Pardonner 70 x 7 fois,
Beste vrienden van Wavreumont, n’est-ce pas dérangeant ?
Vous connaissez sans doute le premier roman d’Albert Camus : « L’Étranger », c’est l’histoire d’un homme qui malgré lui s’engage dans des œuvres effrayantes et mortelles. Le roman tout entier nous fait réfléchir au fait que nous nous sentons habilités à porter un jugement sur les fibres les plus intimes d’une personne en fonction de son comportement, au lieu d’accepter cette personne telle qu’elle est en vérité.
Une autre histoire de la même époque se passe dans un camp de concentration. Un prisonnier est appelé à nettoyer un hangar abandonné qui servait d’hôpital. Dans le noir,un jeune homme en uniforme couché sur un banc agrippe son bras et lui demande : « Pardonne-moi avant que je ne meure, pardonne-moi. Aucune autre parole n’est échangée. Des années plus tard, le prisonnier a retrouvé sa liberté. Il relate son expérience dans un livre et termine avec la question : aurais-je dû pardonner à ce soldat ?
Pardonner, chers amis, ce n’est pas une question de morale mais c’est un acte qui peut toucher nos profondeurs.
Au départ, c’est la question de Pierre à son maître : combien de fois doit-on pardonner ? Le fait même de pardonner est déjà un défi en soi et peut réveiller des blessures. Pierre est courageux quand il demande : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »
Faut-il aller jusque-là ? Nous connaissons la réponse de Jésus : « jusqu’à 70 x 7 fois ».
Et puis vient la parabole du roi et du serviteur à qui l’on remet la dette d’une grosse somme d’argent, mais qui refuse de faire de même pour quelqu’un qui ne lui doit qu’une somme dérisoire.
La leçon à tirer, me semble-t-il, est que si Dieu nous offre ‘gratuitement’ le pardon de nos péchés, pour toutes les offenses que nous avons accumulées tout au long de notre vie, nous pouvons certainement trouver un moyen de laisser la miséricorde imprégner notre vie et pardonner aux autres.
Et si c’était aussi simple !
Pour conclure, je vous propose trois points :
- RÉTABLIR UNE RELATION
En effet, la parabole en question parle d’une offense d’ordre financier. Mais le pardon concerne toute offense en parole et en acte. Pardonner, en fait, signifie « rétablir la relation entre deux êtres, relation rompue à cause d’une offense ». - EN PERMANENCE
Alors, 70 x 7 veut dire pardonner une fois, deux fois, trois fois … jusqu’à l’infini. L’une des caractéristiques du cheminement chrétien est justement l’engagement à devenir un être de miséricorde, à faire du pardon une vertu essentielle qui nous habite en permanence. Jésus en donne l’exemple. Au moment de rendre son dernier soupir sur la croix, il a prié son Père : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font». - CELA PEUT PRENDRE DU TEMPS
Pardonner doit aussi venir du cœur accompagné d’une vraie démarche de reconnaissance, un vrai repentir mais cela peut parfois prendre du temps, un temps de réconciliation, de guérison et d’amour.
Concrètement, je pense que nous avons un moyen à notre disposition, qui permet à la fois de susciter ce sentiment dans le cœur et de l’exprimer librement. Nous allons nous dire dans un instant : « que la paix du Seigneur soit avec vous ! » Ce qui suppose que c’est le souhait de tous à l’égard de tous. Et le pain du Seigneur n’est partagé qu’après avoir dit ensemble : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Aujourd’hui, les mots prennent un sens intense et nouveau au fond de notre cœur, un pardon réel et authentique naît … pour plus de paix et de justice dans le monde.
Si Mahatma Gandhi avait déjà dit, en signe d’avertissement en 1945 : « Œil pour œil … , (c’est ainsi) que le monde deviendra bientôt aveugle ». Jésus, lui nous dit par les Paroles de l’Eéangile : « Vous avez entendu dire œil pour œil et dent pour dent, mais moi je vous dis de ne rendre à personne le mal par le mal, mais de rendre le mal par le bien ».(Mt 5, 38-39) Cela peut nous choquer mais en écoutant et prenant notre statut de chrétien baptisé au sérieux, c’est notre Maître qui nous l’enseigne, qui a lui-même pratiqué le pardon et qui nous invite ici et maintenant à le suivre sur ce Chemin en toute humilité.
Sœur Julian Day
Lectures de la messe :
Si 27, 30 – 28, 7
Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 9-10, 11-12
Rm 14, 7-9
Mt 18, 21-35