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Cette petite parabole du pharisien et du publicain nous présente deux attitudes bien différentes. Par-là, Jésus veut que nous réfléchissions à la manière dont nous nous comportons dans la prière parce que nous pouvons nous reconnaitre dans chacune des deux attitudes, selon les circonstances.

En chacun de nous se cache un pharisien qui se complait à dresser la liste de ses bonnes actions, répétant dans ses prières : j’ai donné ceci, je fais cela, je jeûne, etc. Il est probable que le pharisien n’invente rien. Les pharisiens étaient des gens qui avaient la réputation d’être fidèles à la loi, de pratiquer les obligations religieuses, de faire l’aumône. Mais sa prière n’est pas une véritable prière. Il n’attend rien du Seigneur, il est satisfait de lui et s’enorgueillit de ses mérites. Mais Dieu ne calcule pas les mérites, son amour est totalement gratuit.

Quant au publicain, il reconnait humblement sa situation: un homme corrompu, un exploiteur du peuple, complice de l’occupant romain. Il reconnait qu’il est un homme pêcheur et fait appel à la miséricorde.   Reconnaître ses faiblesses et ses manquements, voilà la meilleure disposition pour se mettre à prier. Quand nous nous trouvons dans une situation de détresse, quand nous n’avons d’autre secours, sinon celui de nous tourner vers Dieu, alors nous prions vraiment, nous sommes réellement tendus vers Dieu. Quand nous prenons conscience de notre vulnérabilité et de notre pauvreté, alors notre cœur s’ouvre et notre prière peut s’élever en vérité. C’est ce que nous avons entendu exprimer joliment dans la première lecture : « la prière du pauvre traverse les nuées ». C’était aussi la conviction de saint Paul quand il écrit la lettre à Timothée, dont nous avons entendu un extrait. C’est son ultime message avant son martyre. Il est abandonné et persécuté. Dans cette situation d’extrême pauvreté, sa prière peut s’élever en toute vérité et trouver sa force dans le Seigneur. Aussi, il ne doute pas : « Il me sauvera et me fera entrer au ciel » écrit-il.   Quant au psaume responsorial, il le proclame à sa manière : « un pauvre a crié : Dieu l’écoute et le sauve ».

Voilà pourquoi, le modèle du vrai priant c’est le publicain quand il confesse : « Oh Dieu, prends pitié de moi qui suis pécheur ». C’est en tout cas l’opinion de saint Benoît qui, dans son chapitre sur l’humilité, au douzième et dernier degré de l’échelle de l’humilité, propose au moine, comme modèle, le publicain. Il semble facile d’imiter un tel modèle ! Alors, pourquoi éprouvons-nous tant de résistance à faire la même démarche? C’est que nous préférons essayer de nous sauver à tout prix par nous-mêmes, au lieu de nous en remettre en toute confiance à Celui qui offre de nous sauver gratuitement. Il ne nous plait pas de dépendre d’un autre, et cependant être chrétien, être disciple de Jésus ne consiste pas d’abord à aimer, mais avant tout à accepter d’être aimé.

Ce que la tradition appelle la prière de Jésus, c’est la prière du publicain: « Seigneur Jésus, prends pitié de moi qui suis pêcheur ». A ce propos, saint Jean Climaque écrivait au 7ème siècle : « Que ta prière soit simple et sans beaucoup de paroles : une seule a suffi au publicain pour retourner chez lui pardonné. Une seule phrase lui a obtenu la miséricorde de Dieu. Les longues prières accumulent toute espèce d’images dans notre esprit et nous distraient, tandis qu’une seule parole peut nous conduire au recueillement. Si, en répétant une seule parole, tu expérimentes la consolation intérieure et qu’elle touche ton cœur, continue avec cette unique parole ».

L’évangile de ce dimanche conclut : « Quiconque s’élève sera abaissé et quiconque s’abaisse sera élevé ». S’élever c’est croire que nous sommes meilleurs et supérieurs aux autres, ce qui conduit à les regarder avec condescendance et un certain mépris. C’est l’attitude du pharisien et elle peut être la nôtre parfois. Mais celui qui pense qu’il n’a rien à apprendre des autres perd la chance de profiter des richesses des autres. Son attitude l’appauvrit. Au contraire, celui qui s’abaisse et s’humilie, reconnaissant que les autres ont des dons et des qualités qu’il n’a pas, trouve dans sa relation avec les autres de quoi grandir et s’enrichir humainement. Il est prêt à s’émerveiller des dons et des talents des frères et sœurs qui l’entourent. Il en va de même de notre relation avec Dieu qui peut alors, dans la mesure où notre cœur s’ouvre, nous combler de sa présence. Reconnaissons-le, seul nous sommes démunis, nous avons besoin pour grandir humainement de ce regard fraternel que nous portons les uns sur les autres. Combien plus alors peut nous donner confiance ce regard du Seigneur, qui nous recrée avec amour et persévérance, combien il peut être source de paix et fortifier notre confiance.

« La prière du pauvre traverse les nuées ». Il est bon d’entendre cette parole en ces jours où nous cherchons à vivre la communion des saints et à rejoindre par la prière notre famille du ciel. « La prière du pauvre traverse les nuées, elle parvient jusqu’au ciel ».

Fr. Bernard de Briey

Lectures de la messe :
Si 35, 15b-17.20-22a
Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23
2 Tm 4, 6-8.16-18
Lc 18, 9-14

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