La fin du monde, c’est pour quand ? Il y a pas mal de films sur le sujet, on écrit de la science-fiction. Serait-on arrivé à la fin de l’histoire de l’humanité ?
Mais, il faut bien le dire, pour la majorité des gens, la préoccupation n’est vraiment pas là. Elle est bien plutôt dans l’instant présent. Que mangerons-nous, que boirons-nous, de quoi nous vêtirons-nous ?
Ou encore, c’est une autre version: la sécurité à long terme. Voyez la beauté de nos pierres, nos belles maisons…Après nous le déluge ! Heureusement il y en a qui ne souhaitent pas rester dans cette logique un peu restreinte. Moins de biens, plus de liens, telle serait plutôt leur devise.
Ces derniers temps, la fin du monde paraît pourtant, semble-t-il, à l’ordre du jour. Régulièrement des scientifiques attirent notre attention sur le changement climatique et toutes les perturbations qui y sont liées et qui accélèrent la fin du monde. Et Greta Thunberg du haut de ses seize ans et avec ses tresses juvéniles n’hésite pas à frapper du poing sur la table des Nations Unies.
Mais de son côté, Jésus et son Évangile, qu’en pensent-ils ? Que disent-ils ? Il y a d’abord ceci: « prenez garde de ne pas vous laisser égarer ». La fin du monde comme son commencement nous échappent, en partie, et il faut en dire autant de chacune de nos existences; son commencement et sa fin, notre naissance comme notre mort échappent à notre contrôle. Donc, il ne s’agit pas de vouloir tout contrôler (et les peurs peuvent en être le symptôme révélateur) mais de maintenir la vie ouverte, dé-crispée, les fenêtres de notre vie ouvertes au Soleil de justice dont le rayonnement est guérison. Il convient donc de ne pas laisser la peur nous pourrir la vie. « Ne vous laissez pas égarer ». « Ne marchez pas derrière n’importe qui »… »Ne vous effrayez pas ». Non pas dans le sens : se cacher les réalités, mettre sa tête dans le sable. Comment se cacher par rapport à l’accueil des migrants, du réchauffement climatique, les violences faites aux femmes…Mais dans le sens que la panique ne va rien arranger ; elle va plutôt susciter de la méfiance et de la rivalité et donc pourrir les liens.
Pourtant, il n’est pas sans signification que l’Évangile parle de la fin du monde. Car il en parle !
Il ne faut pas se méprendre: pour Jésus la fin du monde est commencée.
On peut dire, en effet, que le Christ met le monde en crise. D’un côté, sa mort révèle jusqu’où va un monde pécheur, exigeant que la parole de vérité soit réduite au silence. D’un autre côté, sa résurrection est le signe que la mort n’a pas vaincu la vie, que l’ombre n’a pu obscurcir la source de la lumière. Oui, les fondements mêmes du monde ont été touchés par la mort-résurrection de Jésus.
C’est à partir de là que l’on peut comprendre les images que Jésus utilise ici, les reprenant à la littérature contemporaine des apocalypses.
Jésus apporte donc avec lui la contradiction. Il dévoile (c’est le sens du mot apocalypse…dévoilement) l’illusion des sécurités provisoires. « Il n’en restera pas pierre sur pierre ». D’où le langage de rupture qui est employé ici, celui des séparations et des ruptures, mêmes familiales. C’est tout un ordre de choses, tout un cosmos qui ne peut être que défait quand il se fonde d’une manière ou d’une autre sur l’égoïsme, l’indifférence, le rejet de l’autre, l’exclusion, la rivalité. Tout cela ne peut tenir à long terme.
Mais, en même temps, Jésus donne le réconfort de sa présence. Au cœur de l’enfantement d’un monde nouveau et de ses douleurs, l’Esprit saint défenseur témoigne en faveur des disciples. Et cela, non pas abstraitement. « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu ». Ce langage amoureux dit bien tout le soin de l’Amour de Dieu pour chacun des disciples.
En attendant, que devons-nous faire ? Après la grande fresque évangélique de la fin du monde, il y a quelque paradoxe à entendre St Paul inviter chacun au travail responsable. Pas d’oisiveté ! Que chacun prenne sa part pour ne pas rester à la charge des autres. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, ou plutôt il est au cœur de toute la vie chrétienne. C’est précisément parce que l’avenir du monde repose en Dieu et non sur lui-même que nous pouvons y croire et en prendre soin avec douceur. Dieu s’est lui-même engagé pour l’avenir du monde. Et alors, nous essayons d’habiter le monde d’une certaine façon. Le croyant n’est pas un mystifié mais un éveillé, il se tient dans l’histoire en état de vigilance. Il porte la question : quel monde voulons-nous ?
Comment donc habiter le monde ? Eh bien, se sentir provisoires. C’est provisoirement que nous sommes ici. Des passants, des gens de passage, dans la dynamique du provisoire. Qu’est-ce que cela veut dire, qu’est-ce que ça implique, ce serait trop long d’en parler maintenant. Mais il va falloir partager à ce sujet…
Fr. Hubert Thomas
Lectures de la messe :
Ml 3, 19-20a
Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 92 Th 3, 7-12
Lc 21, 5-19