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Jésus monte vers Jérusalem. Il raconte aux disciples des paraboles, en même temps qu’il leur donne des enseignements pendant qu’ils sont en route. L’évangéliste Luc nous rapporte quatorze paraboles. Aujourd’hui, nous avons entendu la parabole de Lazare et du riche. Un riche qui avait des vêtements de pourpre et de lin fin, qui donnait chaque jour de grands banquets. Lazare, un pauvre… On dirait aujourd’hui un sans domicile fixe, un SDF. Mais il porte un nom, qui se traduit : « Dieu a aidé ».

Notre parabole est propre à Luc. En fait, il s’agit d’un drame en deux actes. Il y a deux hommes. Le premier acte se joue sur la terre, et le deuxième après leur mort. Le riche est insensible face au pauvre qui est tout près de chez lui. Mais par contre, il joue un rôle fort actif dans la parabole. Il parle à Abraham et le questionne. Lazare, pour sa part, ne prononce même pas un seul mot. Il meurt de faim et ce sont seulement les chiens, des animaux impurs, qui lèchent ses ulcères. Lui aussi, de par sa maladie, est un homme impur. Chacun dans son monde, ils vivent dans leur propre univers clos. Et ils meurent l’un après l’autre. Aux funérailles de Lazare, il n’y avait personne. Mais pour celles du riche, beaucoup de monde est venu l’accompagner.

En fait, l’homme riche ne se préoccupe pas de Lazare, mais il ne se préoccupe pas de Dieu non plus.

Le pauvre est donc emporté au ciel par des anges, et le riche est enterré, point, à la ligne…

L’un est au ciel et l’autre, le riche, aux enfers. Leurs sorts se sont inversés. Cette parabole, adressée par Jésus aux pharisiens, est aujourd’hui adressée à chacun de nous. Elle nous invite à réfléchir, à ouvrir nos yeux pour voir le monde où nous vivons.

Les deux hommes de notre parabole nous servent de miroir. L’objectif de Jésus, il me semble, n’est pas de nous culpabiliser, mais plutôt de nous faire prendre conscience et d’ouvrir nos yeux à une réalité qui nous dérange. Car notre parabole pourrait nous conduire à une mauvaise lecture, séparant les hommes en bons et en méchants. Par exemple : Tous les riches sont méchants, et tous les pauvres, bien entendu, sont bons.

La première lecture, tirée du prophète Amos, va dans la même direction que notre évangile. Amos est originaire du royaume du sud. Il est né à Teqoâ, une ville située à quelques kilomètres de Bethléem. C’est un homme de la terre, issu d’un milieu social aisé. Il condamne l’aveuglement des autorités et des personnes de l’élite, qui ne veulent ou qui ne peuvent voir la réalité de la montée en puissance des royaumes voisins. Amos est appelé comme prophète pour le Seigneur, pour prophétiser en son nom dans le royaume du nord. Bien sûr, le roi et les prophètes du nord essaient de le chasser : « Va-t-en d’ici et prophétise chez toi. »

Revenons à notre évangile.  Voilà un riche insouciant qui passe sa vie de banquet en banquet, qui tourne le dos aux souffrances des autres. Et voilà un pauvre mendiant à qui personne ne donne rien. Ce sont des hommes très proches sur la terre, mais au ciel, ils sont loin l’un de l’autre. Il y a entre les deux un abîme d’égoïsme. Il faut souligner que le riche n’est présenté ni comme un exploiteur ni comme un escroc qui opprime ses serviteurs. Il est condamné parce qu’il jouit de l’abondance sans la partager. Quand la richesse exclut des personnes, en quelque sorte, elle les déshumanise, puisque devant la misère humaine, le riche reste indifférent, pas du tout solidaire. Résistons à l’idée d’établir une comparaison, car le but de la parabole n’est pas de nous faire la morale, mais au contraire de nous inviter à prendre conscience que nous achetons parfois des choses superflues, dont nous n’avons pas vraiment besoin.

Je voudrais vous raconter une histoire :  Dans une école talmudique, un élève demande à son rabbin : pourquoi le pauvre est amical, et le riche ne te regarde même pas ? Le rabbin lui demande alors de regarder par la fenêtre. « Que vois-tu ? » « Je vois des gens qui s’en vont et qui reviennent du marché. » « Maintenant, lui dit le rabbin, tourne toi vers un miroir. Que vois-tu ? » La réponse est : « Moi-même. » Le rabbin continue : « La fenêtre est faite en verre, et le miroir aussi. Mais sur le fond de ce dernier, il y a une couche d’argent. Dès qu’on met une couche d’argent derrière le verre, on ne voit plus que soi-même. »

Fr. Manuel Akamine

Lectures de la messe :
Am 6, 1a.4-7
Ps 145 (146), 6c.7, 8.9a, 9bc-10
1 Tm 6, 11-16
Lc 16, 19-31

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