395392789_7062219817124493_6306443884721527261_n

En ces derniers temps, on a entendu la question : comment rester humain, comment ne pas perdre son humanité et sombrer dans l’inhumanité ? C’est sans doute une question qui va se poser de plus en plus et prendre de la place. Cette question, elle est au cœur de l’Évangile. C’est une question qui passionnait Jésus et le rendait actif. A sa manière, l’évangile de ce jour nous y reconduit.

Au départ, Jésus s’adressant à tous, invite à se démarquer des scribes et des pharisiens dans la mesure où ils ne font pas ce qu’ils disent. Cassure entre dire et faire. Ils attachent de pesants fardeaux sur les épaules des gens mais eux ne veulent pas les remuer. Cela c’est généralement ce que fait le maître, le dominant. Cassure encore une fois entre dire et faire. Et puis, ils agissent pour être remarqués par leur présentation, par le choix d’une place, par les salutations. Cassure entre être et paraître. Ils aiment aussi se voir appelés rabbi. Aimer les titres, le prestige, être au-dessus des autres. On sait que notre société médiatique va volontiers aussi dans ce sens. Il faut être vu, être remarqué, passer à la TV.

Jésus invite donc à s’écarter de ces comportements, faire écart. Pourquoi faire écart ? Cela pourrait être en vue de se distinguer, se faire valoir, se rendre supérieur, se montrer mieux que les autres…Entrer en rivalité, en concurrence. Mais alors on ne ferait que reproduire autrement la vanité, le goût du prestige, l’hypocrisie. Ce n’est pas cela. Ce que vise Jésus, c’est autre chose. Ici, c’est pour donner place au nouveau, pour ne pas continuer dans les vieilles habitudes, les vieux codes de prestige, de distinction, de rivalité. Il faut s’écarter de ce qui empêche la vie et son renouvellement. Et Jésus le met en lumière : l’hypocrisie, la vanité sont répandues mais ne portent pas de fruits. Il faut être au clair sur ce qui empêche, ce qui fait obstacle, ce qui obstrue la vie. On pourrait donc en conclure : soyez modestes, ne vous faites pas remarquer, vivez cachés… Mais est-ce bien à cela que Jésus veut en venir 

Cequi est intrigant, c’est quand il nous dit : « Ne donnez pas le nom de père car il n’y a qu’un seul Père qui est aux cieux ». Mais pourquoi ne pas donner le nom de père ? Qu’est-ce qui est visé ? C’est une abstention, un retrait par rapport au nom de Dieu. Il y a Dieu et sa place est unique parce qu’elle ne peut être occupée par rien d’humain. Tout ce qui occuperait cette place serait une idole. Ainsi, il n’y a rien à diviniser. Alors la place est libre parce que je puis entrer dans une véritable égalité entre nous. Je ne mets personne au-dessus de moi, sauf Dieu. Je ne suis pas tenu de regarder un autre comme mon maître, mon garant, celui qui garantit ma vie. On fait cela quand on a peur. La peur fait remplir, fait du plein, par des décorations, des distinctions, des titres, des prestiges. Mais aussi bien les personnes qu’on met au-dessus de soi, dont on fait des maîtres. Cela produit des dominants et des dominés. Dieu, lui, fait du vide. Il est un vide parce qu’il nous laisse place. Il ne prend pas toute la place. Il ne prend pas notre place. Il ne fait pas à notre place. Il ne nous remplace pas. Ainsi fait Dieu : il se retire pour créer, parce que pour lui créer c’est donner sa place à l’autre. En Jésus, Dieu décoïncide d’avec lui-même pour se faire humain, il se dépouille de lui-même comme dit la lettre aux Philippiens. Et Jésus lui-même ne cesse de se référer à son Père. Finalement, nous n’avons pas à garder les yeux au ciel ; Dieu n’en viendra pas car il n’y est pas, il n’en viendra pas comme magicien. Il nous laisse faire. A nous d’inventer, à nous d’imaginer, nous sommes inspirés car nous avons reçu l’Esprit Saint.

Lectures de la messe :
Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10
Ps 130 (131), 1, 2, 3
1 Th 2, 7b-9.13
Mt 23, 1-12

© 2024 - Monastère Saint-Remacle de Wavreumont

Nous suivre :  -