SAMEDI SAINT
LITURGIE DES HEURES
Vous voulez prier et peut-être chanter en communion avec nous, vous trouverez ici un accès au fascicule de l’Office. Chaque ligne en rouge est un lien. Il suffit de cliquer.
MATINES ET LAUDES
Lecture : Lm 5, 1-22
Lecture :
L’espérance, voilà le mot que je voulais écrire. Le reste du monde désire, convoite, revendique, exige, et il appelle tout cela espérer, parce qu’il n’a ni patience ni honneur, il ne veut que jouir, et la jouissance, au sens propre du mot, l’attente de la jouissance ne peut s’appeler une espérance, ce serait plutôt un délire, une agonie. D’ailleurs le monde vit beaucoup trop vite, le monde n’a plus le temps d’espérer. La vie intérieure de l’homme moderne a un rythme trop rapide pour que s’y forme et mûrisse un sentiment si ardent et si tendre, il hausse les épaules à l’idée de ces chastes fiançailles avec l’avenir…L’espérance est une nourriture trop douce pour l’ambitieux, elle risquerait d’attendrir son cœur. Le monde moderne n’a pas le temps d’espérer, ni d’aimer, ni de rêver. Ce sont les pauvres gens qui espèrent à sa place, exactement comme les saints aiment et expient pour nous. La tradition de l’humble espérance est entre les mains des pauvres, ainsi que les vieilles ouvrières gardent le secret de certains points de dentelle que les mécaniques ne parviennent jamais à imiter.
Georges Bernanos
Cantique de l’Ancien Testament : Jon 2, 3-10
Lecture : Mt 27, 62-66
Notre Père
OFFICE DE MIDI
Hymne : Pour inventer d’autres espaces
Lecture : 1 Jn 2, 1b-2
PREMIÈRES VÊPRES DE PÂQUES
Hymne : Brillez déjà lueurs de Pâques
Cantique du Nouveau Testament : Phil 2, 6-11
Lecture : 1 P 1, 18-21
Notre Père
MÉDITATION
L’abbé René Rouschop nous invite à méditer avec lui :
La méditation de ce samedi saint a été préparée avant le confinement dû au coronavirus. Elle se base sur le schéma classique du ‘voir-juger-agir’. En voici un résumé. Il ne tient pas compte de cette pandémie, mais le lecteur attentif pourra appliquer plusieurs réflexions à l’actualité.
En ce temps-là…
LA BIBLE :
Les évangiles sont très discrets, pour ne pas dire muets, sur cette journée.
Mt 27, 61-66 : Marie de Magdala et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre. Le
lendemain, jour qui suit la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens se rendent
ensemble chez Pilate en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelés que cet imposteur adit de son vivant : trois jours après je ressusciterai. Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler son corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité d’entre les morts’. Cette dernière imposture serait pire ue le première ». Pilate leur déclara : « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez ». Ils allèrent donc, sceller la pierre et y poster une garde.
Suite Mt 28, 1 : Après le sabbat, au premier jour de la semaine, Marie de M. et l’autre Marie…
Mc 16, 1 : Quand le sabbat fut passé, Marie de M. et Marie mère de Jacques…
Lc 23, 56 : Les femmes qui avaient suivi Jésus s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Durant le sabbat, elles observèrent le repos selon le commandement.
Jn 19, 42 : En raison de la Préparation des Juifs, ils déposèrent Jésus dans un tombeau tout neuf. 20, 1 Le premier jour de la semaine à l’aube…
Par contre, beaucoup de textes parlent du Sabbat :
Gn 2, 2-3 : Dieu acheva le 7e jour l’œuvre qu’il avait faite…Dieu bénit le 7e jour et le consacra car il avait cessé son œuvre
Ex 20, 8 : Tu travailleras 6 jours mais le 7e c’est le sabbat du Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi ni ton fils ni… car en 6 jours le Seigneur a fait le ciel et la terre mais il s’est reposé le 7e jour et il l’a consacré
Ex 34 (renouvellement de l’Alliance et nouvelles tables) : Tu travailleras 6 jours mais le 7e jour tu chômeras
Lv 23, 3 : On travaillera 6 jours mais le 7e jour est le sabbat, jour de repos, un jour où vous ne faites aucun travail
+ le chapitre 5 du Deutéronome, etc…
… et la dernière parole de Jésus sur la croix, rapportée par Jean (19, 30) : Tout est accompli, ne fait-elle pas écho au début de son évangile « au commencement », comme le début de sa première Lettre « au commencement » ferait écho au début de la Genèse et au récit de la création, qui se termine en Gn 2, 2 : Dieu acheva – accomplit – l’œuvre qu’il avait faite ?
La descente aux enfers, rappelée dans notre credo, est un thème développé dès les premiers temps, notamment en Ph, 2, 6-8, qui reprend une hymne déjà pratiquée dans les communautés chrétiennes primitives. Vision reprise dans la première Lettre de Pierre (3, 18-22) : Le Christ est mort pour nos péchés, lui le juste pour les injustes, afin de vous présenter à Dieu… Il est allé prêcher aux esprits en prison, aux rebelles d’autrefois, quand Noé construisait l’arche où 8 personnes en tout furent sauvées à travers l’eau : c’était l’image du baptême, qui vous sauve maintenant
LA LITURGIE
La liturgie romaine
Le Missel Romain de 1969 (réforme de Vatican II) est encore plus discret que les Évangiles sur le Samedi saint :
Le Samedi saint, l’Église demeure auprès du tombeau de son Seigneur. Elle médite la passion et la mort du Christ. Elle s’abstient de célébrer le sacrifice de la messe : la table de l’autel reste nue jusqu’après la Veillée pascale, cette attente nocturne de la résurrection. Alors éclatera la joie de Pâques, joie qui débordera en cinquante jours de fête.
Aujourd’hui, la communion ne peut être portée qu’en viatique.
Et c’est tout !
Cependant, il y a quand même la Liturgie des Heures : elle exploite notamment des textes des Lamentations ainsi que des Psaumes évoquant la confiance dans l’épreuve : Beaucoup demandent ‘Qui nous fera voir le bonheur ?’… dans la paix je m’endors car tu me donnes d’habiter, Seigneur, seul dans la confiance (ps. 4) – Ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption (ps. 15). Elle puise aussi dans la Lettre aux Hébreux 4, qui fait référence à la Genèse et à Josué 21 : le repos du 7e jour, l’entrée dans la Terre Promise, et le Paradis.
La tradition byzantine
La tradition byzantine, par contre, par contre est très riche en textes, prières et « illustrations » – il faut dire ‘icônes’ – notamment la belle icône dite de la Résurrection. Ainsi cet extrait venu de Syrie au 3ème siècle :
Comme un plongeur vous êtes descendu au Shéol pour chercher votre image engloutie. Comme un pauvre et un misérable, vous êtes descendu, vous avez sondé l’abîme des morts. Et votre miséricorde a été soulagée parce qu’elle a vu Adam ramené au bercail.
Ou dans la Liturgie orthodoxe du Samedi Saint : Aujourd’hui l’Enfer gémit et crie ‘Mon pouvoir a été détruit. J’ai reçu un mortel comme un des morts mais je n’ai point la force de le retenir, mais avec lui je vais perdre ceux sur lesquels j’ai régné. J’ai retenu les morts de tous les âges, mais voici celui qui les ressuscite tous’.
Ou encore cet extrait d’une homélie du 4e siècle : Que se passe-t-il ? Aujourd’hui grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblé et elle s’est apaisée, parce que Dieu s’est endormi dans la chair et le séjour des morts s’est mis à trembler…C’est le premier homme qu’il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. Oui, c’est vers Adam captif en même temps que vers Eve, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec Lui, pour les délivrer de leurs douleurs. Le Seigneur s’est avancé vers eux, muni de la croix, l’arme de sa victoire. Lorsqu’il le vit, Adam le premier homme , se frappant la poitrine dans sa stupeur s’écria vers tous les autres : ‘Mon Seigneur avec nous tous !’ Et le Christ répondit à Adam : ‘Et avec ton esprit !’ Il le prend par la main et le relève en disant : ‘Eveille-toi ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera’. (hymne primitive, cfr Eph. 5, 14)
AUJOURD’HUI …
Quel sens peut avoir ce jour « oublié », vide ? Simple transition entre vendredi et dimanche ?
D’une part, risque de s’enfoncer dans la souffrance, pleurer sur la mort du Christ et les malheurs du monde – ou de glorifier la souffrance et la ‘victoire de la croix’…
D’autre part, risque de camoufler la souffrance et la croix en se projetant déjà vers la résurrection avec les préparatifs de la Vigile pascale et du dimanche, ou de vouloir fêter Pâques en oubliant le vendredi-saint…
Jour de silence
Le silence (relatif) de la liturgie et du Nouveau Testament nous renvoie au silence de Dieu. Le silence et l’absence de Dieu est un thème récurrent dans le premier Testament. Cette perspective de l’absence de Dieu ne peut être que le revers d’une foi en sa présence : c’est quand on aime quelqu’un qu’on souffre de son absence et qu’on en parle !
Les exemples sont nombreux :
- Psaumes : psaume 21 (repris par Jésus en croix : Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?), psaumes 41, 10, 73, etc.
- Le prophète Élie fuit la colère de la reine Jézabel et se rend péniblement vers la montagne de Dieu. 1 R 19 : Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant…le Seigneur n’était pas dans le vent,…un tremblement de terre : le Seigneur n’était pas dans le tremblement, …un feu : le Seigneur n’était pas dans le feu,…Et après le feu une voix de fin silence : alors en l’entendant, Elie se voila le visage…’Pourquoi es-tu ici Élie ?’ Il répondit : « Je suis passionné pour le Seigneur»
- Au temps de l’exil : Jr. 12, 7 J’abandonne ma maison, dit le Seigneur, je rejette mon héritage… Jérémie, Esaïe et Ezéchiel voient l’exil comme le châtiment de l’infidélité d’Israël et la marque de la fidélité de Dieu malgré son absence apparente : Ce n’est pas à cause de vous que j’agis, maison d’Israël, mais bien à cause de mon saint nom que vous avez profané…
Car l’aspect négatif du silence de Dieu n’est jamais le dernier mot (cfr Ps. 21 : Tu m’as répondu …).
Grégoire de Nysse (4ème siècle) : Celui qui lève les yeux vers Lui ne cesse jamais de le désirer, et c’est là réellement voir Dieu que de ne jamais trouver de satiété à ce désir.
R.M. Rilke (Lettres à un jeune poète) : Je voudrais vous prier d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur. Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère… Ne vivez pour l’instant que vos questions ; peut-être finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses.
Ainsi ce grand samedi, plein de silence, n’est pas vide de sens, loin de là. Il commence sous le signe de l’absence de Dieu mais mûrit peu à peu dans le repos contemplatif, soutenu par le désir profond de celles et ceux qui comme Élie sont passionnés par le Seigneur, ou comme Marie retiennent tous ces événements dans leur cœur (Lc 2, 51).
Lieu de frontière
Frontière entre la vie et la mort/la mort et la vie, entre un état et un autre… Frontière qui incite à s’arrêter, à faire le point de la situation, à vérifier où l’on veut aller et si on peut y aller… Frontière qui donne à penser les limites que les humains subissent, et les limites qu’ils s’imposent et qu’ils imposent aux autres…
Ainsi le samedi saint est un appel en creux à la solidarité universelle (cfr François et ‘les périphéries’), et en même temps un appel à relativiser toutes les frontières.
Revoir l’icône : Jésus tient Adam par le poignet, entouré des justes de l’ancien Testament, les prophètes et les rois, càd toute l’humanité… Elle exprime ainsi la défaite de la puissance du mal et la libération des victimes, que Jésus rejoint dans sa mort/résurrection. C’est l’expression du désir de Dieu d’accorder à toute la création une vie en plénitude dans le Christ.
Si le péché est la rupture de notre relation avec l’Autre, la mort est la rencontre avec le Christ qui nous offre une relation nouvelle et définitive avec Dieu et sa création.
Temps de l’espérance
… à ne pas confondre avec « espoirs » : cfr Spe Salvi – Sauvés en espérance, l’encyclique de Benoît XVI (2007).
L’espérance s’appuie sur la foi.
Rm 8, 24: Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. Voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer… mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance… 28 tout concourt au bien pour ceux qui aiment Dieu… 31 Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
1 P 3, 15 : Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous
Benoît XVI distingue ce qu’il appelle « les lieux d’apprentissage de l’espérance » :
– la prière
– l’action et la souffrance.
J’en trouve une impressionnante illustration dans le journal d’Etty Hillesum (Une vie bouleversée), e.a. le 12/7/1942 : Prière du dimanche matin. Ce sont des temps d’effroi, mon Dieu. Cette nuit, pour la première fois, je suis restée éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre une chose, mon Dieu, oh une broutille ; je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m’inspire l’avenir ; mais cela demande un certain entraînement. Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine. Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu…
– le jugement
« Il reviendra juger les vivants et les morts ». Le deuil est ce moment crucial où l’homme est forcé de s’interroger sur le sens de la vie et de la mort : samedi saint où chacun est questionné sur sa foi, son espérance et son amour…
Tout est accompli. Le Royaume est annoncé, incarné, vécu plus ou moins par une petite troupe de disciples. Le germe est semé et en mourant dans la terre il la féconde pour un nouveau monde.
Tout est accompli. Le crucifié a été proclamé par le païen comme un homme vraiment juste et vraiment fils de Dieu.
Tout est accompli. Mais les passants n’ont pas compris, et les proches, pris de peur, sont maintenant loin.
Tout est accompli. Mais tout est encore caché. Le secret est gardé par des soldats, et il va s’ouvrir bientôt. Comment vivre l’attente ?
Tout est accompli… et il remit l’esprit. ‘Nous aussi, nous possédons les prémices de l’Esprit et nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps’ (Rm 8, 23)
Comment vivre ce jour…
Garder le silence
Déjà évoqué : le silence de Dieu. « Commencé sous le signe de l’absence, il se manifeste peu à peu comme riche en promesses. Dans les lieux souterrains de la terre germe l’inespéré » (fr. John de Taizé)
Et le silence de l’homme :
« L’accomplissement n’est pas un événement perceptible à quiconque. D’abord il est souvent le fruit d’une longue préparation, semblable à celle du peuple d’Israël… Puis l’observateur doit connaître une transformation, lui aussi. Seuls ceux qui comme les saintes femmes demeurent dans l’attente devant le vide et l’obscurité du tombeau peuvent avoir l’espoir d’être les témoins d’une bonne nouvelle qui renverse toutes les attentes » (fr. John)
Comment cultivons-nous le silence et le ‘repos contemplatif’ en ce saint samedi ?
« Jeûner pour changer »
C’était une proposition d’ « Entraide et Fraternité » dans les années 1980. Nous l’avions pratiquée avec quelques jeunes dans l’église d’Ouffet.
D’abord jeûner. Dans les documents les plus anciens (2ème-3ème siècle), la fête de Pâques commence par un jeûne rigoureux d’un jour ou deux, suivi d’une assemblée nocturne de prière qui s’achève ‘au chant du coq’ par une joyeuse eucharistie. ‘Ce jeûne pascal n’est pas une simple préparation : il est le premier temps de la Pâque, c’est-à-dire du passage du Christ total, Tête et Corps, de la mort à la vie, des larmes à la fête’ (Dom Gaillard, ‘La liturgie pascale’ Cerf 1988)
Ensuite changer : soi-même en premier lieu. Pas seulement pour un meilleur ‘régime’, ou ‘jeûner pour la forme’… Avec en vue aussi la ‘sobriété heureuse’ (cfr P. Rhabi)
En visant également les situations d’injustice et d’inhumaine répartition des biens (c’est le sens du ‘Carême de Partage’). Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénoncer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug,…, partager ton pain avec l’affamé, héberger les pauvres sans abri, si tu vois quelqu’un nu le couvrir, devant celui qui est ta propre chair ne pas te dérober. (Is. 58, 6-7)
Sans oublier la relation avec la « terre-mère » (cfr Laudato si’) : changer notre rapport à la création, changer l’exploitation de notre planète… « Tout est lié » !
Rejoindre les frontières
En référence à ce qui précède. Cfr Ph. 2, 14-15 : Agissez en tout afin d’être sans reproche et sans compromission, enfants de Dieu sans tache au milieu d’une génération dévoyée et pervertie, où vous apparaissez comme des sources de lumière dans le monde.
Depuis toujours, le « sacrement du frère » (Jean Chrysostome) est une constante de la prédication chrétienne. A notre époque simplement 2 références :
Paul VI à la clôture de Vatican II : Dans le visage de chaque homme, surtout s’il est rendu transparent par ses larmes et ses souffrances, nous pouvons et nous devons reconnaître le visage du Christ.
François aux communautés religieuses (nov. 2014) : La rencontre avec le Christ vous poussera à la rencontre avec les autres et vous conduira vers les plus nécessiteux, les plus pauvres, aux périphéries qui attendent la lumière de l’évangile. Habitez les frontières. Cela exigera de vous une vigilance pour découvrir les nouveautés de l’Esprit ; une lucidité pour reconnaître la complexité des nouvelles frontières ; un discernement pour identifier les limites et la manière adéquate de procéder ; une immersion dans la réalité en touchant la chair souffrante du Christ dans le peuple.
Comment « habiter les frontières », en tant que personne, et en tant que communauté ?…
Questions de ‘frontières’ actuelles : les migrants, la bioéthique, l’intelligence artificielle, début et fin de vie,… et les multiples interrogations liées à la pandémie ?
Le vrai berger va jusqu’au bout du monde à la recherche de la brebis égarée.
Abbé René Rouschop
Homélie :
Surabondance lumineuse, profusion, foisonnement: le récit de la création est une explosion de vie, nous faisant percevoir l’intention de la bonté de Dieu et sa capacité de donner une place à chaque créature.
Cette première lumière dans la nuit de Pâques aurait pu exceptionnellement cette année être complétée par le récit du Déluge: une création qui se poursuit au-delà et malgré la montée de la disharmonie violente et de la non écoute de l’homme, grâce au confinement de Noé et de sa famille dans l’arche pendant quarante jours. Ce personnage pourrait nous apprendre beaucoup de choses sur l’expérience inédite que nous vivons actuellement: nous recentrer sur l’essentiel de la Parole, apprendre à vivre avec toutes ces sortes d’animaux qui composent la faune de notre intériorité, y compris les plus sauvages, alimenter l’espérance et la promesse que la création est un don qui se poursuit et va pouvoir retrouver une terre, une base, un nouveau départ…
L’Exode nous rappelait aussi que les eaux des épreuves apparemment insurmontables peuvent devenir un chemin plutôt qu’un tombeau. Et la parole brûlante des prophètes imprimera la conviction que, même un sépulcre se change parfois en couffin, en arche, en esquif capable de pousser encore plus loin la vie, la surabondance de la promesse et de l’Amour.
Reste qu’il faut la traverser cette épreuve, être plongé dans ce qui semble tout engloutir, le baptême, la mort, la perte des repères et de l’harmonie du monde, perte du souffle. Mais ces bouleversements ne sont pas que mort, ils sont perspectives d’un relèvement, par le partage de l’expérience de Jésus et l’attachement à sa personne au-delà du gouffre à traverser.
Syméon le nouveau théologien s’est exclamé dans un de ses écrits: » Quoi de plus grand et de plus avantageux dans cette vie et dans la vie future que d’être près du Christ ? » C’est ce dont Marie-Madeleine et l’autre Marie ont la conviction. C’est cela qui les pousse à venir regarder le tombeau, dès la première lueur de l’aube, le lieu du déposement de ce qu’elles ont connu de Jésus. Et là, nous retrouvons, tout ensemble, le saisissement et la transformation par appel et prise de conscience. Saisissement dans le tremblement de terre et la peur blanche comme l’éclair, tremblement de chair et sensation de mort; et pourtant métamorphose, car le désir s’y fraie un chemin, s’initie jusqu’à un entre-deux qui tient lieu de mûrissement, comme dans le Déluge et comme dans l’Exode: » remplies à la fois de crainte et d’une grande joie ».
C’est en portant la nouvelle qu’elles rencontrent Jésus. Et Syméon de poursuivre: » Quoi de plus beau et de plus doux que sa vue ? Mais si l’on est favorisé aussi de sa conversation, on y puise vraiment la vie éternelle. »
» Je vous salue « , dit Jésus. « Shalom »
En ce simple mot, Jésus mène à son acmé le dire de la création. L’humain est restauré dans son intégrité, achevé dans ce mouvement de femmes allant porter la Bonne Nouvelle à des hommes: réconciliés, heureux et en paix en celui qui sauve.
Amen. Alleluia.
Fr. Renaud Thon
Intermède :
Chant dans la tradition des béguines :
Christus resurgens
Ensemble Psallentes
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JOYEUSE FÊTE DE PÂQUES À TOUS
J.S. Bach
Oratorio de Pâques BWV 249 – Sinfonia
Philippe Herreweghe – Collegium vocale
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