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Monition

Le troisième dimanche de Carême est traditionnellement le dimanche de la Samaritaine. Nous allons lire un autre évangile, parce que 2021 est une année B. Mais, précise le missel, on peut prendre aussi les lectures de l’année A, en particulier dans les assemblées où il y a des catéchumènes. À partir d’aujourd’hui, en effet, ceux et celles qui se préparent à recevoir le baptême au cours de la nuit pascale entendent volontiers les grands évangiles du carême : la promesse de l’eau vive à la Samaritaine, l’eau de Siloé qui donne la vue à l’aveugle-né, la résurrection de Lazare. Et même si nous nous disposons à écouter un autre évangile, nous pouvons l’accueillir en gardant à l’esprit cette parole de Jésus à la Samaritaine, qui en donne peut-être la signification : « L’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père … L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. » Et c’est maintenant …

Homélie

On pourrait intituler cette page d’évangile : Éloge de l’impatience. Bien entendu, la patience est une belle vertu et nous avons tout lieu de nous féliciter de celle de Dieu. Que serions-nous sans elle ? En Dieu, tout est infini. Surtout la patience. Mais on ne gagne rien à en abuser.

Jésus avait dû lire la promesse qui conclut la prophétie de Zacharie : Alors tous les survivants des nations qui auront marché contre Jérusalem monteront année après année se prosterner devant le Roi Seigneur de l’univers, et célébrer la fête des Tentes … Ce jour-là, les grelots des chevaux porteront l’inscription « Consacré au Seigneur » ; les marmites, dans la maison du Seigneur, seront comme des coupes d’aspersion devant l’autel. Toute marmite, à Jérusalem et en Juda, sera consacrée au Seigneur de l’univers ; tous ceux qui offrent un sacrifice viendront les prendre pour cuire ce qu’ils présentent. Il n’y aura plus de marchand dans la maison du Seigneur de l’univers, en ce jour-là (Zacharie 14, 16.20-21). Autrement dit, il n’y aura plus de distinction entre le profane et le sacré, chacun, Juif ou païen, pourra venir présenter son offrande sans devoir passer par des intermédiaires. Plus besoin de marchands.

Jésus entre dans le Temple et voit les marchands. Il se dit : « Tiens ! Ils sont encore ici, ceux-là ? » Et il les met dehors.

« Hé ! là ! qu’est-ce que tu fabriques ? De quel droit ?

– Il est écrit qu’il n’y aura plus de marchand dans la maison du Seigneur, en ce jour-là.

– En ce jour-là ! Minute, papillon ! Paris ne s’est pas fait en un jour, un peu de patience. Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire…

– Quarante-six de trop, pour en faire ce que vous en faites, à cause d’une lubie d’Hérode. Et il n’est pas achevé. Il vous faudra encore trente-cinq ans pour en venir à bout. Et sept ans plus tard, les Romains mettront tout par terre. Il vaudrait mieux le détruire tout de suite et trois jours suffiraient pour bâtir le temple que désire mon Père. Une maison de prière pour toutes les nations. Des adorateurs en esprit et en vérité. L’heure vient, elle est là, c’est maintenant. »

Le regretté Maurice Bellet aurait ajouté, en frappant des deux poings sur la table : « Qu’est-ce qu’on attend ? »

Deux exemples. Tout le monde sait bien qu’il n’y aura pas de véritable paix au Proche-Orient tant que Juifs et Arabes ne pourront pas y vivre en sécurité, libres d’aller et de venir, avec des droits égaux, à commencer par celui de se sentir chez soi sur la terre de ses ancêtres. Qu’est-ce qu’on attend ? Tous les chrétiens savent que le Dieu qu’ils prétendent servir veut leur unité, ils peuvent deviner que cette unité n’est pas un âge d’or plus ou moins idéalisé qu’il faudrait restaurer, mais un don à recevoir et une communion à construire, tourné vers l’avenir plutôt que vers le passé. Qu’est-ce qu’on attend ? On pourrait multiplier les exemples.

Alors, n’attendons pas la fête du Christ-Roi pour redire avec nos frères de Tamié : « Jésus, Seigneur, hâte le temps, reviens, achève ton œuvre. » Il nous répond : « Moi, je ne demanderais pas mieux. C’est vous qui me faites attendre. » Pourtant, l’heure vient. Et c’est maintenant.

Fr. François Dehotte

Lectures de la messe
Ex 20, 1-17
Ps 18b (19), 8, 9, 10, 11
1 Co 1, 22-25
Jn 2, 13-25

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Prière

En écho à l’Évangile de ce jour, Saint Paul disait aux premiers chrétiens de Corinthe (1 Co 3, 16-17) :

Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous.

Et si, Seigneur, aujourd’hui, tu venais à l’improviste dans le temple de Dieu que je suis, le trouverais-tu aussi encombré que le Temple de Jérusalem ? Mon esprit et mon cœur ont souvent l’aspect d’un grand marché ouvert à tous vents, où les pensées du monde vont et viennent, où les désirs de toutes sortes s’entrechoquent… Ah ! si tu venais toi-même y faire le ménage !

Aujourd’hui, je fais mienne la prière très humble et très vraie que t’adressait la poétesse Marie Noël un jour où elle sentait cruellement la vanité de tous ses efforts (voir https://www.cathocambrai.com/page-109536.html)

Mon Dieu, je ne vous aime pas, je ne Ie désire même pas, je m’ennuie avec vous.
Peut-être même que je ne crois pas en vous.
Mais regardez-moi en passant.
Abritez-vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d’un souffle,
sans en avoir I’air, sans rien me dire.
Si vous avez envie que je croie en vous, apportez-moi la foi.
Si vous avez envie que je vous aime, apportez-moi l’amour.
Moi, je n’en ai pas et je n’y peux rien.
Je vous donne ce que j’ai : ma faiblesse, ma douleur.
Et cette tendresse qui me tourmente et que vous voyez bien…
Et ce désespoir… Et cette honte affolée…
Mon mal, rien que mon mal…
C’est tout !
Et mon espérance !

Seigneur, je t’en prie, viens restaurer en moi ta demeure, la maison de ton Père et le temple de ton Esprit. Amen !

Pistes de réflexion pour la semaine

Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir de la maison d’esclavage.

Le Seigneur nous veut libres comme Lui, libres pour aimer. Chaque année, au temps du Carême, Il vient comme Moïse nous arracher à nos sécurités illusoires et nous remettre en marche vers notre vraie terre, à l’image de notre père Abraham. N’ayons pas peur d’exposer notre vie devant Lui, de Le laisser faire avec nous le tri dans notre vie entre ce qui est futile, voire nuisible, et ce qui est source de vie, germe de croissance authentique. Faisons le pas de la confiance, laissons-Le prendre soin de nous parce que, comme Il nous le dit par la bouche du prophète Isaïe : « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime ». (Is 43, 4).

La loi du Seigneur est parfaite, elle redonne vie ;
les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur.

Le mot « commandement » est souvent compris comme une obligation dont on doit s’acquitter, de bonne ou de mauvaise grâce, pour éviter d’avoir des ennuis… Les dix « Paroles » de l’Alliance au Sinaï sont – bien au contraire – des paroles de liberté, qui donnent vie et dilatent le cœur de ceux que Dieu a libérés de la maison d’esclavage. Jésus dira de même à ses disciples : « Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. » (Mt 11,28-30). Et en guise de testament, il laissera à ses disciples un unique commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 13,34 et 15,12).

Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes,
et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

Le voici, le défi qu’il nous faut relever collectivement en Église et chacun pour notre part : construire le Royaume de Dieu aujourd’hui avec ces matériaux vraiment « durables » que nous suggère Jésus dans ses paroles et à travers ses gestes, avec ces « briques » d’Évangile habituellement rejetées par les bâtisseurs de notre société de concurrence et de performance : des moyens simples, des gestes gratuits, à la portée des plus petits, des plus humbles, des laissés pour compte, l’effet contagieux de la joie, du partage authentique, de l’écoute bienveillante, de la main tendue, du pardon accordé… Tout le programme des « Béatitudes » en quelque sorte.

Pierre Boland

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