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Nous entamons une nouvelle année, cinq semaines avant le premier janvier. Et elle débute – comme la Règle de saint Benoît – par cette phrase de saint Paul : « C’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. » D’entrée de jeu, la liturgie de l’Avent nous presse de nous tenir éveillés. Et Paul justifie ainsi son interpellation : « La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. » Il faut bien avouer qu’on a un peu de peine à le croire. Ce n’est pas vraiment l’impression que nous laissent les informations quotidiennes et les nouvelles que nous recevons de tant de nos proches. Nous pouvons avoir envie de répondre à Paul en lui chantant ce negro-spiritual que j’ai déjà cité ici (mais c’était il y a vingt ans, vous avez le droit de l’avoir oublié) :

Vous avez fait couler les rivières, éclore les fleurs
Vous avez fait le fort et le faible
Mais, Seigneur, vous avez fait la nuit trop longue.

Vous avez fait chanter aux rouges-gorges des airs de printemps
Et à moi vous avez fait chanter un chant solitaire
Mais pourquoi vous avez fait la nuit trop longue… ?

Vous avez fait les hautes montagnes, la terre, le ciel
Qui suis-je donc pour vous faire des reproches ?
Mais, Seigneur, vous avez fait la nuit trop longue
[1].

Nous voudrions croire que la nuit touche à sa fin, que le jour va se lever. Mais nous sommes guettés par le découragement. La longue nuit du monde semble interminable. Depuis le temps que nous l’attendons, nous pensons peut-être que le jour ne risque guère de poindre de si tôt, qu’on ne risque rien à se rendormir. Mais c’est le contraire qu’il faut croire. C’est parce que la nuit dure qu’il est nécessaire de veiller. Comme ces petites lampes qu’on appelle justement des veilleuses, et qui empêchent l’obscurité de prendre toute la place. Nous sommes dans la nuit avec tout le monde, la foi ne nous fournit pas des réponses toutes faites aux angoisses de la planète. Mais nous avons mission de garder vive l’espérance. Noé a construit l’arche pour que la vie puisse se maintenir durant le déluge et reprendre ensuite sur la terre.

Les images de l’évangile peuvent nous sembler menaçantes. Si on ne construit pas son arche, on court le danger d’être englouti par le déluge. Si on ne surveille pas sa maison, le voleur aura beau jeu de percer les murs. Mais la venue du Seigneur n’est pas du même ordre. Ce n’est pas un malheur dont il faudrait se prémunir, une catastrophe que nous chercherions à éviter. C’est bien plutôt le bonheur que nous attendons, la joie que nous voudrions ne pas manquer.

Et c’est aussi une promesse qui ne peut pas décevoir. Quelle que soit sa longueur, la nuit n’aura pas le dernier mot. La victoire du Christ sur les forces du mal est définitive. Oh ! bien entendu, nous l’affirmons sans pouvoir le prouver. Nous pouvons en avoir la conviction sans en avoir la certitude. Mais c’est l’objet de notre foi et de notre espérance. L’année liturgique que nous commençons forme un tout et les premiers balbutiements de l’histoire de notre salut sont déjà illuminés par la joie de Pâques. Si nous restons éveillés.

[1] cité par Bernard Bro, Dieu seul est humain, Paris, Cerf, 1973, pp. 231-232.

Fr. François Dehotte

Lectures de la messe :
Is 2, 1-5
Ps 121 (122), 1-2, 3-4ab, 4cd-5, 6-7, 8-9
Rm 13, 11-14a
Mt 24, 37-44

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