Selon des traditions juives, le Messie devait rester un inconnu que rien ne devait distinguer jusqu’au jour où il serait manifesté par Élie revenu sur terre.Pour l’évangéliste Jean, Jean le Baptiste s’inscrit dans ces traditions. En effet, voyant Jésus venir vers lui pour recevoir son baptême, Jean le Baptiste déclare après coup : «Cet homme, moi, je ne le connaissais pas.» Ainsi en fut-il pour nous et pour tout croyant ! Au début de notre démarche de foi, nous ne connaissions pas Jésus. Jean n’a pas honte à reconnaître son ignorance. N’en est-il pas ainsi de toute rencontre !
Pour certains de nous, le début de notre connaissance, de notre rencontre avec Jésus a commencé par l’écoute d’un récit biblique raconté soit par nos parents, soit par des éducateurs ou lors d’une catéchèse, lors de la vision d’un film sur la vie de Jésus. Certains encore ont porté leur attention sur un évangile. Jean Baptiste fait allusion à une prise de conscience de sa vocation et de sa mission associée à la méditation des Écritures. «Moi, je ne le connaissais pas, répète Jean le Baptiste, une seconde fois, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint ».» Allusion à l’Esprit, au Souffle de Dieu annoncé par Isaïe reposant sur un rejeton de Jessé, père de David! Esprit , souffle déjà présent lors du récit de création du monde ! Un pas est franchi ! Le Baptiste apprend par ouï-dire qui est Jésus en évoquant et en méditant ce qu’en disent les Écritures, en recourant à la tradition de son peuple!
Cette descente de l’Esprit, selon l’évangéliste, c’est ce que vécut Jean lorsqu’il baptisa Jésus. «Soudain, il a le sentiment de découvrir en Jésus une strate d’identité qu’il n’avait jusqu’alors pas saisie.» Éblouissement exprimé à travers une vision. Les qualités humaines, les talents de Jésus, soudain, ne sont presque rien en regard de ce qu’il est réellement. Connaître devient communion avec le plus intime de la personne de Jésus ! Jean le Baptiste rencontré par Dieu en la personne de son Fils bien aimé. Expérience rejoignant celle survenue à Isaïe lors de l’exil à Babylone ( «Le Seigneur m’a dit: Tu es mon serviteur,Israël, en toi je manifesterai ma splendeur.»), expérience survenue également à Paul sur le chemin de Damas ! Imprégné par la méditation et la rumination des Écritures, le Baptiste peut alors reconnaître en Jésus: «L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde; c’est de lui que j’ai dit: L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi car avant moi il était.» Expérience d’une rencontre personnelle révélant de multiples aspects de la personne de Jésus. Or c’est ce qu’exprime très bien l’ image de l’Agneau intériorisée et utilisée par le Baptiste !
Dans le premier Testament, l’Agneau recouvre une multiplicité de sens quasi inépuisables. Il y a l’agneau sacrifié à la place d’Isaac le sauvant ainsi de la mort(Gn 22, 13). Avant de quitter l’Égypte, les hébreux mangeront un agneau d’un an et répandront son sang sur les montants et les linteaux des maisons. Agneau sacrifié comme offrande destinée à éloigner le mal du peuple mais aussi sacrifice de communion entre membres du peuple ( Ex 12, 1-14). Isaïe évoque le serviteur souffrant maltraité, s’humiliant n’ouvrant pas la bouche comme l’agneau qui se laisse conduire à l’abattoir» (Is 53, 7). Dans l’Apocalypse, dernier livre de la Bible, il est question de l’Agneau blessé mais conquérant, détruisant la mort et tout ce qui est contaminé par le mal. (Ap 5, 6) Plus Dieu se rend proche, plus nous nous élançons vers lui, plus il nous échappe (Grégoire de Nysse.
Bouleversé par pareille rencontre, enrichie au contact des Écritures, Jean le Baptiste ne peut s’empêcher de témoigner de ce qu’il a vu et compris: «L’homme qui vient derrière moi, celui qui a été mon disciple est passé devant moi.» Celui sur qui j’ai vu descendre et demeurer l’Esprit, comme annoncé, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.» Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : «C’est lui le Fils de Dieu. C’est lui, qui sa vie durant baptisera dans l’Esprit Saint prenant soin des hommes et des femmes, en les libérant du poids de leurs servitudes et de la mort!»
Puissions-nous là où nous sommes, à la suite du Baptiste, témoigner humblement dans notre quotidien de la communion qu’il nous est donné de vivre avec le Fils bien aimé de notre Père des cieux!
Fr. Jean Albert Dumoulin
Lectures de la messe :
Is 42, 1-4.6-7
Ps 28 (29), 1-2, 3ac-4, 3b.9c-10
Ac 10, 34-38
Mt 3, 13-17