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Voilà certes un évangile copieux. Impossible de le commenter en long et en large. Je me contenterai de pointer l’un ou l’autre aspect du parcours qu’il nous fait faire.

Tout d’abord, arrêtons-nous sur cette opposition entre les deux verbes abolir et accomplir. D’où viendrait cette affirmation que Jésus serait venu abolir la Loi et les prophètes ? Jésus est resté juif jusqu’au bout, un fidèle à l’inspiration donnée par la Loi et le souffle des prophètes. Est-ce qu’accomplir serait raturer, abolir ? Une façon de refaire en mieux ? Si c’est la position des chrétiens, nous sommes conduits tout droit dans l’idée d’une supériorité chrétienne sur le judaïsme. Mais n’est-ce pas là ce qui a pu alimenter un antisémitisme qui a débouché sur l’horreur d’Auschwitz ?

Jésus dit qu’il n’est pas venu abolir, supprimer, retrancher mais accomplir. Nous apprenons là pour quoi Jésus est venu qui est la préoccupation qui traverse tout l’évangile et qui devrait toujours nous habiter. Pourquoi Jésus est-il venu ? Nous sommes renvoyés à son parcours. En effet, il le dit lui-même : il est venu chercher ce qui est perdu. Accomplir, ce serait donc aller à ce qui est perdu, à ce qui se perd.

Qu’est-ce donc qu’accomplir lorsque Jésus dit : « je ne suis pas venu abolir mais accomplir ? A première vue, on pourrait penser : c’est faire plus, en faire plus. Si l’on va dans cette direction, la pente est la supériorité, on se fait supérieur, plus grand, meilleur et l’on se compare. On est mieux que les autres. Il faudrait surpasser la justice des scribes et des pharisiens. Est-ce cela ? L’Évangile comme expérience nous met dans une autre optique. Il y est tout le temps question d’un surcroît, un au-delà de la conformité, au s’en tenir au droit, à la légalité, cet au-delà qui est la justice. On voit bien que cette alternative reste toujours actuelle. Ne sommes-nous pas dans une société et une mentalité marchande commandée par l’échange et par le droit ? Je fais ce qu’il faut pour être en règle, pour être dans les lignes. Mon rapport avec les autres consiste à être en règle avec eux, n’être pas en dette, être dans l’équivalence. L’Évangile est dans le surcroît… « Si votre justice ne surpasse pas celle… ». Il ne s’agit pas d’héroïsme, d’épater la galerie mais de la justice. C’est une justice qui dépasse le droit, qui va au-delà, au-delà de ce que vous avez appris, qui va chercher ce qui est perdu. C’est en vue de faire vivre, de relancer la vie. C’est inventer, imaginer. Cela fait des histoires…

Il ne s’agit donc pas d’entendre l’évangile de ce dimanche comme une loi renforcée, plus rigoureuse, plus sévère. L’Évangile est bonne nouvelle d’ouvrir un chemin de vie pour chacun là où il est et là où il en est. Il ne s’agit pas de faire peser sur les épaules un joug plus rude mais d’inviter : « reste en chemin, reste un marcheur, un passant qui ne cesse de faire entrer la vie illimitée dans ta vie. Chacun est atteint selon sa mesure. C’est selon toi, c’est selon ce que tu peux…Si tu veux.

La loi de la loi est d’apprendre à aimer. Seul l’amour accomplit la loi. Et nous voici peut-être en mesure de répondre à la question : qu’est-ce qui accomplit sans détruire ? Serait-ce l’amour et tout ce qui gravite avec lui : l’espérance, faire à autrui ce que nous voudrions qu’il nous fasse et ne pas lui faire ce que nous ne voulons pas pour nous, pardonner…

Fr. Hubert Thomas

Lectures de la messe :
Si 15, 15-20
Ps 118 (119), 1-2, 4-5, 17-18, 33-34
1 Co 2, 6-10
Mt 5, 17-37

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