue du Christ « en marche». C’est aussi en avançant que nous pouvons connaître la liberté. Le bonheur et la liberté ne sont pas des concepts abstraits, ces mots expriment des valeurs bien réelles qui donnent à chacun d’être vivant et tourné définitivement vers l’avenir. Je crois que le bonheur comme la foi ne sont pas des états de fait, comme si on pouvait dire « j’ai la foi » ou « je suis heureux » comme si on disait : « j’ai mal à la tête ». Non, la foi, le bonheur sont chaque fois(!) un chemin.

On croirait volontiers que la fête de la Toussaint qui nous amène traditionnellement sur les tombes de nos ancêtres, est une fête tournée vers le passé où nous faisons mémoire de notre histoire.

Pourtant la fête des saints est bien plus une fête de la vie et de la vie qui ne connaît pas de fin, une vie qui a le goût permanent de l’avenir. Car la vie nous tourne le regard chaque jour vers l’avant. Même si une maladie se révèle ou si le poids de l’âge se fait sentir chaque jour un peu plus ; pour un chrétien, la vie n’est jamais vraiment terminée. Au lieu de fêter le passé, la Toussaint fête l’aujourd’hui de notre existence. Ne sommes-nous pas heureux d’exister ?

Je me répète car ça me tient à cœur, je vous ai déjà dit les années précédentes que pour moi la mort s’opposait plutôt à l’amour qu’à la vie. Je serais tenté aujourd’hui de vous dire que l’opposé de la mort est davantage la fécondité.

Quand on pense fécondité on pense tout de suite naissance d’un enfant. Je crois que la fécondité dans une famille est bien plus large que la naissance d’un enfant, la fécondité peut aussi se vivre par la créativité. Mes parents sont en fin de vie puisqu’ils s’approchent des 90 ans. Ils ne vont pas vivre 20 ans de plus, et je vois, surtout chez ma mère un désir permanent de créer. Que ce soit par la cuisine, la peinture ou l’accueil. J’ai des parents qui m’ont toujours montré que l’accueil et la rencontre étaient peut-être le plus important dans la vie.

La fête des saints n’est-elle pas la fête de tous ceux et celles qui ont eu et ont encore les mains ouvertes pour accueillir leur vie ici-bas et s’abandonner à l’éternité ? Je le pense d’autant plus quand je sens que ceux de mes proches qui ont quitté cette terre sont encore plus proches de moi aujourd’hui. Sur terre beaucoup de facettes de la vie nous différenciaient : l’âge, la culture,

l’éducation, les expériences ; une fois disparus, leurs différences aussi ont disparu, nous devenons semblables et donc vraiment très proches.

Un jour, un professeur de religion me demandait pourquoi je croyais en Dieu ; et spontanément je lui ai répondu que je croyais en Dieu parce que j’existais et que j’étais heureux de connaître la vie. Heureux sommes-nous de vivre et de créer. Régulièrement, des connaissances me demandent si, avec tout ce qui se passe dans le monde et la société, je croyais encore… Je leur réponds : plus que jamais car c’est bien dans les moments où nous sentons le monde vaciller que nous devons garder une confiance inébranlable dans la conviction profonde : Dieu ne nous abandonnera jamais.

Fr. Pierre

Lectures: Ap 7, 2-4.9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

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