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Les lectures de ce dimanche soulignent clairement que le projet de Dieu c’est le salut de toute l’humanité, le salut de toutes les nations. Le livre d’Isaïe proclame, de la part de Dieu une grande convocation de tous les hommes et de toutes les femmes qui pratiquent et luttent pour la justice et le droit. « Ma maison est une maison de prière, dit le Seigneur, pour tous les peuples ».

A son tour, dans la seconde lecture, la lettre aux Romains, Paul annonce l’universalité du salut, proclamant la miséricorde de Dieu pour tous et pour toujours.

Et, avec Jésus, dans l’évangile, l’horizon s’ouvre jusqu’à l’infini. Néanmoins, il y a une progressivité. Jésus pensait d’abord au peuple d’Israël, ensuite à toutes les nations. Apparemment, son intention n’était pas d’exaucer la supplication de la femme cananéenne. Mais l’insistance têtue de cette païenne l’émeut profondément et le pousse à modifier le programme de sa mission.

« Femme, combien grande est ta foi ! » C’est une exclamation d’admiration de Jésus en voyant la foi de cette cananéenne qui vient d’un pays païen et qui ne craint pas de déranger les apôtres et de persévérer dans sa supplication.

Demandons-nous : pourquoi Jésus a-t-il finalement exaucé la supplication de cette femme ? Qu’a-t-il admiré dans son attitude ?

Il est certain que ce qui a d’abord touché le cœur de Jésus c’est l’humilité de la cananéenne qui va jusqu’à s’identifier aux petits chiens qui se contentent des miettes. Il n’y a dans sa prière aucune revendication, aucun calcul ni manipulation de sa part. Elle supplie avec un cœur d’enfant et le Seigneur ne peut résister aux humbles et se laisse vaincre par les demandes des plus petits.

Ensuite, il s’agit d’un cri qui jaillit du plus profond du cœur : « Seigneur, aie pitié de moi, Seigneur, viens à mon secours ! » Si souvent nos prières sont froides comme si nous accomplissions un devoir religieux. Ici c’est un appel vital et non une prière formulée du bout des lèvres. Il ne s’agit pas d’une prière bien préparée. La femme ne s’adresse pas à Jésus avec courtoisie et piété. Elle crie, elle exprime sa douleur et son incompréhension, sa révolte en voyant la souffrance de son enfant.

Nous pouvons penser à bien des psaumes qui expriment de tels cris de douleur et de violence, en interpelant Dieu fortement : « Pourquoi dors-tu, Seigneur, réveille-toi… ». Ces psaumes qui crient vers Dieu, ces interpellations parce qu’il n’intervient pas, sont des psaumes très importants, en particulier en ces temps où nous sommes choqués par tant de drames, de guerres et de catastrophes naturelles. Ils nous apprennent que le Seigneur peut accueillir toutes nos protestations et tous nos cris, même de colère. Et cela est très précieux parce que nous savons alors que nous pouvons nous montrer tels que nous sommes, avec tous les sentiments qui nous habitent.

A ce propos, je pense à saint Bernard que nous fêtons aujourd’hui. Au début de son abbatiat il insistait beaucoup sur les observances extérieures et prônait une vie très ascétique. Lui-même s’imposait de grandes privations jusqu’à tomber gravement malade. Alors, peu à peu, il comprit que le plus saint n’est pas le plus héroïque, mais celui qui est le plus ajusté à la grâce qu’il a reçue de Dieu. Il comprit que ce qui importe c’est que chacun, chacune aille à Dieu tel qu’il est, avec ce qui l’habite, fidèle à la grâce qu’il a reçue, cherchant à être ouvert et disponible à ce que l’Esprit-Saint suscite en lui. Il est vrai que nous pouvons nous épuiser à vouloir reproduire un idéal qui ne correspond pas à notre véritable nature, alors que le Seigneur attend que nous nous présentions à lui tel que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses.

Enfin, pour revenir à l’épisode de la cananéenne, il ne faut pas oublier non plus l’intercession des apôtres : « Donne-lui satisfaction ». Il est vrai que c’est une demande peu sympathique. Eux veulent la paix et la tranquillité. Mais à nous aussi il arrive bien des fois la même chose : notre intercession manque de conviction, d’enthousiasme, de ferveur, mais elle garde pourtant sa place et sa valeur.

C’est enfin une prière faite avec persévérance et sans se décourager. L’évangile nous invite à diverses reprises à persévérer dans la prière, sans nous lasser, envers et contre tout. La persévérance dans la prière est l’occasion d’approfondir et purifier nos demandes, au-delà des nécessités immédiates. Cet exemple nous invite à ne jamais nous décourager ni perdre patience si apparemment Dieu ne nous a pas entendu. C’est que lui aussi prend patience jusqu’à ce que notre confiance en lui soit à la hauteur des surprises qu’il veut nous offrir, jusqu’à ce qu’il puisse finalement s’émerveiller de notre foi et puisse se dire en nous voyant : « combien grande est ta foi, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ».

Cet évangile nous encourage à avoir foi en l’efficacité de notre propre prière et surtout de notre prière pour les autres. Nous pouvons présenter au Seigneur telle ou telle personne, telle ou telle situation avec confiance. La confiance que le Seigneur nous écoute et exaucera nos cris de supplication, bien que nous ne sachions pas quand, comment et de quelle manière il répondra à nos demandes. Car seul Dieu sait où est notre véritable bien. Aussi notre demande doit-elle finalement se terminer comme la prière du Christ à son Père et notre Père : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ».

C’est Saint Augustin qui a dit : « La prière est la force de l’homme et la faiblesse de Dieu ». Nous pouvons penser que Dieu aime être vaincu par nos supplications, à condition toutefois que notre intercession jaillisse d’un cœur aimant, comme la prière de cette mère pour sa fille.

Fr. Bernard de Briey

Lectures de la messe :
Is 56, 1.6-7
Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8)
Rm 11, 13-15.29-32
Mt 15, 21-28

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