Hands holding sapling in soil

« Où est Dieu ? Dieu est-il fidèle ? » Questions posées par les contemporains d’Ézékiel lors de la déportation à Babylone ! Mais questions posées aujourd’hui encore par de nombreux contemporains en ce temps de pandémie.

Face à ces questions, Ézékiel, à qui Dieu a confié la mission de guetteur pour la maison d’Israël (Ez 3, 17) ose une parole audacieuse. Un exemple parmi d’autres est repris dans la première lecture. Au sommet d’un grand cèdre, symbole royal, Dieu prendra une jeune tige et la plantera sur la montagne d’Israël. Liberté d’une parole adressée en terre étrangère manifestant que Dieu accompagne son peuple dans son épreuve ! Il n’est donc plus figé dans le temple de Jérusalem. Parole d’Ézékiel allant à contre courant du désespoir de son peuple. Parole ouverte sur un avenir : le retour d’Israël et de son roi sur la terre de leurs pères. Parole exprimant la confiance inouïe d’un homme qui croit que Dieu interviendra dans l’histoire de son peuple. Cette parole de Dieu dans la bouche de son prophète redonnera vigueur à Israël.

Vu le nombre de paraboles mettant l’accent sur les infidélités d’Israël, j’imagine que pareille conviction ne fut pas partagée par l’ensemble des concitoyens d’Ézékiel ! Il dut s’y reprendre à plusieurs reprises. N’avons-nous pas vécu pareille situation lors des premiers avertissements de spécialistes face au Covid, guetteurs de la santé aujourd’hui ? Leur parole ne fut pas reçue, la vie de certains anéantie ! Leur constat ne fut même pas pris au sérieux par des politiciens et leurs partisans. Je tiens encore à évoquer le cas des guetteurs de liberté. Leur parole fut confisquée et ils croupissent dans des camps de travail ou en prison en Biélorussie, en Russie ou en Birmanie… Lourds tributs payés, parce ce qu’ils ont osé dire la vérité !

C’est aussi aux paraboles que Jésus recourt pour se faire comprendre. Ainsi dans les trois petites paraboles reprises dans l’évangile de ce jour. Mais quand il évoque le règne de Dieu, il le différencie du celui d’Ézékiel ! Ce n’est plus le retour sur la terre des Pères, ni la libération d’Israël d’un envahisseur étranger, Babylonien ou Romain. Dans une relecture chrétienne, Jésus est la jeune tige cueillie par Dieu au sommet du grand cèdre évoqué par Ézékiel  et plantée en terre d’Israël. A vue humaine, ce fut une vie parsemée d’échecs, opposée aux attentes des autorités de son peuple et se terminant par une fin déprimante sur une croix. Là aussi Dieu sembla absent. « Père, si c’est possible que ce calice s’éloigne de moi ! »

Et si nous rapprochions cette tige plantée en terre d’Israël du semeur de l’évangile ? Il a semé une Parole dans le cœur de ceux et des celles qu’il a rencontrés. De nuit et de jour, cette Parole a germé et grandi chez ceux qui l’ont accueillie. La vie nouvelle suscitée par la Parole a continué à se frayer un chemin à travers réussites et échecs, voire au-delà de la mort, au cours des siècles. La preuve, c’est que nous sommes ici ce matin ! En réalité, cette histoire d’ensemencement de la Parole n’est pas achevée, Jésus l’a confiée hier à ses disciples. Aujourd’hui c’est à nous d’accueillir la Parole faite chair, Jésus lui-même, mais aussi à la semer, à la partager là où nous sommes. N’oublions pas que le semeur ignore comment la graine germe et pousse. C’est avant tout l’œuvre de Dieu, en nous, à travers nous et avec nous.

Aussi développons en nous la confiance et la patience du semeur, de Jésus lui-même. Il ne sert à rien de s’agiter et de s’inquiéter. Ne faisons pas obstacle à la croissance, à la poussée de la Parole de Dieu dans notre vie ni dans celle de nos proches !

Dieu était présent à travers la Parole d’Ézékiel, guetteur d’espérance, comme il l’était en Jésus, premier né d’une multitude ! Pourquoi ne le serait-il pas à travers la voix des guetteurs de la santé, de la vie et à travers la voix bâillonnée des guetteurs de liberté ?

Concluons en reprenant la profession de foi de Mgr J.P. Delville : «  Le mal n’aura pas le dernier mot, la peur ne triomphera pas, l’amour l’emportera. Comme nous le disons à chaque eucharistie : Délivre-nous de tout mal, et donne la paix à notre temps. »

Fr. Jean-Albert Dumoulin

Lectures de la messe :
Ez 17, 22-24
Ps 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16
2 Co 5, 6-10
Mc 4, 26-34

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