« L’Europe a besoin de spiritualité, car c’est là son origine, et d’une spiritualité qui s’incarne dans des actes ». Cette réflexion est celle de l’ancien président de l’Union Européenne, Herman van Rompuy. Elle synthétise bien un aspect de la Parole que nous venons d’entendre. Mais qu’est-ce que la spiritualité ? C’est devenu de nos jours un terme assez vague sous lequel on met parfois n’importe quoi… Pour faire simple, disons que pour nous chrétiens c’est l’influence de l’Esprit du Christ. Les dons de l’Esprit, c’est ce que nous célébrons particulièrement aujourd’hui, et ce ne sont en rien des idées vagues.
« Marchons sous la conduite de l’Esprit » répète Paul dans sa lettre aux Galates. Il y oppose la vie selon l’Esprit à la vie selon la chair, comme il dit, c’est-à-dire selon les appétits uniquement terrestres et intéressés : inconduite, débauche, idolâtrie, rivalités, intrigues, divisions, sectarisme… rien de nouveau sous le soleil pourrait-on dire. C’est ce que saint Jean appelle l’esprit du monde. A cela Paul oppose le fruit de l’Esprit Saint : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité… qui ne sont en fait que des déclinaisons de l’unique commandement de Jésus : aimer.
Revenons un instant au sens du mot « esprit ». Il traduit mal la réalité multiple que l’on trouve dans le terme biblique. On a pris l’habitude, un peu paresseuse peut-être, de transcrire en français la traduction latine habituelle « spiritus ». Mais l’original hébreu et grec signifie bien plus : à la fois vent et haleine, respiration, air, odeur et ardeur… Le plus proche serait sans doute « souffle ». Le vent a soufflé très fort ces derniers jours, et nous ne savions pas très bien sous cet orage d’où il venait et où il allait… Nous disons aussi de quelqu’un qu’il a rendu son dernier souffle, comme Jésus sur la croix. Quel est donc ce souffle saint qu’il a remis, qu’il a répandu sur ses disciples, et qu’il nous a donné à notre Baptême ?
Dans l’évangile de Jean, il est appelé « le Défenseur ». De nouveau la difficulté de traduire : ‘Paraclet’ lit-on dans certaines versions, ce qui veut dire ‘avocat’ en grec. Donc en même temps défenseur, conseiller, porte-parole… littéralement : celui qui parle à la place de… Les apôtres – et nous-mêmes – recevons de Jésus ressuscité et du Père le Souffle qui va nous inspirer, parler, agir et réagir à notre place, l’Esprit de vérité, le Souffle authentique de Dieu. « Il vous conduira vers la vérité tout entière » ajoute l’évangile. La quête de la vérité, est-ce un rêve irréalisable pour l’humanité ? Quand on voit ce qui se passe, par exemple dans les relations internationales ou dans le domaine de la communication, – fausses nouvelles, tentatives d’influences, recherches de profits de toutes sortes, – on est en plein dans ce que dénonce saint Paul.
Marchons donc sous la conduite de l’Esprit. Qu’est-ce que cela implique ?
Je me permets de relever trois choses :
1° résister à l’esprit du monde, à la chair : c’est-à-dire à l’attrait des biens terrestres, à la consommation exagérée, à tous les pièges d’une société qui risque en même temps de nous enfermer sur nous-même et de nous disperser… Résister.
2° faire confiance aux dons que nous avons reçus : les dons et qualités innées de chacun, et surtout le souffle et l’inspiration du Christ. « Ayez confiance en l’Esprit qui habite en vos cœurs » ne cesse de répéter Paul.
3° comme dans le récit de la Pentecôte, rechercher l’unité dans le respect des diversités. Il est significatif qu’à Jérusalem des gens de partout s’émerveillent parce que chacun entend dans sa langue maternelle ce qui est dit en dialecte galiléen. « Tous, nous entendons dans nos langues les merveilles de Dieu ».
Puisse l’Europe aux multiples langues, et nous-mêmes chacun à notre place, traduire dans des actes d’amour, de paix, de joie, de bienveillance, de vérité… le souffle qui nous vient de Jésus Christ.
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Ac 2, 1-11
Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34
Ga 5,16-25
Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15