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Simplement créer l’une ou l’autre ouverture, esquisser l’une ou l’autre approche.

Et tout d’abord partir de cette affirmation biblique fondamentale : il n’y a qu’un seul Dieu. C’est le principe du monothéisme. Un seul Dieu, un seul vrai Dieu.

Et cela reste vrai pour la foi chrétienne qui confesse un Dieu trinitaire. Un seul Dieu, un seul vrai Dieu.

Pour la Bible, le monothéisme, ce n’est pas là trancher dans la querelle des dieux, c’est prendre parti contre les idoles. Celles-ci sont aliénantes, elles rendent esclaves. Si la Bible polémique, de la Genèse à l’Apocalypse, contre les idoles, c’est parce qu’il s’agit de faux dieux qui, dans le langage imagé des psaumes, « ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des pieds et ne marchent pas ». Des idoles, on ne peut pas attendre le salut. D’où la nécessité de faire le discernement entre Dieu et les idoles. Les idoles en imposent, le Dieu vrai se révèle pour dire qui il est. Et c’est encore à discerner.

Peut-on parler de Dieu ? Faut-il continuer à en parler et lui faire de la place ? Je mettrais volontiers en lumière quelques raisons de le faire.

Je ne souhaite pas l’exclure, le laisser au dehors justement parce que la réalité est complexe. Donc je laisse Dieu entrer. Ce n’est pas seulement la question du mal et du salut qui me taraude, c’est la vie elle-même, c’est le vivre. En effet, on ne peut pas se contenter d’être dans la répétition, de répéter au jour le jour les mêmes séquences, le même « métro, boulot, dodo ». Sauf aveuglement, inconscience, on cherche à rejoindre une plus grande qualité de vie. Pas seulement améliorer son confort ni sa culture mais se donner des avancées du côté du partage, des solidarités, une sensibilité qui n’est pas uniquement éthique et humanitaire mais engage le cœur. Et l’on se rend compte que cela ne va pas sans un changement profond. Mais comment changer ? Quelles sont les ressources qui doivent être disponibles et actives pour entrer dans ce changement ? Où les trouver, les retrouver ? Comment faire pour que passées en nous elles continuent à fortifier l’homme intérieur ? Car tous les jours, ça ne va pas nécessairement bien…

Je dirais aussi que Dieu est quelqu’un auquel on peut s’adresser. On se tourne vers Dieu parce que l’on veut s’adresser à un Autre, à un tiers. On veut pouvoir dire sa plainte, lancer ses cris de détresse, déposer ses questions, déclarer ses frustrations. On se rend compte que les conversations, les échanges avec d’autres, ces manières que l’on a de « refaire le monde » ce n’est pas ça, pas suffisant, on reste sur sa faim. C’est comme si on avait besoin d’un au-delà, d’aller ailleurs. Non pas de sortir du monde, s’en abstraire, fuir en quelque sorte mais besoin de sortir de « la prison » pour reprendre une expression de Marguerite Yourcenar. On pourrait dire : un besoin d’ouverture, un besoin d’air pour ne pas s’asphyxier dans l’ici-bas, le besoin d’un recours qui déborde nos limites mondaines.

Dieu maintient-il de l’inouï dans le monde ? C’est ce que je crois à partir de l’Évangile. Mais en quel sens ? S’il n’y a plus d’inouï à dire et écouter dans le monde n’est-ce pas un appauvrissement, une asphyxie ? Il reste encore et toujours décisif de rendre proches des paroles qui parlent d’un monde où ce qui importe c’est la vie vivante de tous, où rien n’est perdu et laissé pour compte,  pour rendre inspirants, pour faire lever la vie, la faire abonder. N’est-ce pas veiller sur la parole, ne pas la cantonner à communiquer ou transmettre des connaissances, du savoir, informer ? Oui, une parole inaugurale, celle qui ramène vers l’âme profonde et écarte des dissensions et divisions.

Maintenir de l’inouï dans le monde, c’est aussi rendre écoutant, remettre à l’écoute. Déboucher les oreilles des préjugés, des idées fixes, les rendre à la fluidité de l’écoute, l’écoute « flottante » pour laisser venir de la nouveauté. Sortir de « la raison sourde ».

Je termine ce moment de méditation en revenant au Dieu trinitaire.

Je me rappelle d’abord ce que le P. Bernard de Geradon avait découvert à travers toute la Bible, un schème présent constamment : le cœur, la bouche, la main. Et ce n’étaient pas là seulement des mots, une formule.

La Bible de dire Dieu comme Père : le cœur, comme Fils en tant que Parole et comme main agissante, celle de l’Esprit saint. Cela parle…

Plus récemment, un philosophe François Jullien invite à voir Dieu comme quelqu’un qui décoïncide de lui-même. N’est-ce pas le cas quand il se donne un Fils, le Verbe de Dieu ? Lorsqu’il devient chair comme nous et prend en lui la condition humaine ? Lorsqu’il est mis en croix ? En effet peut-on croire en un Messie crucifié, est-ce bien raisonnable ? Oui, Dieu devient Dieu en devenant autre… Disons-le d’un mot : l’amour n’est-il pas décoïncidence ?

Fr Hubert Thomas

Lectures de la messe :
Dt 4, 32-34.39-40
Ps32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22
Rm 8, 14-17
Mt 28, 16-20

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