14072024

L’évangile d’aujourd’hui nous présente d’abord la problématique homme-femme et le questionnement sur la possibilité de renvoyer son épouse, autrement dit de dissoudre une union. Et la fin du texte nous montre les disciples écartant des enfants qui s’approchaient de Jésus.

Comme nous le voyons l’unité de l’humain est un défi pour chaque époque, et Jésus pour aborder ce thème et répondre à la question nous fait remonter jusqu’à l’origine, c’est-à-dire la Genèse et la première lecture qui raconte la création de la femme.

Ce texte comporte un mot : « tardemah » en hébreu qui veut dire torpeur. Suivons cette piste pour mieux comprendre. Dieu plonge Adam dans un profond sommeil pour faire l’opération qui lui permettra de lui présenter sa moitié : la femme. Ce mot se retrouve en deux autres passages de la Bible : l’alliance avec Abraham et la circoncision, assortie de la promesse d’avoir un enfant, une descendance, et enfin l’épisode où le roi Saül est endormi et se voit dépouillé par David de sa lance, autrement dit David épargne son pire ennemi qui l’assaille injustement, alors qu’il était à sa merci.

Dans la première lecture, on voit que l’homme Adam s’en sort très bien dans sa capacité à nommer les animaux, les classifier, les dominer : organisation, maîtrise, contrôle. Mais en faisant ainsi, il ne trouve pas la sortie de lui-même. Il est donc encore seul. Pour aller plus loin, Dieu va devoir anesthésier l’homme ou son égo, et va chercher en lui des potentialités de relations enfouies bien loin de sa tendance naturelle : écoute, poésie, accueil et action gratuite. Il les amène à la conscience de l’homme et en crée la femme qu’il place devant lui. Cette dernière gardant la marque des capacités masculines qui font aussi partie de son humanité. Humanité qui sera une bonne création dans la mesure où elle met en face l’un de l’autre deux sujets au cœur d’une relation que Dieu habite et bénit. L’homme et la femme peuvent ainsi se correspondre, inaugurer entre eux une belle correspondance.

La torpeur dans laquelle Abraham sera plongé viendra illustrer dans le concret de la vie cet idéal des origines et montrer que le faire descendre dans le quotidien n’est pas toujours facile. Eve déjà avait oublié Adam, en mettant toute son affectivité en Caïn ; Abraham, lui, père élevé s’était résigné à ne pas avoir d’enfant et il appelait sa femme Saraï, ma princesse. Et Dieu vient secouer cette situation figée : tu seras le père d’une multitude de peuples, mais pour cela tu dois travailler ta relation à ta femme, ne plus la considérer comme ta propriété, mais comme un sujet d’égal à égal avec qui construire l’avenir. Alors l’enfant n’est plus maintenu au loin dans la sphère de l’impossible, mais il devient le centre de la promesse parce qu’un espace de respect a été ouvert entre les personnes pour faire circuler la vie.

L’union de l’homme, de la femme et de l’enfant est donc possible dans la mesure où Dieu relie les personnes et les vivifient dans un chemin de conversion.

Pourtant la réalité nous met devant les yeux beaucoup d’échecs relationnels, de divorces, d’abondons et d’infidélités. C’est alors que la troisième torpeur, celle de Saül au pied de David qui pourrait choisir de le supprimer d’un coup de lance, lui donne au contraire l’occasion de renoncer à la violence et de laisser à Dieu le jugement : Voir en l’autre la trace de la Présence du Seigneur et donc abandonner la tentation de le détruire, croyant que Dieu aura le dernier mot et pourra réunifier ce qui a été séparer, tout en laissant chacun suivre pour l’instant son propre chemin.

Cette espérance est inscrite dans notre foi au Christ, parce que lui connaît toutes nos errances et nos vicissitudes. En traçant son chemin personnel dans l’écoute profonde de ce que le Père lui inspirait, il a rejoint tout être humain dans ses drames et ses espoirs et les conduit tous dans la plénitude de Dieu.

Frère Renaud

Lectures: Gn 2, 18-24 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16

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