Heureux !
Ce mot que l’on entend invariablement répéter dans les Béatitudes de Matthieu (Mt 5, 1-12) et que nous lisons le jour de la Toussaint, vous le savez bien, signifie dans la langue du Christ « en marche». Le bonheur et la liberté ne sont pas des concepts abstraits, ces mots expriment des valeurs bien réelles qui donnent à chacun d’être vivant et tourné définitivement vers l’avenir. Je crois que le bonheur comme la foi ne sont pas des états de fait, comme si on pouvait dire « j’ai la foi » ou « je suis heureux » Ou comme si on disait : « j’ai mal à la tête ». Non, la foi, le bonheur sont chaque fois un chemin.
On croirait volontiers que la fête de la Toussaint qui nous amène traditionnellement sur les tombes de nos ancêtres, est une fête tournée vers le passé où nous faisons mémoire de notre histoire.
Pourtant, la fête des saints est bien plus une fête de la vie et de la vie qui ne connaît pas de fin, une vie qui a le goût permanent de l’avenir. Car la vie nous tourne le regard chaque jour vers l’avant. Même si une maladie se révèle ou si le poids de l’âge se fait sentir chaque jour un peu plus ; pour un chrétien, la vie n’est jamais vraiment terminée. Au lieu de fêter le passé, la Toussaint fête l’aujourd’hui de notre existence. Ne sommes-nous pas heureux d’exister ?
Un couple ou une famille qui vit une naissance, a sa vie fondamentalement tournée vers l’avenir. Pas besoin de leur expliquer que le mot « heureux » signifie en marche… Leur enfant ne les fera pas reculer !
Je me répète car ça me tient à cœur, je vous ai déjà dit les années précédentes que pour moi la mort s’opposait plutôt à l’amour qu’à la vie. Je serais tenté aujourd’hui de vous dire que l’opposé de la mort est davantage la naissance : naissance d’un enfant, d’un couple, mais aussi la guérison ou bien la renaissance à soi-même.
Toute naissance nous tire vers la vie, elle est un appel à la liberté. Thérèse de Lisieux ne disait pas autre chose quand elle proclamait, à qui voulait bien l’entendre, qu’elle ne mourrait pas mais qu’elle entrait dans la vie…
La fête des saints n’est-elle pas la fête de tous ceux et celles qui ont assumé leur vie ici-bas pour s’abandonner à l’éternité ? Je le pense d’autant plus quand je sens que ceux de mes proches qui ont quitté cette terre sont encore plus proches de moi aujourd’hui. Sur terre, beaucoup de facettes de la vie nous différenciaient : l’âge, la culture, l’éducation, les expériences ; une fois disparus, leurs différences aussi ont disparu, nous devenons semblables et donc vraiment très proches.
Un jour, un professeur de religion me demandait pourquoi je croyais en Dieu ; et spontanément je lui ai répondu que je croyais en Dieu parce que j’existais et que j’étais heureux de connaître la vie. Heureux sommes-nous de vivre et de naître. Et plus récemment, un copain me demandait si je croyais encore… Je lui ai répondu que pour l’instant, je croyais que Dieu avait sans doute plus de foi en moi…
Au fond, la Toussaint est vraiment notre fête à tous.
Avant d’écouter Sophie chanter, je vous propose maintenant quelques minutes de silence pour rendre grâce à Dieu pour la vie reçue et pour le Christ qui avance vers nous afin d’ouvrir des nouvelles voies de justice, de paix et de guérison.
Fr. Pierre Gabriel
Lectures de la messe :
Ap 7, 2-4.9-14
Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6
1 Jn 3, 1-3
Mt 5, 1-12a