Nous avons vu tomber la neige ces derniers jours et cela nous réjouit notamment pour reconstituer les réserves d’eau qui nous sont nécessaires. De ce cadeau du ciel, le prophète se réjouit : « Venez, voici de l’eau, même si vous n’avez pas d’argent ». Il se félicite des dons de Dieu dans la nature et il les compare à sa Parole : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît ».
La société de compétition dans laquelle nous vivons rend peut-être difficile de reconnaître la gratuité des dons de Dieu. Le don de la vie d’abord, et tous les dons de la création, notre mère la terre et notre maison commune, comme aime dire le pape François. Le cadeau de la Parole de Dieu ensuite : toute l’Écriture Sainte, qui nous parle du Christ – lui-même Parole vivante, manifestation ultime de l’amour de Dieu pour nous. Nous la célébrons depuis Noël, cette Épiphanie de Dieu en notre humanité. Noël, sainte Famille, Épiphanie, et aujourd’hui Baptême du Seigneur : c’est une même continuité. Aujourd’hui, les cieux se déchirent – comme pour l’eau et la neige, mais c’est pour le don de l’Esprit. L’Esprit planait sur les eaux à l’origine de la création, il apparaissait comme une colombe sur les eaux du déluge pour une nouvelle création ; on retrouve la colombe au-dessus de Jésus et la voix qui le révèle « Tu es mon Fils bien-aimé ». Jésus à son tour enverra l’Esprit sur le monde dans son dernier soupir, et au soir de la résurrection il dira aux disciples : « recevez l’Esprit Saint ».
A nous aussi, gratuitement, sans l’argent qui ne nourrit pas, sans rien payer (Isaïe), à notre Baptême il nous a été dit : « Tu es mon enfant bien-aimé, en toi je trouve ma joie. »
Avons-nous assez conscience de tous ces dons ? Gratuits…
La réponse et la suite logique de cette gratuité, c’est un mot qui a la même racine : gratitude.
« Je ne cherche plus mes taches, mais mes dettes, écrivait Marie Noël dans ses Notes intimes. Je révise en mon cœur tout ce que j’ai reçu au cours de la journée, toute cette menue bonté – ou grande, de l’homme qui m’a fait l’aumône ce matin, depuis le prêtre qui m’a dit la messe jusqu’à la bonne femme qui m’a cueilli dans son jardin, pour ma soupe, une poignée d’oseille. Je crois bien que cet exercice de reconnaissance si confiant, si affectueux doit faire plaisir à Dieu autant qu’à moi-même – bien plus que jadis mes fouilles de conscience … » (fin de citation).
Tout au début de la crise sanitaire au printemps dernier, j’ai entendu par hasard à la radio un présentateur qui invitait ses auditeurs à faire face à la pandémie en cherchant tous les jours trois raisons de dire merci. Je ne sais pas qui il est, mais sa réflexion va tout à fait dans le sens de ce que nous célébrons. Gratuité des dons de Dieu, de la neige et de l’eau, de sa Parole et de son Fils, de notre Baptême et de l’Eucharistie : action de grâce, reconnaissance.
Ainsi la Parole de Dieu qui nous est donnée aujourd’hui ne restera pas sans résultat : nos actes gratuits, et nos prières de gratitude.
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Is 55, 1-11
Is 12, 2, 4bcd, 5-6
1 Jn 5, 1-9
Mc 1, 7-11