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Monition

De tous les dimanches de l’année liturgique, celui-ci doit être celui qui a reçu le plus grand nombre de dénominations. C’est le deuxième dimanche de Pâques. C’est le dimanche de quasimodo, celui qui nous invite à être avides de la Parole comme des enfants nouveau-nés ont soif du lait qui les nourrit. C’est le dimanche in albis, celui qui clôture, pour les baptisés de la nuit pascale, le temps où ils sont habillés de blanc. C’est le huitième jour de la semaine, celui qui, par-delà les cycles de sept jours qui rythment notre existence, ouvre sur une vie nouvelle. C’est depuis peu, par la volonté du pape Jean-Paul II, le dimanche de la divine miséricorde. Tout ça. Mais nos frères et nos sœurs d’Orient l’appellent simplement : le dimanche de Thomas. C’est bien l’apôtre Thomas qui occupe le devant de la scène, quand il est là, et même quand il n’y est pas. Suivons-le.

Homélie

Pour introduire cette célébration, si j’en crois l’ordinateur, j’ai prononcé 153 mots. Autant que de poissons lors de la pêche miraculeuse. C’était pour vous inviter à suivre Thomas, à nous laisser inspirer par lui. Allons-y.

Premier dimanche, le soir de Pâques. Jean nous dit que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, mais aussi que l’un des Douze, Thomas, n’était pas avec eux. Jean ne nous dit pas comment il était sorti, par où. Ce n’est pas cela qui l’intéresse. Ce qui importe, à ses yeux, c’est que Jésus n’est pas arrêté par les verrous. Il a un vrai corps, son corps, on y voit les marques de sa crucifixion, Luc ajoute que, pour achever de convaincre ses disciples, il mange un morceau de poisson devant eux ; mais son corps n’est plus le même, ses familiers ne le reconnaissent pas, on le prend pour un autre, et il a ce pouvoir d’être là tout d’un coup, sans crier gare, sans frapper. Lui qui a brisé les verrous de la mort, il ne va pas se laisser arrêter par ceux des portes.

Cela ne nous dit pas comment Thomas était sorti, toutes portes fermées. Bien entendu, raisonnablement, nous devinons qu’il a tiré un verrou et que ses compagnons se sont empressés de le repousser derrière lui. Si la porte est verrouillée, c’est plus facile de sortir que d’entrer, nous sommes bien d’accord. Mais tout de même, si c’est par crainte qu’on a verrouillé les portes, il faut un certain courage pour tirer le verrou. Il faut aussi déverrouiller sa peur. L’absence de Thomas le prive pour huit jours de la joie pascale, Jésus semble favoriser les poltrons, mais nous avons de la sympathie pour celui qui a eu l’audace de mettre le nez dehors.

Deuxième dimanche, aujourd’hui. Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. S’ils y étaient de nouveau, c’est sans doute qu’ils en étaient sortis dans l’intervalle. Ils n’étaient pas restés enfermés toute la semaine. Ils avaient peut-être trouvé dans l’exemple de Thomas le courage de sortir. Toutefois, le mot grec pourrait aussi se traduire encore. Les disciples se trouvaient encore dans la maison. Mais cette fois, et c’est cela qui importe, Thomas était avec eux. Il n’avait pas voulu les croire, il ne partageait pas leur joie. Et pourtant, il était avec eux. On ne l’avait pas mis dehors. Ce détail en dit long sur le groupe des apôtres. Chacun pouvait y garder sa place, malgré ses écarts.

D’ailleurs, dans le récit de Jean, ce détail est renforcé par un autre. Lorsque Jean signale que Thomas n’était pas avec les autres quand Jésus était venu, il l’appelle l’un des Douze. Quand les autres évangélistes parlent des apôtres après la mort de Jésus, ils les appellent les Onze (Mt 28, 16 ; Mc 16, 14 ; Lc 24, 9.33). Avant cela, lors de l’arrestation de Jésus, c’est Judas qu’ils désignent comme l’un des Douze. Mais ensuite, le mot douze disparaît de leur vocabulaire, définitivement. Pour Jean, il n’en est pas ainsi. Même après la mort de Judas, le soir de Pâques, Thomas est l’un des Douze. Pas l’un des Onze.

Quand un moine fait profession, il écrit une charte qu’il signe et dépose sur l’autel. Selon la Règle de saint Benoît, s’il décide plus tard de sortir du monastère, on lui rendra ses effets personnels, mais on ne lui rendra pas sa charte, que l’abbé a prise jadis sur l’autel, et on la gardera dans le monastère (RB 58, 29). Lorsqu’il est venu animer notre retraite communautaire, il y a vingt-cinq ans, Père Denis Huerre commentait ainsi cette directive : même s’il quitte le monastère, le moine reste l’un des nôtres, sa charte en fait foi. Le soir de Pâques, Thomas n’était pas avec les apôtres quand Jésus était venu. Judas non plus, à plus forte raison. Mais l’un comme l’autre, ils étaient l’un des Douze.

Fr. François Dehotte

Lectures de la messe

Ac 4, 32-35
Ps 117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24
1 Jn 5, 1-6
Jn 20, 19-31

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Prière

Seigneur Jésus,

Comme Thomas, notre frère « jumeau » dans la foi, nous aimerions Te voir de nos propres yeux, t’entendre de nos propres oreilles, te toucher du bout de nos doigts.

Cependant, pour nous qui n’avons pas marché à tes côtés sur les chemins de Palestine, il serait vain de vouloir Te chercher à l’extérieur de nous-mêmes. Ressuscité, c’est au plus intime de nous-mêmes, dans notre jardin secret, que tu nous donnes rendez-vous : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14, 23). D’ailleurs, le Pain eucharistique que nous recevons nous rappelle à chaque communion que Tu veux ne faire plus qu’un avec nous.

Et si nous voulons malgré tout Te voir, T’entendre et Te toucher « pour de vrai », Tu nous as indiqué une fois pour toutes le lieu de ta présence « réelle » en notre monde : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez accueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; j’ai été malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus à moi … En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 35-36.40)

Tu nous invites tout d’abord à quitter la périphérie de notre être, où nous tournons en rond avec nos désirs, peurs et préoccupations de toutes sortes, pour rejoindre notre cœur profond où Tu demeures, et de là Tu nous envoies ensuite vers les périphéries de nos réseaux humains pour Te reconnaître souffrant chez des frères et sœurs en attente d’un geste d’amour qui les apaise, les console, les relève et les rende à leur dignité.

Ce double mouvement, ne serait-ce pas là précisément en quoi consiste le mystère de la foi, dont Tu as fait justement la 9ème et dernière Béatitude de l’Évangile : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Pistes de réflexion pour la semaine

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur.

Le Seigneur bâtit sa maison avec des matériaux que les hommes jugeraient a priori sans intérêt : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25), s’écrie Jésus. Et Paul d’ajouter aux Corinthiens : « Frères, parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort. » (1 Co 1, 26-27). Demandons au Seigneur de nous apprendre à discerner en chaque personne que nous rencontrons les pierres d’attente de son Royaume.

La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme.

Et pourtant, la diversité était présente dès l’origine des communautés chrétiennes, et elle n’allait faire qu’augmenter avec la conversion de juifs de la diaspora et des païens du monde hellénistique. Comment alors garder l’unité et l’amour mutuel à quoi – Jésus l’a dit solennellement – « on nous reconnaître comme ses disciples » (Jn 13, 35) ? « Frères, dit Saint Paul aux Corinthiens, je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ : ayez tous un même langage ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions … Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce Paul ou Apollos qui a été crucifié pour vous ? Moi c’est au Christ que j’appartiens ! » (1 Co, 10.12-13) La clef de notre unité et de notre amour mutuel, c’est notre attachement personnel au Christ. C’est Lui la pierre angulaire qui tient ensemble toute la maison.

Tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde.

Saint Jean fait écho aux paroles de Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (Mt 11, 28-30). Saint Augustin disait : « Aime et fais ce que tu veux. » Écoutons battre le cœur de Dieu et soyons ses yeux, ses oreilles et ses mains pour prendre soin de notre terre et de tous ses habitants, spécialement de ceux que les bâtisseurs de notre monde ultralibéral ont laissés pour compte.

Pierre Boland

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