En lisant cet évangile, ce qui m’a frappé c’est le « se convertir ». Les douze qui sont envoyés en mission par Jésus partent et proclament qu’il faut se convertir. Rien n’est dit d’autre, sinon qu’ils font ce que Jésus fait, car il leur a donné autorité, son autorité : ils chassent les démons et guérissent des malades.
Donc « se convertir » sans que nous soit dit pourquoi se convertir et à quoi se convertir. Est-ce parce que tout le récit évangélique nous dira pourquoi se convertir et à quoi ?
Mais peut-être qu’il faut se convertir tout simplement, si on peut s’exprimer ainsi. Se convertir, retourner sa mentalité, la remettre à l’endroit, changer son regard sur la vie, sur le monde, sur les autres. La Bible exprime encore cela autrement en disant de manière imagée : passer du cœur de pierre au cœur de chair. Se convertir tout simplement parce que si l’on attend des compléments, des pourquoi et des à quoi, on risque de dépendre des arguments, de faire dépendre sa décision des bons arguments légitimes alors qu’il faut faire confiance, la donner, la remettre en route. Alors qu’il s’agit de tout autre chose que de suivre des arguments, d’être dans la logique des arguments, mais d’être mis en route, de « prendre la route », selon l’expression parlante de notre évangile.
Mais que faut-il prendre avec soi au moment de prendre la route ? Eh bien ce qui nous est dit c’est ceci : seulement un bâton, pas de pain, pas de sac, pas de monnaie et mettre des sandales. J’aime bien cette précision concrète sur les sandales : on n’est pas des va-nus pieds, on va sur les routes et si les gens ne nous veulent pas, on secouera la poussière de nos pieds. Les sandales constituent un symbole fort dans la Bible : Moïse qui doit enlever ses sandales pour s’approcher du buisson et le pauvre qui est vendu pour une paire de sandales… Ces détails qui, à première vue, peuvent nous paraître anecdotiques, disent au fond ce qu’est la conversion. Il n’y a pas de conversion sans détachement et dépouillement. Ce dont il s’agit c’est de se dégager des sécurités habituelles, des garanties, de sortir de ce qui nous lie et nous appuie. Cela touche notre profondeur personnelle, nos ancrages. Et nous voilà renvoyés à : où je mets ma confiance en fin de compte ? Donc se convertir en se dépouillant, se défaisant, se démettant parce qu’il s’agit de faire de la place, de donner sa place non pas à un message déjà bien-connu, l’Évangile déjà bien-connu mais à une nouveauté qui n’a pas dit son dernier mot, qui peut surprendre, nous surprendre encore.
Or ce qu’on remarque c’est qu’il y a une force dans le dépouillement qui fait peur aux démons, une force qui les fait fuir. Ces disciples envoyés en mission, ne sont retenus par rien, il n’y a pas moyen de les agripper et cela fait fuir les démons. Parce que cela leur fait peur.
Les disciples ainsi délestés, rendus plus légers, plus libres peuvent recevoir l’autorité de Jésus. Ils ne viennent pas en leur nom personnel. Ils vont sur les routes, font des rencontres, entrent en hospitalité pour que l’Évangile soit dit et rejoignent les gens. Serait-ce que l’Évangile n’est pas une théorie ou un message religieux mais ce qui doit s’approcher de tout un chacun pour que la vie, sa vie et celle d’autrui reste humaine et sorte de ce qui la fait inhumaine ?
Quelle serait notre mission ? En tout cas, s’engager selon nos compétences, nos dons, nos sensibilités pour l’humain et contre l’inhumain. Et pour cela s’informer, prendre des contacts, inventer des solidarités. Et aussi s’engager avec d’autres, aller avec d’autres vers ce qui crée de l’avenir pour notre monde.
Fr. Hubert
(hubthomaswav@live.be)
Lectures
Am 7, 12-15
Ps 84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14
Ep 1,3-14
Mc 6,7-13