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Méditation

Le chapitre 13 est un des plus émouvant de ssaint Jean.

Je lis dans l’évangile de Jean : « Puis, il verse de l’eau dans un bassin et il se mit à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec un linge dont il s’était ceint…[et plus loin dans le texte, il dit :]Vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres… » (Jn 13, 5)

Avant ce passage, Jésus était apparu fort : il avait fait des miracles, il avait guérit des malades, il a commandé aux vents et à la mer, il a parlé avec autorité aux scribes et aux pharisiens, il est apparu comme un grand prophète, même le messie pour certains. Le Dieu de la force est avec lui. Les gens le suivent de plus en plus pensant qu’il va sauver Israël. Tous se demandent ce qu’il va se passer à la Pâque, ils attendent un événement spectaculaire. Mais au lieu de faire quelque chose d’éclatant, Jésus descend dans la faiblesse, il se laisse vaincre. Et les jours que nous vivons ensemble expriment cette descente dans la souffrance, la crucifixion et la mort.

C’est la dernière fois avant de mourir qu’il a dû être si prêt de ses amis, ce geste a dû être très délicat.

Chaque geste de Jésus, n’est pas d’abord un commandement, un message, un précepte un peu extérieur et moralisateur.

Chaque geste et parole est révélateur de qui est Dieu. Jésus est venu nous manifester qui est Dieu. Et dans le lavement des pieds, Jésus nous montre notre rapport avec Dieu.

Il y a une tendresse en Dieu qui veut rejoindre chacun dans son être le plus intime, car ce n’est pas rien de laver les pieds de quelqu’un, c’est une partie très sale du corps humain. Il manifeste qui est Dieu et il manifeste aussi notre rapport à Dieu. Par Jésus, Dieu veut rejoindre notre humanité dans sa grande vulnérabilité.

Tout le mystère de l’incarnation est que Dieu se fait petit pour nous faire entrer dans la communion avec lui et le Père.

On a du mal d’entrer dans la réalité d’un Dieu qui se met à genoux devant nous. Jésus est en train de manifester un rapport nouveau entre Dieu et nous. Et c’est ce rapport nouveau qu’il est venu nous dire dès sa naissance et en nous avant les pieds.

Tout le rapport avec Dieu est mystérieux.

Etty Hillesum disait qu’elle n’avait pas besoin de Dieu mais que Dieu a besoin d’elle.

On a besoin d’ouvrir nos cœurs pour qu’il vienne résider en nous.

Dans l’eucharistie comme dans tous les sacrements, il veut résider en nous. Dieu nous donne son corps pour être en communion avec lui. On ne peut pas comprendre l’eucharistie si ce n’est pas en lien avec le lavement des pieds des pauvres. Il y a un lien entre recevoir le corps de Jésus et laver les pieds des pauvres. Le corps de Jésus que nous mangeons pour être en communion avec lui et avec nos frères et nos sœurs dans le service. Jésus ne donne pas quelque chose, ni même un enseignement, il se donne.

Dans les synoptiques, c’est Jésus qui prend le pain, mais dans st Jean, Jésus introduit aux disciples la réalité de son corps par le discours sur le pain de vie. Que ce pain est son corps pour la vie au monde. La vie éternelle n’est pas la vie après la mort, pour Jean la vie éternelle est la vie de Dieu aujourd’hui qui est en moi. Le souci de Jésus est que nous puissions regarder l’autre comme Dieu le regarde.

Notre problème est que nous jugeons l’autre à partir de nos blessures, en fonction de notre fragilité et nos préjugés. Alors que nous devons libérer l’autre pour qu’il devienne lui-même. Regarder l’autre comme Dieu le regarde. On ne possède pas l’autre mais on lui permet d’être qui il est. On lui permet de devenir qui il est profondément. Comment libérer l’autre. C.-à-dire l’enfant de Dieu que nous sommes.

La vie évangélique est la vie que Dieu me donne par le baptême, par sa grâce pour que mes réactions soient divines. Toute l’œuvre de Dieu est de nous donner les moyens de guérir, d’aimer l’autre comme lui il nous aime.

Ézéchiel dira qu’il changera notre cœur de pierre (cœur formé par la peur de l’autre) en cœur de chair (cœur aimant avec la sensibilité de Dieu). Le cœur de chair est un cœur aimant.

Je mettrai mon esprit en lui : c’est pour que nous pensions et vivions comme Dieu vit. Nous avons toute notre vie pour que Dieu prenne sa place en moi, pour apprendre que c’est le Christ qui vit en moi.

Notre vie est une purification de notre regard pour que nous ne regardions pas l’autre comme la société nous encourage, mais comme Dieu le regarde.

Ce chapitre 6 est très fort. Celui qui mange mon corps et boit mon sang aura la vie, demeure en moi et moi en lui.

Saint Thomas dira que l’amitié est de demeurer en l’autre et l’autre demeure en moi.

L’amitié avec Jésus est de laisser Jésus demeurer en moi pour que je demeure en lui.

Jésus nous donne son pain pour que nous ayons un signe que Jésus veut habiter en moi, devenir mon ami.

L’institution de l’eucharistie est donnée pour devenir l’ami de Jésus. Tout l’évangile est une école d’amitié avec Jésus.

Il s’agit de libérer et de purifier mon être pour devenir l’ami de Jésus aussi quand je suis brisé. Je crois que celui qui a déjà vécu des problèmes de santé ou aussi des échecs importants s’est trouvé dans un état de faiblesse tel qui lui a permis de sentir l’amour de Dieu le toucher d’une manière particulière. Jésus est là et il m’aime. On lit la parole de Dieu autrement et on écoute les proches autrement.

Jésus n’est pas venu supprimer la souffrance, mais nous donner une force nouvelle pour la porter. Suivre Jésus, c’est prendre notre croix.

Devenir pauvre est possible dans la certitude que Jésus m’aime.

Jean ne parle pas de l’institution de l’eucharistie

Le lavement des pieds remplace l’institution de l’eucharistie.

Il annonce qu’il va donner son corps à manger et son sang à boire pour que nous devenions comme lui. Et que nous lavions les pieds des pauvres.

Dans les deux épisodes eucharistie et lavement des pieds), il s’agit du corps : de Jésus et des disciples. Il y a une communion à travers le corps.

Jésus dit dans les deux cas : Faites ceci en mémoire de moi ou bien ce que je fais pour mes disciples, vous devez le faire les uns aux autres. Seul endroit dans l’évangile où il dit qu’il fait cela en exemple (Jésus est un modèle)

Dans les deux épisodes, nous devons être convaincus que quand on reçoit le corps de Jésus, c’est pour servir les autres comme Jésus. Jésus se donne à moi pour me tourner vers l’autre dans le même mouvement.

Pierre ne supporte pas cette vision de Dieu, d’un Dieu qui se met à genoux. Quelle est notre façon d’accueillir un Dieu qui se met à genoux ?

Pierre est comme le cri de l’humanité en face de l’évangile :

Pierre a une vision de ce que devrait être Jésus : comme un chef, libérateur, qui a autorité et ne supporte pas l’idée de Jésus faible qui a besoin de nous.

Jésus crée une autorité pour l’Église qu’il va laisser à Pierre. Et après avoir créé cette autorité, il dit qu’il va partir. Pierre restera, mais le fils de l’homme va souffrir.

Pierre ne supporte pas que le chef qu’il a imaginé va disparaître. Jésus le regarde et va lui dire : derrière moi Satan. Tes paroles sont humaines et pas divines. Jésus est blessé par Pierre qui ne comprend pas que Jésus va mourir.

Jésus dit à Pierre qu’il ne peut comprendre maintenant, mais plus tard. Pierre résiste en lui disant qu’il ne lui lavera jamais les pieds. . Que toi tu me laves les pieds, NON.

Pour Pierre il faut que le chef soit au-dessus et lui donne sécurité Si je ne lave pas tes pieds, tu n’auras plus de part avec moi.

Pierre ne comprend pas que Jésus est en train de lui révéler qu’il est Dieu.

Pierre panique car ce n’est pas le modèle qu’il a dans la tête, il ne veut pas blesser Jésus, mais il ne le comprend pas. On ne comprend pas que Jésus veut se faire petit pour nous rejoindre. Et que nous devenions comme Jésus. C’est ça recevoir l’Esprit saint.

Nous, comme disciples de Jésus, tout notre cheminement est de faire en sorte que Jésus vienne habiter en nous. Même à l’intérieur de nos difficultés, en famille, en cté. On a peur et on ne peut se libérer pour accueillir Jésus et réagir comme Jésus.

Jésus veut vivre en moi. Comment me laisser trouver par Jésus ?

Jésus à genoux devant ses disciples. Il dit : je vais partir, maintenant c’est vous qui allez continuer ma mission. Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie.

Nous sommes appelés à continuer la mission de Jésus à notre mesure, à notre rythme.

La sainteté c’est laisser Jésus vivre en moi. Pour faire ce que Jésus veut et pas d’abord ce que les autres veulent de moi.

J’ai découvert un peu le lavement des pieds en étant malade et en devenant dépendant de l’autre, mais aussi en accueillant des personnes très handicapées et comment ces personnes sont ouvertes devant nous. J’admire beaucoup ce geste de Jésus de laver les pieds de ses amis avec beaucoup de pudeur et de respect. En septembre dernier, j’étais en réhabilitation dans un centre neurologique et une infirmière est entrée dans ma chambre pour me laver les pieds. Il était 8h le matin et je lui ai expliqué que c’était l’heure de la messe chez moi et qu’elle célébrait l‘eucharistie pour moi…

Parfois je trouve qu’on ne respecte pas tellement l’intimité d’un malade, dans un hôpital, le malade devient vite une personne public, tout le monde peut entrer dans la chambre à coucher d’un malade. Mais l’infirmière qui m’avait demandé de me laver les pieds avait touché mon cœur. Je crois que Jésus qui s’abaisse pour laver les pieds, il le fait en respectant l’intimité de ses disciples, il n’y a aucune violence, que de la tendresse pour faire grandir l’autre.

Nous devons permettre à l’autre de découvrir qui il est.

En touchant leur corps, Jésus révèle à chacun qu’il est plus beau que ce qu’il croyait. Ton corps est le temple de Dieu et l’Esprit Saint habite en toi. Jésus à genoux, ce n’est pas du théâtre, mais une révélation.

Je t’aime et je veux que tu grandisses. Pour que la vie de Dieu puisse habiter en toi. Quand Jésus lave les pieds, c’est avec une grande tendresse de libération. Il veut que nous grandissions en enfant de Dieu.

Jésus propose de faire ça entre nous. (cfr à l’Arche où tous se lavent les pieds les uns des autres.)

Se laver les pieds est aussi demander pardon.

C’est révélateur de la place où se trouve Jésus.

Fr. Pierre Gabriel

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Homélie

Ce soir, frères et sœurs, nous rejoignons Jésus au Cénacle où il a réuni ses disciples. Il pose deux gestes, accompagnés de paroles qui sont d’une grande intensité et depuis les commencements, la liturgie les a repris et transmis : l’eucharistie ou la fraction du pain d’une part, le lavement des pieds d’autre part.

Quel regard porter sur ces gestes si expressifs ? Que veulent-ils nous transmettre ? Que veulent-ils rejoindre au-dedans de nous ?

En lavant les pieds de ses disciples, Jésus veut, dit-il, donner un exemple non un modèle à copier (et c’est pourquoi, à cause du Covid, nous lavons les mains et non les pieds). En tout cas, Jésus donne là un signe de proximité, de soin et de fraternité. Peut-être se souvenait-il de cette femme au parfum de grand prix qui avait pleuré sur lui et avait essuyé ses pieds avec ses cheveux. Peut-être que le geste de cette femme qui doit être annoncé dans la Bonne Nouvelle, c’est encore ce qu’il faut faire. Il pose une action prophétique et symbolique qui veut souligner par où il faut aller, par où il faut marcher pour l’avenir du monde. Cela, nous le savons bien : aller, marcher vers la fraternité, remettre du lien là où il est défait ou manquant. C’est cela qu’il faut faire… Mais ce que nous savons aussi, par expérience, c’est que le lien, la relation sont choses difficiles, toujours fragiles et vulnérables, toujours à refaire, que ce soit dans un couple, une famille, une communauté, une cité. L’actualité que nous avons sous les yeux montre que la paix est encore et toujours à trouver et retrouver. Elle n’est pas première, ce qui est premier c’est la guerre, c’est la violence et ce qui y conduit : la possession, la jalousie, la rivalité. Peut-être que Jésus lave les pieds des disciples parce que la fraternité est le talon d’Achille, le point faible de tout vivre-ensemble. Récemment j’ai été remis devant un passage d’un psaume qui dit : « même l’ami sur qui je comptais et qui partageait mon pain, a levé le talon sur moi » (Ps 41, 10). Pourquoi le talon, justement ?

Le lien, même fort, est toujours menacé, il peut être corrompu et se retourner en adversité.

C’est bien pourquoi aussi Jésus ne se contente pas de nous laisser son souvenir mais donne sa présence : prenez et mangez ceci est mon corps. Comment retisser du lien si ce n’est en faisant place, en donnant sa place à celui qui est au-delà de nous, j’ai envie de dire ce tiers bienveillant et toujours discrètement dans l’ombre. Lorsque les disciples se sont mis à relire et à interpréter l’itinéraire de Jésus avec eux, ils ont trouvé dans leurs Écritures et dans leur liturgie ce moment de l’agneau sacrifié. Il fallait se rappeler, il fallait inscrire dans les mémoires cette fuite hors de l’Égypte, hors de la terre d’esclavage. Il fallait ne pas oublier que la liberté est difficile, autre chose que les commodités et le confort. C’est un agneau sacrifié qui devait rappeler quelque chose comme une perte, la perte nécessaire pour devenir libre. En donnant sa vie, Jésus ne serait-il pas cet agneau sacrifié ?

Prenons le temps de porter ceci dans notre cœur.

Fr. Hubert Thomas

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