« Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera. » Ces paroles de Jésus sont la réponse à une question de l’apôtre Jude : « Seigneur, que se passe-t-il ? Est-ce à nous que tu vas te manifester, et non pas au monde ? » Jésus venait en effet d’annoncer qu’il se manifesterait à celui qui l’aime. Jude se sent concerné, il est de ceux qui aiment Jésus. Jésus va donc se manifester à lui, à eux, c’est une bonne nouvelle. Mais ne va-t-il pas se manifester aussi au monde, à tout le monde ? Non, pas à tout le monde. C’est bien ce que Pierre dira chez le centurion Corneille : « Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais … à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Actes 10, 40-41). Cela intrigue Jude : pourquoi Jésus ne se manifestera-t-il pas au monde ? Ne serait-ce pas plus simple ?
Jésus répond : « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera. » Cela peut surprendre. Ne nous avait-on pas dit que l’amour du Père était inconditionnel ? La question de Jude pourrait rebondir : « Que se passe-t-il ? Le Père n’aime-t-il que ceux qui t’aiment ? N’aime-t-il pas tout le monde ? Et pourquoi ce futur ? Mon Père l’aimera. Ne nous aime-t-il pas, tous et toutes, depuis le premier jour ? »
Jésus prévient la question en ajoutant : « Nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » Oui, bien entendu, le Père aime chacun et chacune. Comme dit le livre de la Sagesse, « tu aimes tout ce qui existe, tu n’as de répulsion pour aucune des tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé » (11, 24). On pourrait ajouter : si quelqu’un était absolument mauvais, tout à fait haïssable, tu cesserais de le créer, tu ne le maintiendrais pas dans l’être. Le Père nous aime de prime abord, sans attendre que nous méritions son amour. Mais cet amour inconditionnel ne peut produire tous ses fruits qu’avec notre consentement. Quand il s’agit de venir chez nous pour s’y établir, il a besoin de notre autorisation.
Jésus ressuscité ne va pas triompher chez Caïphe ou chez Pilate. Il n’apparaît pas aux Sadducéens, ceux qui ne croient pas à la résurrection, pour leur prouver qu’ils ont tort. Il ne va même pas rassurer ceux qui l’ont crucifié ou le soldat qui lui a percé le côté d’un coup de lance, leur dire qu’il ne leur en veut pas, que leur violence meurtrière n’a pas été irrémédiable.
L’amour de Dieu, comme tout amour vrai, ne s’impose pas. Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, mon Père l’aimera. Cette condition fait songer à celle d’un verset célèbre de l’Apocalypse : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (3, 20).
L’amour de Dieu nous précède, c’est bien certain, mais en même temps, il reste à venir : « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera. » Pour que son amour puisse se déployer pleinement, il faut qu’on entende sa voix et qu’on lui ouvre la porte. Il ne la défoncera pas, il ne forcera rien. Aussi longtemps que la porte reste fermée, son amour se tient là, disponible, mais discret et patient. C’est à chacun et chacune de décider s’il souhaite que Dieu entre chez lui et s’y fasse une demeure.
Fr. François Dehotte
Lectures de la messe :
Ac 15, 1-2.22-29
Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8
Ap 21, 10-14.22-23
Jn 14, 23-29
Enregistrement radio de la messe :
https://www.rtbf.be/auvio/detail_messe?id=2899834