Les douze
Nul n’est prophète en son pays. Jésus a donc quitté la synagogue de son village. Quelques siècles avant lui, le prophète Amos avait été chassé de son pays et de son temple. Vingt siècles après lui, de nombreux chrétiens à travers le monde doivent quitter leur région parce qu’ils y sont persécutés ou simplement parce que, à cause de leur foi, ils ne peuvent y trouver du travail…
Les disciples dont l’évangile parle aujourd’hui, les douze, n’ont pas été mieux reçus que leur maître. Presque tous ont payé de leur vie la fidélité au Christ. Ils avaient été choisis pour être avec lui et pour proclamer la Bonne Nouvelle (Marc 3,14). Ils l’ont d’abord suivi à Capharnaum, puis au bord du lac pour écouter son enseignement en paraboles. Ils ont traversé la tempête, que Jésus a calmée, ils l’ont vu délivrer un possédé en terre païenne, puis ils sont revenus à la ville où ils ont assisté à la guérison d’une femme âgée et à la réanimation de la fille du chef de la synagogue. Mais à la synagogue de son pays, Jésus a été rejeté… N’ont-ils pas suivi de la sorte une belle formation à l’évangélisation ?
Aujourd’hui, dans un monde où l’annonce de la Bonne Nouvelle n’est pas plus facile que jadis, le programme des douze pourrait nous étonner. Ne s’agit-il pas d’avoir du rendement, de prévoir de fines stratégies de communication, de mettre au point des méthodes pastorales efficaces ?
Regardons de plus près la méthode évangélique et ses moyens rudimentaires.
Être avec Jésus, c’est ce que les apôtres ont vécu. Ils l’ont tout simplement accompagné sur la montagne, dans la ville, sur le lac, en terre étrangère, à la synagogue. Ils l’ont écouté raconter ses histoires sur Dieu, ils l’ont vu guérir des malades et être repoussé par ses concitoyens…
L’envoi
Voici maintenant qu’ils sont envoyés deux par deux. Pour faire comme Jésus. Il n’a pas commencé l’annonce de l’évangile en prédicateur solitaire. Son premier acte a été d’appeler Simon et André à le suivre, ainsi que deux autres frères, Jacques et Jean. Communiquer la Bonne Nouvelle n’est pas l’affaire d’un isolé, fût-il curé. C’est toujours un travail d’équipe. Certaines communautés, nouvelles ou anciennes, pratiquent systématiquement cette manière de faire et s’en vont effectivement deux par deux témoigner du Royaume de Dieu. L’important n’est pas de copier le récit évangélique mais de savoir qu’on n’est jamais chrétien tout seul, et de pouvoir le montrer dans les actes.
« Il leur donnait autorité sur les esprits impurs… Ils partirent et proclamèrent qu’il fallait se convertir…et ils guérissaient de nombreux malades ». Annoncer et guérir : c’est la même mission que Jésus. Elle n’a pas changé. Manifester par les actes et par la parole la proximité et la bienveillance de Dieu. Lutter contre le mal et humaniser le monde…
…En commençant modestement, dans des rencontres toutes simples, sans être encombrés par des moyens compliqués et coûteux. Sans argent et sans réserves. En demandant l’hospitalité. Ne rêvons pas : il ne s’agit pas de transformer l’Eglise en couples de pèlerins sympathiques et miséreux . Retenons cependant que l’abbé Pierre a commencé l’œuvre d’Emmaüs en demandant de l’aide à un mendiant. Considérons aussi que le pape François touche l’opinion publique autant par ses gestes que par ses paroles.
Enfin, le Christ recommande aux douze de ne pas s’imposer quelque part. « Si on refuse de vous accueillir, partez… » Comme il l’a fait à Nazareth… Rien ne sert de forcer quelqu’un, d’autant plus que la foi n’est pas d’abord adhésion à une doctrine mais à une personne. Peut-on forcer quelqu’un à aimer ?
Voilà donc le programme missionnaire des douze. C’est celui de l’Eglise de tous les temps. Etre attaché à Jésus et le suivre, ne pas avancer seul mais en équipe, dire la bienveillance de Dieu et la vivre dans les actes, être libre vis-à-vis de la réussite ou de l’échec apparent de la mission. Sans inquiétude si la Parole n’est pas accueillie et si les églises ne sont pas remplies. On continue la route…Dans la confiance, puisque – comme l’écrit St Paul – « nous avons reçu la marque de l’Esprit Saint ».
Qu’ils sont légers les pas de ceux qui portent la Bonne Nouvelle !
Abbé René Rouschop