Comment saint Benoît a-t -il osé s’attaquer à l’organisation du vivre ensemble? Tout un chacun sait que c’est la chose la plus difficile au monde. Et avouez que c’était plus commode au désert quand chaque moine avait son ermitage et que les uns et les autres se rencontraient uniquement le dimanche pour l’eucharistie et quelques échanges spirituels.
Mais déjà le Christ avait choisi des apôtres incompatibles : zélotes, publicains, arrivistes, effacés, colériques, sensibles,…
Et aujourd’hui pour former une communauté monastique, il va en chercher un dans sa pharmacie, l’autre dans les cafés de Charleroi, un autre encore en son travail de prêtre diocésain, l’un au Pérou, l’autre à Paris, et même une femme, alors où allons-nous?
Plus largement dans le monde d’aujourd’hui, comment vivre ensemble dans une société fracturée et divisée? Société où chacun campe sur ses positions, est persuadé d’avoir raison et n’hésite pas à rejeter celui ou celle qui ne partage pas son point de vue.
Pour résoudre ce problème, saint Benoît a une arme secrète : l’humilité.
» Qui s’élève sera abaissé. » Comprenez : Si je ne crois qu’en moi, en mes capacités, mes forces, si je n’accepte que ceux qui me renvoient une image positive de moi-même, ou ceux que je peux utiliser à ma guise, si je m’enferme dans mes émotions, la voix unique de ma propre compréhension, si je crois pouvoir devenir Dieu sans Dieu et sans les autres, un jour ou l’autre, une faille va apparaître en moi, devenir béance et me faire mordre la poussière.
Mais « Qui s’abaisse sera élevé. » Si je m’incline vers la terre et me courbe vers mon cœur, j’apprends à me recueillir et découvre qu’Il était déjà là, qu’avec Lui je peux enfin m’accepter tel que je suis et apprendre à accepter l’autre dans sa fragilité. L’humilité est comme une connaissance et une acceptation de nous-mêmes, qui nous remplit de gratitude envers Dieu, du fait même qu’il habite en nous. Je vis par là un décentrement. Je n’ai donc plus rien à prouver pour me donner le droit d’exister. Je peux laisser Dieu guider ma vie dans la confiance. Je découvre alors qu’il réside aussi dans le cœur de l’autre. Je n’ai plus à le combattre ou le repousser. Je puis petit à petit le comprendre à partir de Dieu.
Il s’agit moins de raisonner que d’aimer. Le cœur se dilate : on passe de la pensée à l’amour. Mais l’amour n’est pas qu’émotion. Il est aussi décision, clairvoyance, mise en ordre. Je l’ai dit : l’humilité est une arme secrète, tellement secrète qu’on l’a oubliée. Si vous la découvrez en vous,ne la lâchez plus, car elle a le pouvoir de sauver le monde. Mais soyons humbles : commençons toujours par sauver le vivre ensemble qui est le nôtre.
Bonne fête à tous.
Frère Renaud