Vous êtes mes amis
Chers amis, « amis de Jésus » : quel beau nom de famille pour nous qui sommes ici rassemblés ! Quelle responsabilité aussi… Mais réjouissons-nous d’abord de ce don qui nous est fait : l’amitié du Seigneur. Être ami, c’est se réjouir du bonheur de l’autre, partager ses espoirs et ses craintes, l’appuyer dans ses efforts, souffrir quand il souffre, être heureux de sa simple présence… Peut-être reste-t-il dans la tête de certains chrétiens l’impression que la foi implique d’abord renoncement, pénitence et privations – qui ont certes leur place – mais l’essentiel est l’amitié avec le Seigneur. Et en premier lieu l’amitié que lui nous propose.
Vous êtes mes amis : l’évangile de Jean a retenu ces paroles de Jésus lors de son dernier repas avec ceux qu’il n’appelle plus serviteurs, mais amis. C’est un moment fort, marqué par le geste du lavement des pieds et un adieu qui inscrit dans la mémoire ce qui tient le plus au cœur de celui qui s’en va : ses dernières volontés.
Comme Lui
Être ami de quelqu’un, ce n’est pas vouloir lui ressembler en toute chose. Le Seigneur n’attend pas de ses amis qu’ils deviennent une copie conforme de leur modèle. D’ailleurs, le terme grec original que nous traduisons « comme lui » indique surtout une relation : selon Jésus, d’après son exemple. « Aimez-vous les uns les autres de la même manière que je vous aime, en vous inspirant de l’amour que j’ai pour vous ». C’est la manière dont lui-même a traduit la présence de Dieu dans la situation compliquée de la Palestine au premier siècle de notre ère.
Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés : c’est la même inspiration et la même origine de l’amour qui nous permet de le concrétiser comme il convient dans le contexte du vingt-et-unième siècle.
Saint Jean ne cesse de répéter ce principe de vie, cette ligne de conduite qu’il rappelle encore dans sa lettre : aimons-nous les uns les autres puisque l’amour vient de Dieu… car Dieu est amour. Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés.
L’apôtre Pierre utilisera d’autres termes en étant accueilli chez Corneille, un officier de l’armée romaine d’occupation : Dieu est impartial ; il accueille, quelle que soit son origine, celui dont les œuvres sont justes. C’est l’ouverture du don de l’Esprit Saint à toutes les nations et à toutes les langues. Et les Juifs d’origine en sont stupéfaits… On peut se demander si les Européens d’aujourd’hui seraient stupéfaits par l’attitude d’accueil des chrétiens à l’égard des migrants qui fuient la misère et les conflits…
Pour votre joie
Cependant, le commandement de l’amour ne nous est pas donné pour épater la galerie ou démontrer quelque largesse de vue. Demeurez dans mon amour : je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Le premier texte officiel de François en tant que pape s’intitulait « La joie de l’Evangile ». Il n’a rien perdu de son actualité, et il a trouvé ses prolongements dans de nombreuses autres paroles et attitudes : son combat contre l’indifférence, son insistance auprès des jeunes des JMJ pour que chacun sans exception se sache aimé de Dieu, ou encore sa visite en Irak après la guerre qui a déchiré le pays : « si Dieu est le Dieu de l’amour, et il l’est, il ne nous est pas permis de haïr nos frères ». « Dans le cœur de Dieu, écrit encore Henri Nouwen, cité par notre ancien doyen Henri Bastin dans son livre ‘La Parole de Dieu autour de la table’, nous pouvons voir que les autres humains qui vivent sur terre avec nous sont aussi fils et filles de Dieu… Et dans le même mouvement, je peux me reconnaître aimable et le célébrer avec mes proches »
Célébrons donc dans la joie l’amitié du Seigneur qui donne sa vie pour nous et pour la multitude.
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Ac 10, 25-26.34-35.44-48
Ps 97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4
1 Jn 4, 7-10
Jn 15, 9-17