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Homélie

La scène est assez surréaliste, il y a deux semaines, Jésus était crucifié, peu de temps après, les disciples reviennent d’Emmaüs et alors qu’ils sont en train de raconter leur rencontre avec Jésus à ceux qui les entourent, voilà que celui-ci apparaît au milieu d’eux en disant : « la paix soit avec vous ».

Non seulement Jésus nous apporte la paix, mais il est la paix. Avec lui, nous sommes dans la paix, la paix est notre demeure.

Alors que les disciples sont étonnés, voire bouleversés qu’il apparaisse devant eux, pour Jésus, au contraire, il n’y a rien d’extraordinaire, c’est tout naturel qu’il soit là, Jésus leur demande même pourquoi ils sont bouleversés, il leur montre ses mains et ses pieds et ensuite il leur demande s’ils ont quelque chose à manger. Le repas est un lieu où Jésus et les disciples s’accueilleront mutuellement. Remarquons au passage que Jésus a souvent mangé avec les exclus, les pécheurs, les lépreux. Ici, il vient d’être crucifié, c’est donc comme exclu qu’il s’apprête à manger avec les disciples.

Les disciples comme les apôtres vont peut-être vite pour manger mais ils mettront du temps pour croire et pour comprendre que désormais Jésus est tout le temps avec eux. Pourtant ils ont tous les signes qu’il faut. Même si tout est dit et dévoilé, il faut encore du temps pour croire. La foi n’est pas un cri, la foi est un chemin de Dieu dans le disciple comme un chemin du disciple en Dieu.

Rappelez-vous le chemin d’Emmaüs où Jésus leur avait expliqué ce qui dans les Écritures, le concernait et comment « il fallait » que le Christ souffrit pour entrer dans sa gloire, ici Jésus va revenir sur ce qu’il leur avait déjà dit, et leur esprit va s’ouvrir un peu plus à l’intelligence des Écritures. La Parole de Dieu a été écrite pour nous et nous avons besoin aussi de clés pour ouvrir notre esprit, être guidés et entrer dans la compréhension de la Parole de Dieu.

Jésus avait déjà pris du temps avec les disciples pour les rejoindre sur leur chemin bien sinueux. L’enseignement de Jésus ne se veut pas comme une encyclopédie faite d’un ensemble de réponses multiples sur une route toute droite; il propose seulement de marcher avec nous sur notre propre chemin, en acceptant de nous suivre à notre rythme et si nous défaillons en route, il nous attendra. Quelques frères de la communauté animent des groupes bibliques et ils se retrouvent régulièrement pour découvrir ensemble comment la Parole de Dieu donne un nouvel éclairage à leur vie.

Si Dieu avance avec nous, nous devons également être vigilants pour rester avec lui. Souvent, beaucoup d’éléments nous distraient de sa compagnie. Mais plus on avance avec lui et vers lui, et plus on prend conscience de la nécessité de sa présence. Parfois, le bruit perturbe l’audition de sa voix et nous prenons peur ou bien nous nous égarons.

Mais Jésus nous le redit dans l’évangile: « Pourquoi êtes-vous bouleversés? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous? »

Jésus est étonné de notre confiance si fragile. Regardons, en effet, combien de fois dans la journée ne sommes-nous pas pris par l’angoisse et par le manque de confiance en nous-mêmes, en l’autre et finalement en Dieu !

Frères et sœurs, profitons de ce temps pascal pour revivifier notre foi en Jésus, en nous abandonnant à sa confiance et à la paix qu’il nous apporte. Prenons le temps de mieux entrer dans sa parole en allant relire les textes de l’Écriture. Car c’est en demeurant dans sa parole que Dieu construira sa demeure en nous et que nous le reconnaîtrons.

Demandons-nous si nous sommes autant bouleversés que les disciples, alors que Jésus se rend aussi présent pour nous ce matin dans l’Eucharistie …

Fr. Pierre Gabriel

Lectures de la messe

Ac 3, 13-15.17-19
Ps 4, 2, 4.7, 9
1 Jn 2, 1-5a
Lc 24, 35-48

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Prière

Nous vivons, Seigneur,
dans un monde fermé à double tour,
verrouillé par des milliers, des millions de clés.

Chacun a les siennes :
celles de la maison et celles de la voiture,
celles de son bureau et celles de son coffre.

Et comme si ce n’était rien que tout cet attirail,
nous cherchons sans cesse une autre clé :
clé de la réussite ou clé du bonheur,
clé du pouvoir ou clé des songes…

Toi, Seigneur, qui as ouvert les yeux des disciples d’Emmaüs
et déverrouillé les portes du Cénacle où la peur tenait tes apôtres enfermés,
donne-nous aujourd’hui la seule clé qui nous manque :
celle qui ne verrouille pas, mais libère ;
celle qui ne renferme pas nos trésors périssables,
mais livre passage à ton Amour ;
celle que tu as confiée aux mains fragiles de ton Église :la clé de ton Royaume.

Prière attribuée par certains à François Séjourné, par d’autres à Étienne Mathiot.

Pistes de réflexion pour la semaine

Les lectures de ce jour font apparaître le rôle mystérieux joué par le reniement, la trahison, le mensonge, la lâcheté et la cruauté des hommes dans l’économie de la rédemption.

Ainsi, dans les Actes des Apôtres :

Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé la grâce d’un meurtrier.

Frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait.

Et dans la première lettre de Saint-Jean :

Mes petits enfants, si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste.

C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés, non seulement des nôtres, mais encore de ceux du monde entier.

Comme s’il avait fallu aller jusque là pour que les hommes découvrent, au plus profond de leur déchéance, que Dieu les aimait jusque là, qu’Il leur pardonnait jusque là, et que de cet abime-là, Il pouvait faire jaillir à nouveau la vie, non plus dans l’innocence naïve de l’Éden, mais dans les larmes de repentir versées sur le bois rugueux de la Croix, nouvel Arbre de Vie planté dans le terreau de toutes les déroutes humaines.

En témoigne aussi cette prière d’un Juif pieux trouvée dans les archives d’un camp de concentration :

« Paix à tous les hommes de mauvaise volonté ! Que cesse toute vengeance et tout appel au châtiment. Les crimes dépassent toute mesure, il y a trop de martyrs …
Aussi, ne mesure pas leurs souffrances au poids de ta justice, Seigneur, et ne laisse pas ces souffrances à la charge des bourreaux, pour leur faire payer une terrible facture. Que tout soit payé d’une autre manière.
Inscris en faveur des bourreaux, des délateurs, des traîtres et de tout homme de mauvaise volonté,
le courage et la force spirituelle des autres, leur humilité, leur dignité, leur lutte intérieure constante et leur indicible espérance, le sourire qui étanche leurs larmes, leur amour, leurs cœurs brisés qui demeurent fermes et confiants à la mort même, oui, jusqu’aux moments de la plus extrême faiblesse …
Que tout cela soit déposé devant Toi, ô Seigneur, pour le pardon des péchés, comme rançon pour le triomphe de la justice. Que le bien soit compté, non le mal ! »

Pierre Boland

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