À une époque le peuple d’Israël se croyait puissant et plaçait sa confiance dans ses biens ! Le prophète Isaïe dénonça cette fausse sécurité ; « Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, champ à champ jusqu’à ne plus laisser de place. » (Is 5, 8) Par contre durant l’exil à Babylone, quand le peuple désespérait de Dieu, Isaïe et ses disciples l’encouragèrent à ne pas perdre courage, à mettre sa confiance en Dieu. A la fin d’exil, la situation du petit reste qui décida de rentrer au pays ne fut pas très facile. Terres et habitations étaient occupées par des juifs restés sur place. Ce petit reste, demeuré fidèle à son Dieu, se trouva ainsi dans une grande précarité matérielle et spirituelle. De plus, il était mal vu. Déjà à cette époque, il existait diverses formes d’injustice sociale ! Réalité d’hier mais toujours actuelle pour tant d’hommes et de femmes chassés de leur terre et la trouvant occupée à leur retour !
Touché par la souffrance de ses concitoyens, un disciple d’Isaïe prit la parole : « Réjouissez-vous avec Jérusalem… vous tous qui l’aimez ! » Soyez pleins d’allégresse, vous qui la pleuriez » durant l’exil ! Vous serez nourris de son miel, rassasiés de ses consolations! » Est-ce bien raisonnable de s’adresser ainsi à des gens dépourvus de tout ? En recourant à cette façon de parler, le prophète invite ses concitoyens à ne pas se laisser enfermer dans le fatalisme mais à se tourner vers le futur, à envisager un nouveau temps de prospérité, un temps au-delà de l’histoire !
Et dans une profession de foi inouïe, le prophète ajoute : « Le Seigneur le déclare : Voici que je dirige vers Jérusalem la paix comme un fleuve et, comme un torrent … » Non seulement, le prophète invite à se réjouir car tout temps d’épreuve a une fin, mais au nom de Dieu, il encourage des gens paumés à accueillir la paix, une paix donnée par Dieu. Expérience incompréhensible à vue humaine ! Une paix voulue par Dieu, comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations ! Jérusalem, gloire des nations alors qu’en réalité, il ne subsiste que peu de choses et y règnent des tensions liées aux injustices sociales ! Jérusalem, centre vers lequel viendront toutes les nations, lieu de consolation pour tous ! Sous des apparences contraires le prophète croit que rien n’empêchera le projet de Dieu de se réaliser. Il invite à faire de même !
Notons que dans, l’Évangile lu ce jour, Jésus désigne et envoie 72 disciples deux par deux en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Jérusalem n’est plus le centre. Le mouvement de la mission est différent. C’était déjà le cas quand Jésus envoya les douze proclamer l’irruption du Royaume de Dieu et faire des guérisons. (Lc 9, 1-6) Dans les deux envois, comme dans la première lecture, la tache est énorme et peu nombreux sont les ouvriers. Aussi enraciner la mission dans la prière, dans un cœur à cœur avec le maître de la moisson est capital. A plusieurs reprises dans sa vie, Jésus, se retire pour prier, pour communier avec son Père avant des choix importants. Retrait au désert avant de débuter sa prédication, retrait dans un lieu isolé avant l’appel des 4 premiers disciples, retrait au mont des Oliviers avant son arrestation !
Sans doute, est-ce à travers la prière et la relecture du passé, qu’un Isaïe et ses disciples purent percevoir que Dieu était à l’œuvre au-delà de la situation dramatique vécue par le petit reste revenu d’exil ? Compatissants et démunis en présence d’une telle souffrance, ils approfondirent et purifièrent leur vision de Dieu. Dorénavant, Dieu leur apparaissait avec les traits d’une mère qui nourrit, porte et supporte son peuple et le petit reste, comme un enfant que sa mère console. Ainsi Dieu consolera son petit peuple, il le choiera sur ses genoux ! Expérience que nous pouvons faire un jour ou l’autre après avoir encaissé un coup dur dans notre vie. Une patiente en soins palliatifs partageait ceci « Ma foi n’est plus le fruit d’une interprétation personnelle, ni la conséquence de ce que j’ai entendu. Je rentre dans une relation filiale qui l’épure et la renforce. Je sais que je ne passerai pas la Croix seule. » Expérience de la tendresse de Dieu qui rejoint les profondeurs de notre être nous rendant ainsi compatissant mais aussi audacieux vis-à-vis de nos frères et sœurs éprouvés ! Jésus signale aussi que les disciples pourront aussi rencontrer la révolte et le rejet.
Pour illustrer ce que je viens de vous partager, comment ne pas évoquer le choix fait par Carola Rackete, jeune capitaine de bateau allant à la recherche de migrants en perdition en Méditerranée ? Comment ne pas l’inclure parmi les 72 disciples envoyés aujourd’hui en mission par le Christ ? Son geste d’humanité et de solidarité comme ceux du Christ et d’un saint Paul, suscitèrent la haine et l’hostilité des autorités. Je confie aussi à votre prière le groupe de jeunes rassemblés par l’asbl Oneux et accueillis actuellement chez nos frères de Chucuito au Pérou A travers la construction d’une serre avec les parents d’élèves, ils ont comme objectif d’enrichir la nourriture des enfants en carence alimentaire. Occasion d’aller à la rencontre de l’autre et de découvrir sa richesse au-delà de sa pauvreté matérielle ! Deux signes d’espérance manifestant, à leur mesure, la présence du royaume de Dieu parmi nous !
Fr. Jean-Albert Dumoulin
Lectures de la messe:
Is 66, 10-14c
Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20
Ga 6, 14-18
Lc 10, 1-12.17-20