Les disciples s’étaient déjà posé la question quand Jésus avait annoncé les événements de ces jours saints: ils se demandaient ce que voulait dire ressusciter d’entre les morts. Et nous de même, nous prolongeons leur interrogation: Qu’est-ce que la résurrection ? En quoi nous concerne-t-elle ? Que nous apprend l’Ecriture entendue abondamment en cette nuit de Pâques ?
D’abord, que la résurrection n’est pas à envisager de façon théorique et savante, mais qu’il s’agit avant tout d’une action vécue par quelqu’un qui, au cours de son existence, fut imprégné de la Parole. Le sabbat terminé, les femmes se rendent au tombeau pour embaumer le corps de Jésus. Et ce quelqu’un, nommé Jésus a vécu, parlé, agi, guéri, aimé, si fort et si bien que sa » silhouette » peut encore traverser nos vies et être reconnue au détour d’une rencontre, d’un projet, d’une recherche de sens…
Deuxièmement qu’on ne ressuscite pas tout seul, comme on ne naît pas tout seul. La présence d’un jeune homme mystérieux et l’expression » on a roulé la pierre qui était pourtant très lourde » expriment l’action de Dieu, du Père que Jésus a tellement cherché et prié durant sa vie. Jésus n’est pas un super héros qui se sauve lui-même en devenant hyper autonome, idée que notre société semble vouloir mettre sur les épaules des jeunes qui commencent dans la vie: vous êtes responsables de votre réussite ou de votre échec. Rien de tel avec Jésus qui librement se met en dépendance du Père; et les Actes nous le confirment: » Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité. »
Sans la relation d’amour et d’unité entre Jésus et son Père, pas de résurrection. Autrement dit, la résurrection révèle la force de l’amour. Pas d’unité sans trinité et pas de trinité sans unité.
Et pour nous, cela veut dire que plus nous cultivons des alliances profondes, spirituelles, aimantes, plus nous ouvrons le champ de résurrections possibles à expérimenter déjà de notre vivant et qui préfigurent notre résurrection totale en Christ.
Tout commence par une lumière qui nous appelle à vivre: » Que la lumière soit. » La résurrection, c’est un rayon de lumière qui vient éclairer et réchauffer ce qui était mort en nous. Elle vient séparer ce qui doit demeurer de ce que nous pouvons laisser aller.
» Prends ton fils, ton unique,… Ne porte pas la main sur l’enfant… » Le paradoxe de la deuxième lecture nous apprend que cette lumière qui nous appelle à vivre nous demande un travail: celui de nous ouvrir à un Dieu autre que ce que nous avions imaginé, différent de toutes nos représentations. Un Dieu qui démonte notre logique et nous en propose une autre. Une logique de la liberté et du déplacement.
» Ordonne aux fils d’Israël de se mettre en route. » Pour ressusciter, il faut accepter de quitter la mort, l’endormissement, l’anesthésie, l’immobilisme,… et oser croire que la vie a encore du ressort, peut nous faire accéder à une liberté inconnue.
Ressusciter en découvrant cette liberté peut se vivre dans le cadeau du pardon, de la réconciliation au-delà de toute attente. Découvrir l’amour inconditionnel de Dieu qui couvre toutes nos fautes redonne vie.
» Dans mon amour éternel, je te fais miséricorde. « Alors ce qui était desséché en nous reçoit une eau bienfaisante et désaltérante. Notre vieille bible prenant la poussière et oubliée depuis longtemps sur une étagère s’ouvre à nouveau et devient source d’alliance. Les lettres et les mots tombés aux oubliettes des pages closes voient le jour et un souffle nouveau.
» Écoutez et vous vivrez. »
L’écoulement de nos jours peut devenir une recherche passionnante de Dieu. Où l’apprentissage de la connaissance du Seigneur devient présence de force, d’intelligence et de paix. S’attacher ainsi à lui, c’est retrouver la vie.
En participant à la mort et au relèvement de Jésus, nous recevons toutes ces étapes qui nous établissent dans la vie nouvelle; et, comme le Christ, nous devenons vivants pour Dieu dès à présent et jusque dans l’éternité.
L’éternité me direz-vous avec un petit sourire…
Et bien oui, osons dire que, pour nous, célébrer Pâques, c’est faire renaître l’espérance en nos cœurs. Et la lettre aux Hébreux appelle l’espérance l’ancre de l’âme, le symbole de l’espérance chrétienne. Non pas d’abord une ancre que l’on jette au fond de la mer pour s’assurer de ne pas être emporté à la dérive en la lestant de nos garanties et de nos plans d’avenir, …mais une ancre plus légère que nous osons lancer vers le haut, au-delà du voile du temple, au cœur de l’éternité, suivant le mouvement du Christ en sa résurrection.
Fr. Renaud Thon