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Le Caravage – Le sacrifice d’Isaac

Que de temps il a fallu à Abraham et à Sara pour voir le début de la réalisation de la promesse faite par Dieu à Abraham ! Que de temps il a fallu aussi aux tribus d’Israël pour quitter la servitude d’Égypte, atteindre la terre promise et constituer un peuple ! Temps d’attente mais aussi de tentation, de purification de la foi et de libération,

Alors qu’il attendait ardemment une descendance, à la naissance de son fils Isaac, Abraham est tenté d’adopter la pratique des populations locales consistant à sacrifier à la divinité le premier né pour conjurer le malheur. Sacrifice présenté par le narrateur comme une tentation proposée par Dieu. Abraham y répond, acceptant l’énormité de la demande. Or, arrivé sur la montagne indiquée, au dernier moment, l’ange du Seigneur intervient pour retenir le bras d’Abraham. Dans la nuit la plus profonde, Abraham est allé jusqu’au bout de ce qui lui apparaissait comme un ordre divin. En réalité, le Dieu, en qui il croit, se révèle différent des autres dieux. Il se révèle être un Dieu de vie, ne désirant pas la mort d’un enfant mais promettant une descendance nombreuse ! Purification de la foi d’Abraham se démarquant des cultes ambiants. L’enfant est à accueillir comme don de Dieu rejoignant le désir d’Abraham et non instrument pour accaparer les faveurs divines ! En ce temps d’épreuve, en quel Dieu croyons-nous ? Où repérons-nous des germes de vie et comment les cultivons-nous ?

Cheminement d’Abraham correspondant à la longue et douloureuse traversée du désert par Israël sous la houlette de Moïse. Chemin de confrontations avec la soif, la faim et le regret des oignons d’Égypte. Chemin fait de révoltes contre la gouvernance de Moïse, réalité d’hier comme d’aujourd’hui ! Chemin de mise à l’épreuve de Dieu lui-même : Oui ou non le Seigneur est-il au milieu de nous, entend-il celui qui se rend dans la tente de la Rencontre pour le consulter ? Qu’en est-il du don d’une terre promise où coulent du lait et du miel ?

A quelles sources puisons-nous ce qui désaltère vraiment ? Retenons-nous de nos pères ce qui les a aidés à traverser les grandes épreuves ? Non pas des recettes à reproduire mais des invitations à la créativité ou au repentir en cas de fautes !

Long et laborieux chemin de purification de la foi se poursuivant après l’installation en terre promise ! Dans le second livre des Rois, le roi Achaz offrira à son tour son fils aîné pour obtenir l’arrêt d’une invasion ennemie (1 R 16, 3). Alors que le livre du Lévitique (Lv 18, 21)et Isaïe (Is 7, 9) condamnent avec force cet acte barbare. Et à chaque fois, après le repentir,  Dieu renouvelle son alliance avec son peuple et sa promesse de bénédiction pour toutes les nations,

Cheminement de foi parcouru aussi par les disciples choisis par Jésus. Selon Marc, six jours après les questions posées par Jésus à ses disciples : « Qui suis-je au dire des gens ? … Qui suis-je pour vous ? » (Mc 8, 27b.29 a). Six jours après la profession de foi de Pierre « Tu es le Christ», Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean. Comme le fit Abraham accompagné d’Isaac, comme le fit aussi Moïse avec Israël, (Ex 33, 1) Jésus amena ces trois apôtres sur une haute montagne, lieu symbolique de révélation ! Certes, après la profession de foi de Pierre, Jésus avait annoncé sa fin prochaine et les apôtres avaient refusé la réalité d’un Messie de douleur. Cela ne correspondait pas à leurs attentes. Montée de Jésus avec ses apôtres vers un lieu à l’écart du brouhaha de la foule pour leur faire découvrir de façon mystérieuse son identité, son étroite relation avec Dieu, qu’il appelle Père. Tel est l’enjeu du récit de la Transfiguration. La voix entendue par Jésus lors de son baptême résonne cette fois pour les trois disciples choisis. Voix à écouter et à accueillir : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le. »

Expérience intérieure profonde qui bouleverse les trois apôtres ! Pierre croit que le grand jour est arrivé, celui de l’inauguration du Règne de Dieu. Quelle illusion ! Nous voici renvoyés, comme Pierre, au témoignage des Écritures faisant alterner traversées de moments de ferveur mais aussi marches dans la nuit guidées secrètement par l’Esprit.

Fr. Jean-Albert Dumoulin

Lectures de la messe :
Gn 22, 1-2.9-13.15-18
Ps 115 (116b), 10.15, 16ac-17, 18-19
Rm 8, 31b-34
Mc 9, 2-10

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Prière inspirée par les lectures du jour :

En ce temps de Carême, Jésus, Tu nous prends avec toi, à l’écart, pour nous permettre de découvrir qui Tu es vraiment. Cette révélation que Tu as reçue au moment où Tu émergeais des eaux du Jourdain, c’est à nous qu’elle est adressée aujourd’hui :

Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le !

C’est donc Toi, le nouveau Moïse, le nouvel Élie, l’Élu, l’Envoyé du Dieu de l’Alliance que tu as conclue avec notre père Abraham et tous ses descendants par la foi. Et pourtant, comme tes disciples, nous continuons à regarder tout autour, comme si nous avions du mal à croire qu’un fils d’homme comme Toi, comme nous, puisse être désigné comme le Fils bien-aimé de Dieu.

Et que dirons-nous bientôt lorsque nous Te verrons en proie à l’agonie au jardin des oliviers, quand nous assisterons à ton arrestation en pleine nuit comme un malfaiteur, quand nous entendrons la clameur de la foule – qui hier t’acclamait – réclamer à Pilate ta crucifixion, quand de loin nous Te verrons mourir sur la croix entre deux bandits, abandonné de tous ?

C’est pourquoi Tu lèves un coin du voile sur le mystère de ta relation à ton Père, Tu nous fais entrevoir cette lumière qui T’habite depuis le premier jour, et que nous ne pourrons appréhender vraiment que dans la nuit de Pâques, lorsque le cierge pascal se mettra à briller dans le tombeau vide de nos églises pour annoncer : « Il est ressuscité, Jésus, le Seigneur ».

Oui, Seigneur, il est bon que nous soyons ici avec toi, aujourd’hui.

Laisse-nous communier à ta Présence vivifiante au cœur de nos vies. Que ta Lumière nous enveloppe et nous pénètre afin de nous fortifier intérieurement face aux épreuves que nous aurons nous-mêmes à traverser. Nous savons que Tu nous y as précédés et que Tu as ouvert pour nous pour une porte que nul ne pourra refermer.

Pistes de réflexion pour la semaine

Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens !

Face aux difficultés de la vie, aux souffrances, à la mort des innocents, nous sommes tentés d’en vouloir à Dieu pour son apparente passivité. Le psaume d’aujourd’hui proclame avec force que, non, Dieu n’est pas indifférent à tout ce qui nous arrive : sa souffrance est celle d’un père qui voit ses propres enfants s’entredéchirer, s’exploiter l’un l’autre ou, pire, s’entretuer. Son Amour créateur le condamne à une non-violence radicale car, comme le dit le livre de la Sagesse (11, 24.26) : « Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé… En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes les vivants, »

Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous.

Telle est la vraie réponse de Dieu à nos questions sur le mal et la souffrance. Par l’incarnation de son Fils, Verbe fait chair, notre Dieu se rend solidaire de la fragilité humaine et de ses conséquences les plus absurdes et les plus tragiques. Saint-Paul va même jusqu’à dire dans une autre lettre, la deuxième aux Corinthiens (5, 21) : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour, afin qu’en Lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. » Jésus est sorti de sa « zone de confort » pour venir à la rencontre des pécheurs que nous sommes : laissons-nous rejoindre et sauver par Lui sur nos propres chemins, comme le lépreux, comme Marie-Madeleine, comme Zachée, comme le « bon » larron et tant d’autres sur les routes de Palestine.

Et les disciples restèrent fermement attachés à cette parole.

Rester fermement attachés à la Parole de Dieu, comme un bateau reste attaché à son ancre pour l’empêcher de dériver au gré des flots. Nous laisser attacher et guider par elle, comme un nourrisson guidé par sa mère, ainsi que l’exprime si bien le prophète Osée (11, 3-4) : « Oui, c’est moi qui apprenais à marcher à Israël, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours. Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. » Faisons de notre Carême un temps de ré-apprivoisement avec le Dieu qui nous veut du bien !

Pierre Boland

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